Chapitre 2

Je ne suis pas revenue par nostalgie, mais pour ramasser les quelques pauvres affaires qui me restaient. Mais dès que j'ai franchi la porte, j'ai compris qu'il n'y avait rien ici qui mérite d'être retenu.

J'avais toujours vécu dans le débarras, le coin le plus minuscule, le plus humide et le plus sombre que l'on ait bien voulu me donner. À l'intérieur, il n'y avait que de vieux vêtements, tous des articles d'occasion que personne ne voulait. Le dressing d'Elsa était trois fois plus grand que le mien. Et tout ce qu'elle ne voulait plus finissait dans ma chambre, comme si j'étais un dépotoir.

Je venais de finir de ranger quand mon téléphone a sonné. C'était le gardien du cimetière.

« Jennifer, tu te souviens de l'emplacement de la tombe que tu as choisi la semaine dernière ? Si tu viens maintenant avec les pièces d'argent pour le réserver, je te le garde. Sinon, quelqu'un d'autre le prendra… »

Il y a une semaine, j'avais effectivement choisi un bel endroit.

C'était calme, recouvert de fleurs de lune et de roses blanches. Ma louve disait toujours qu'elle voulait y reposer, loin de ce monde cruel.

Mais maintenant… ce rêve était voué à l'échec.

Une louve que même sa famille ne daignait regarder n'a-t-elle pas perdu tout droit à une tombe ?

Mon propre père ne voulait même pas m'envoyer de guérisseur. Alors, comment pourrait-il m'offrir la pièce d'argent pour un cimetière ?

Je suis restée silencieuse un instant avant de répondre doucement : « Merci, mais c'est pas nécessaire. »

À peine avais-je raccroché que mon frère William est entré.

Il a froncé les sourcils et s'est approché : « Le cimetière ? Tu fous quoi encore ? »

Pendant un instant, j'ai cru qu'il comprenait ma situation, qu'il pourrait peut-être s'en soucier.

Mais ma fausse illusion s'est brisée aussitôt.

« Tu ne fais que des histoires encore ? » a-t-il interrogé d'un ton acéré, « J'ai entendu dire que tu as foutu un bordel au Conseil des affaires juste pour gâcher la cérémonie d'Elsa ? »

« Même moi, j'ai honte pour toi ! Tu as sali l'honneur de toute la famille ! »

« Elsa est tellement dévastée qu'elle a failli s'évanouir ! Le jour le plus important de sa vie, tu l'as ruiné ! »

« Tu sais à quel point la première transformation est importante pour un loup-garou ? »

« Si elle n'avait pas perdu ses parents, elle n'aurait même pas dû grandir chez les autres ! »

« Pourquoi toujours t'en prendre à elle ? Pourquoi ne pas la laisser tranquille ? »

J'ai fixé mon frère agacé, ma gorge serrée comme si quelque chose m'étouffait.

N'étais-je pas celle qui était ignorée ? Celle qui était considérée comme l'intruse dans cette famille ?

Oui, la cérémonie d'Elsa était importante. Et ma première transformation, alors ?

Depuis son arrivée, je n'ai plus couru sous la pleine lune avec ma famille. À chaque fois qu'ils promettaient de chasser avec moi, Elsa tomberait pile malade, ferait une allergie ou aurait un problème… et ils me laissaient seule pour l'emmener à l'infirmerie.

Chaque fois, c'était ainsi.

Depuis son arrivée, tout a été pour elle : attention, soins, amour.

Mais ma première transformation ? Ils l'avaient complètement oubliée.

Personne n'avait vu, personne n'avait célébré, il n'y avait ni cérémonie, ni des invités, même pas une félicitation.

Mais pour Elsa, cette fois, ils avaient invité presque toute la meute et ont organisé une cérémonie grandiose.

J'ai fixé William, les larmes dans les yeux. Ma voix tremblante s'est échappée en quelques mots : « William, tu te souviens de ma première transformation ? »

« Vous avez non seulement tous oublié, mais en plus, vous vous en fichez ! Personne ne m'a demandé comment je me sentais, si j'avais peur. »

« C'était censé être le moment le plus important de la vie d'un loup-garou… et j'ai traversé ça toute seule. »

William a semblé se souvenir de quelque chose, car j'ai vu un flash de culpabilité dans ses yeux.

Mais ses mots sont restés glacials et coupants :

« Tu veux vraiment être aussi rancunière ? » a-t-il dit d'un ton sec.

« Si tu acceptais de t'excuser et de réparer tes erreurs, est-ce que papa et maman seraient encore fâchés maintenant ? »

À ce moment-là, la porte d'entrée s'est ouverte. Avant même qu'ils n'entrent, j'ai entendu leurs voix.

Oui, c'était mes parents.

« Tu as encore le culot de parler de ta première transformation ! » a crié mon père, « Tu n'as aucune dignité ! »

« Tu ne mérites même pas d'avoir une cérémonie ! Regarde ce que tu as fait à Elsa ! »

Sa colère m'a assaillie comme un tsunami. Je pouvais sentir son loup à peine contrôlable, prêt à me déchirer.

« Tu as tout gâché pour Elsa ! Mais est-ce qu'elle t'en veut ? Non. Elle a pleuré en nous demandant de te pardonner, jusqu'à s'évanouir ! »

« Et toi, tu n'as même pas honte ? Excuse-toi, immédiatement ! »

Elsa s'est réveillée soudainement de sa tristesse, s'est approchée et a esquissé un sourire pitoyable, disant d'une voix si faible qu'on aurait à peine pu l'entendre : « Il n'y a pas besoin de t'excuser, Jennifer. Mais… tu pourrais me faire ce gâteau aux noix ? Ça fait longtemps que j'en ai envie. »

L'expression de ma mère s'est radoucie immédiatement, son visage s'épanouissant d'une tendresse inopportune : « Regarde comme Elsa est gentille ! Elle te tend la perche, et tu ne veux même pas l'accepter ? »

J'ai fixé Elsa et son sourire hypocrite avant de répondre froidement : « Tu as dit que tu étais allergique aux noix, non ? Alors ? Tu prévois encore de m'accuser de tentative de meurtre ? Si tu insistes pour que je fasse ce gâteau aux noix, c'est pour m'accuser de t'empoisonner, non ? »