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Chapitre 5

Author: Élise Bernard

De retour dans les appartements royaux, la dame d’honneur, qui jusque-là affichait un visage impassible, s’est hâtée de préparer un bain parfumé pour la reine, lui offrant des services avec une sollicitude bien plus marquée qu’auparavant.

Elle écartait Claire et lui adressait un sourire de flatterie : « Votre Majesté, après tout ce temps, à l’exception de Madame de Lamballe, le roi n’a pas vraiment honoré d’autres dames de la cour. Vous êtes la première à être si clairement favorisée ! »

Claire se tenait à côté, son regard plein de désapprobation envers l’hypocrisie de la dame d’honneur. Elle n’avait pas montré une telle obéissance auparavant. Ce qu’elle venait de faire n’était rien d’autre qu’une flatterie opportuniste, sachant d’où venait le vent.

Évidemment, au sein de la cour, la position des femmes dépendait entièrement des faveurs du roi. Sans cette protection, même une reine, aussi noble soit-elle, pouvait être ignorée et négligée.

La dame d’honneur, tout en continuant de verser ses compliments, n’obtenait aucune réponse de la part d’Isabelle, qui lui a ordonné froidement : « Retirez-vous. Claire m’assistera seule dans la chambre. »

Une fois que la chambre redevenue calme, Claire s’est rapprochée d’Isabelle, préoccupée, et a murmuré : « Majesté, c’est une bonne chose que le roi soit venu. Mais, en agissant ainsi, vous ne vous mettez-vous pas directement à dos Madame de Lamballe ? Madame Éléonore nous disait toujours que dans la cour, il faut agir avec prudence et ne jamais se faire d’ennemis, surtout pas avec Madame de Lamballe… »

Isabelle s’est tournée soudainement vers elle, son ton glacial et ses yeux aussi perçants que ceux d’un faucon. Elle ne croyait pas en cette forme d’éducation fondée sur une obéissance absolue.

« Alors c’est ainsi que ma mère avait enseigné à Elodie ? » Elle a laissé cette question flotter dans l’air, indifférente aux conventions de la cour.

Isabelle ne se reconnaissait pas dans ce genre d’éducation. Elle avait été formée à l’art de la vengeance et de l’action directe, car la vie était trop courte pour y rester passive.

Elle a poursuivi d’une voix glacée : « Ma mère, comme tous les Montpensier, avait des attentes très strictes. Elle voulait que ses filles épousent les plus hauts rangs et soient irréprochables dans leurs vertus. Mais Elodie a toujours été différente. Elle enviait ma liberté, la vie que je menais, elle détestait l’idée de devenir reine. Mais si elle avait épousé le roi, aurait-elle pu supporter la pression et les intrigues de la cour de Versailles ? »

Claire faisait partie des rares personnes chez les Montpensier à connaître la véritable identité de la reine. Elle était extrêmement vigilante, et par réflexe, elle a refermé précipitamment la fenêtre et s’est tournée vers Isabelle : « Majesté, les murs ont des oreilles ! Ce qu’il faut oublier, oubliez-le, et ne le mentionnez plus… »

Isabelle a répondu d’un ton calme et assuré : « Ils sont loin, personne ne nous entend ici. ». Elle était experte dans l’art du déguisement, mais plus encore, elle avait l’instinct d’une guerrière. Elle pouvait sentir une présence à des kilomètres. Si elle n’avait pas eu cette maîtrise, elle ne serait pas revenue d’une telle aventure à travers l’Europe.

Isabelle avait un caractère franc, elle s’est tournée vers Claire avec une détermination glaciale : « Ce soir, je suis allée au Petit Trianon sous prétexte de livrer un remède. Mais en réalité, c’était pour examiner les dispositions des gardes et les failles dans leur défense. »

Claire, alarmée, a demandé prudemment : « Majesté, que comptez-vous faire ? »

Isabelle, son regard durci, a répondu sans hésiter : « Je vais la tuer de mes propres mains. »

« Quoi ! » s’est écriée Claire, couvrant sa bouche, choquée par l’audace de la reine. Elle n’arrivait pas à y croire. La reine voulait donc assassiner Madame de Lamballe ?

