Point de vue : Rocco La voiture s’immobilisa devant l’immeuble new-yorkais, et un silence s’abattit dans l’habitacle. Rocco resta immobile un instant, observant les lumières de la ville danser derrière les vitres teintées. Deux mois. Deux mois d’Italie, de tension, de confrontations et de silences étouffants. Deux mois à porter un masque devant un père qui le jugeait, une mère qui se taisait, un frère trop parfait et une sœur trop lucide. À ses côtés, Antonio coupa le moteur sans dire un mot. Lui aussi semblait absorbé par cette atmosphère étrange. New York, pourtant si vivante, paraissait figée ce soir-là. Comme si elle retenait son souffle. — T’es sûr de toi ? murmura Antonio en le regardant de côté. Rocco sortit lentement de la voiture. L’air était frais, chargé de cette électricité qu’il avait presque oubliée. Il inspira profondément avant de répondre : — Plus que jamais. Ils montèrent dans l’ascenseur en silence. L’appartement était exactement comme ils l’avaient la
Gianna – Le message restait là, figé sur l’écran, comme une brûlure vive qu’elle n’arrivait pas à apaiser. “Parce que même à 7 000 kilomètres de toi, tu hantes chacun de mes gestes. Même quand je te fuis.” Elle avait relu cette phrase au moins cinquante fois. Le téléphone posé sur sa poitrine, elle restait immobile, dans ce lit trop grand, trop froid. Les murs silencieux semblaient l’écouter penser. Elle n’avait pas dormi. Pas une seconde. À l’aube, la lumière grise du jour filtrait à travers les rideaux, peignant la pièce d’une pâleur nostalgique. Gianna se leva sans bruit, traversa le couloir, et se dirigea vers la cuisine. Elle fit couler du café sans y toucher. Ses gestes étaient automatiques, mais son esprit était resté coincé dans ce message. Dans ce qu’il impliquait. Dans ce qu’il réveillait. — Tu es debout tôt… murmura Bianca, en entrant, emmitouflée dans son peignoir. Gianna tourna la tête, surprise. Elle n’avait même pas entendu les pas de son amie. — J’ai
Gianna – Le sommeil était devenu une épreuve. Gianna passait ses nuits à se retourner, piégée entre ses draps et ses pensées. Elle avait beau s’épuiser à l’université, à danser au Velvet, à sourire devant sa sœur pour lui donner l’impression que tout allait bien, chaque fois qu’elle fermait les yeux… il était là. Rocco. Parfois, c’était juste son regard. D’autres fois, c’était sa voix, ce ton grave qui effleurait sa peau comme une caresse. Et dans les pires nuits, c’était ce souvenir obsédant de sa main frôlant la sienne, de son souffle tout près de ses lèvres, sans jamais aller jusqu’au bout. Ce soir-là, elle avait voulu dormir tôt. Bianca l’avait observée d’un air soucieux avant de lui souhaiter bonne nuit. Gianna s’était blottie sous les couvertures, comme si la chaleur du tissu pouvait compenser le vide glacé qu’il avait laissé derrière lui. Elle rêva. Un rêve étrange, diffus, mais troublant. Elle marchait dans une rue étroite, pavée de silence. Et au bout de cet
Gianna – La vie avait repris son cours. En apparence, du moins. Les jours s’étaient enchaînés avec une mécanique presque froide. Réveil à l’aube, petit-déjeuner rapide avec Giulia – qui, bien que fatiguée, souriait à nouveau –, puis trajet jusqu’à l’université, cours, retour à la maison, et enfin, le soir, direction le Velvet. Gianna s’était remise dans le mouvement, comme on remonte une montre détraquée. Mais au fond d’elle, quelque chose sonnait faux. Il y avait ce vide. Silencieux. Constant. Une sorte d’absence sourde qui la suivait partout, même dans ses rêves. Rocco était parti depuis une semaine. Elle ne l’avait pas revu depuis leur rencontre devant la clinique. Pas de message. Pas d’appel. Pas même une énième provocation lâchée au hasard. Rien. Il était reparti comme il était venu : de manière brutale, imprévisible. Et elle… elle s’en trouvait déstabilisée. Elle n’avait jamais compté sur lui. Elle ne s’était jamais permis de penser à lui autrement que comme une
Gianna – Le silence de la chambre d’hôpital n’avait rien de rassurant. Même avec tous les appareils qui bipaient doucement, même avec le souffle paisible de Giulia endormie à côté d’elle, Gianna sentait son cœur marteler sa poitrine comme s’il refusait de se calmer. L’opération s’était bien passée. Les médecins l’avaient dit avec un calme professionnel, presque froid. Mais après des heures d’attente à se torturer l’esprit, le mot “réussi” n’avait pas suffi à la rassurer. Elle était restée assise là, sans bouger, la main serrée dans celle de sa sœur, comme si le moindre relâchement allait faire tout s’effondrer. Elle observait Giulia. Son petit visage pâle, les cernes sous ses yeux, les mèches brunes collées à son front. Fragile, et pourtant si forte. Gianna aurait voulu pleurer, mais ses larmes étaient restées coincées quelque part, trop profondes. Elle avait le cœur en miettes et les pensées en désordre. Et parmi ces pensées… il y avait lui. Rocco. Il ne l’avait jamai
Point de vue Gianna Le téléphone vibra tôt ce matin-là. Encore groggy, Gianna tendit la main pour attraper l’appareil. Son cœur se serra aussitôt en voyant le nom de l’hôpital affiché à l’écran. — Allô ? — Bonjour Mademoiselle Gianna, ici l’hôpital Mount Sinai. Je vous appelle pour vous informer que les frais d’hospitalisation et la chirurgie de Giulia ont été entièrement pris en charge. L’intervention est programmée pour vendredi matin. Tous les spécialistes nécessaires sont disponibles, et les médicaments ont été commandés. Gianna mit quelques secondes à répondre. — Mais… comment ? Qui… ? — Nous avons reçu les documents d’un cabinet d’avocats privés ce matin, avec ordre de procéder immédiatement. Tout est réglé. Il ne vous reste qu’à signer le consentement familial ce soir. Elle remercia à peine, la voix étranglée, puis raccrocha. Elle resta un long moment à fixer l’écran noir de son téléphone, incapable de bouger. Le soulagement, violent, se heurta à un nœud plus pr