Claire s’est ressaisie, tentant de convaincre Isabelle de renoncer à ce plan risqué.

« Majesté, c’est trop dangereux ! »

Isabelle a hoché la tête, avec une gravité rare. « C’est effectivement risqué. Madame de Lamballe est trop protégée. Les gardes au Petit Trianon sont renforcés. Pour l’instant, il n’y a pas de faille. Je dois m’y rendre plusieurs fois avant de comprendre leur organisation. »

Claire a avalé sa salive, terrifiée.

« Mais, Majesté… votre mère a dit que… »

Isabelle l’a coupée d’un regard glacial. « Tu avais raison tout à l’heure : ce qui doit être oublié, doit l’être. »

Claire s’est exclamée, effrayée : « Votre Majesté, je ne voulais pas dire cela ! »

Isabelle la fixait : « Je ne t’y oblige pas. Si toi aussi tu veux venger Elodie, alors tu agiras avec moi. Mais si tu crains, et ne veux pas comploter à mes côtés, considère que tu n’as rien entendu. Toutefois, ce que je m’apprête à faire, tu n’as pas le droit de le révéler à qui que ce soit. Sinon, je te tuerai. »

Elle pouvait tolérer que ses proches soient inutiles, mais pas qu’ils deviennent un fardeau.

La lutte intérieure de Claire était évidente. Elle pleurait intérieurement pour Elodie et a fini par céder : « Majesté… Je… je vais vous aider. Elodie… elle m’a toujours traitée comme une sœur. Je ne peux pas supporter de la voir morte sans justice. Si cela peut vous aider, si cela peut aider Elodie… je suis prête à tout ! »

Isabelle la fixait calmement, son visage impassible comme l’eau d’un lac : « Puisque tu as choisi, ne reviens pas en arrière. »

Claire a baissé la tête, mais son inquiétude a persisté : « Majesté, si ce soir… si le roi venait… il saura que vous êtes encore intacte... Puis Madame de Lamballe le saura à son tour, elle se mettra à douter de vous. Comment ferons-nous ? »

Isabelle a répondu sans crainte :« Premièrement, le roi est le souverain d’un pays, il ne divulguerait jamais ses affaires intimes, surtout pas à sa favorite, au risque de provoquer sa jalousie. Deuxièmement, même si le roi en parle, Madame de Lamballe ne croira pas tout ce qu’il dit. Elle se dirait seulement qu’il essaie de sauver son honneur, ou bien soupçonner quelque manipulation de notre part. Dans tous les cas, elle ne mènera pas d’enquête publique sur ce sujet, car ce serait humilier le roi devant tout le monde. »

Claire a ajouté : « Mais avant le mariage, Madame de Lamballe... »

« Avant le mariage, je n’étais pas la reine. Mais à présent, mon rang parle de lui-même. »

Claire, soudainement rassurée, a souri timidement.

« Il n’y a plus à craindre la venue du roi alors. »

Mais, malgré l’attente, le roi ne venait pas. Le temps passait, et Isabelle, dans sa robe de nuit en soie rouge, demeurait immobile : « Il ne viendra pas. Reposons-nous. »

Claire, frustrée, murmurait dans son dos : « Comment peut-il être aussi infidèle à sa parole ! »

Isabelle, indifférente, s’est laissée aller à un sommeil profond.

Dans la nuit, un poids lourd écrasait soudain son corps, accompagné de l’odeur de vin et de mouvements brutaux, cherchant à déchirer sa robe de nuit.

Elle s’est réveillée en sursaut, les sens en alerte, et d’un réflexe saisit le poignard dissimulé sous son oreiller. Dans l’obscurité, une main de fer lui enserrait le poignet, une voix basse et glaciale se faisait entendre près de son oreille, pleine de menace et d’autorité : « Reine… Que fais-tu… ? Tu veux… tuer ton roi ? »
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