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Chapitre 9

Author: Élise Bernard

Le Duc d’Orléans, peiné, a tenté d’intercéder : « Votre Majesté, cela me semble un peu trop sévère envers la Reine. »

Cependant, Louis s’était déjà retourné et était parti, laissant derrière lui une silhouette imposante et d’une autorité incontestable.

Le vent soufflait et faisait voler l’ourlet du manteau du duc. Il descendait les marches, son regard lointain embrassant l’ensemble du jardin de Versailles et des écuries royales, y compris la silhouette de la femme qui venait de galoper à cheval.

Dans ses souvenirs, il semblait que, jadis, une jeune fille montait à cheval avec la même prestance…

Après avoir été prise de peur, la Reine-Mère Anne est retournée à son monastère de Saint-Cyr. Isabelle, elle, a regagné ses appartements royaux.

Conformément aux règles de cour, la Reine devait encore recevoir la visite des dames de la cour pour une présentation officielle.

Mais les dames présentes étaient peu nombreuses, et la plupart prétextaient des maladies ou des obligations domestiques.

Isabelle, sans vouloir se livrer à des politesses hypocrites, s’est contentée d’accueillir brièvement les quelques invitées, puis les a renvoyées.

Peu de temps après, un messager du Roi est arrivé pour transmettre un ordre verbal : « Votre Majesté, Sa Majesté le Roi a été informé de votre acte héroïque ce matin en sauvant la Reine-Mère. Il vous accorde en récompense une paire de coffrets en émail sertis de pierres précieuses. De plus, il vous charge de superviser l’exécution de la jument folle… »

Claire, en entendant ces mots, s’est sentie profondément indignée. Depuis quand confiait-on à la Reine la charge de superviser une exécution ? Et en plus, celle d’une jument pleine ! Un tyran, c’était bien un tyran, cruel et déraisonnable !

Isabelle est restée impassible, sans un signe de colère ou de ressentiment.

Le messager, désorienté, ne pouvait comprendre comment elle arrivait à supporter cela. Il était curieux de voir combien de temps elle pourrait garder son calme !

L’après-midi

Les Écuries Royales

Le Grand Écuyer avait déjà sorti la jument de la stalle, prêt à exécuter l’ordre. Tous, passionnés de chevaux, lui ont demandé en suppliant de reconsidérer la décision : « Votre Majesté, ne pourrait-on pas revenir sur cet ordre ? Cette jument a été une noble monture sur le champ de bataille ! »

Isabelle, tenant les rênes, a caressé doucement le flanc de la jument.

Son regard restait calme, fixant la bête dans les yeux.

Puis, elle a ouvert la bouche, sa voix sans émotion : « Exécutez l’ordre. »

Le bourreau a conduit la jument vers la bascule préparée pour l’abattage. Dès que les cordes seraient coupées, la lourde lame tomberait.

Isabelle s’est assise sur le siège de la présidence, à quelques pas de la scène. Ses beaux yeux froids étaient distants et indifférents, sans le moindre signe de compassion ou de pitié, plus froide encore que le bourreau.

Mais, au moment où le mécanisme mortel allait être activé, le palefrenier chargé de maintenir la jument a senti une douleur soudaine au poignet !

Dans un instant d’inadvertance, il a lâché prise, et la jument s’est dressée sur ses pattes arrière, avant de s’élancer à toute vitesse !

Le bourreau et les gardes ont été pris de panique : « Rattrapez-la vite ! »

Isabelle a observé calmement, comme si elle était spectatrice de la scène.

Claire, cependant, a remarqué clairement que c’était Isabelle qui, discrètement, avait lancé une petite pierre comme projectile, frappant le poignet du palefrenier et lui donnant ainsi la chance d’échapper à son sort.

Elle avait aussi, de manière secrète, entravé ceux qui tentaient de poursuivre la jument en leur faisant trébucher sur des obstacles.

Ils n’étaient déjà pas capables de suivre cette monture rapide, et maintenant, ils ne pouvaient que la regarder s’éloigner à toute vitesse, disparaissant dans les bois de la forêt royale au loin…

Le Cabinet du Roi

La lumière jouait à travers les fenêtres, se posant en ombres sur le trône du souverain.

Ses traits sévères étaient assombris par une froideur intense.

Les fleurs de lys brodées sur son manteau étaient imposantes, mais ne surpassaient pas l’intensité de son regard, qui rendait impossible toute confrontation directe.

Les gardes étaient agenouillés sur le sol.

« Votre Majesté… le cheval… le cheval a fui la forêt de chasse, et il… il a disparu sans laisser de trace… »

Le roi, assis sur son trône, est resté silencieux. Son regard perçant glaçait les serviteurs qui se tenaient là, leur faisant sentir qu’ils marchaient sur des œufs.

Un autre serviteur est entré, annonçant : « Votre Majesté, la Reine demande à être châtiée pour son échec ! »

Enfin, le roi a brisé le silence, sa voix glaciale : « La Reine a failli à sa supervision, sa pension annuelle sera confisquée. Quant aux autres impliqués, ils seront renvoyés, et bannis de Versailles. »

Le serviteur est parti pour transmettre l’ordre, puis est revenu avec un message : « Votre Majesté, la Reine a dit, ‘Elle remercie Votre Majesté pour sa clémence’. »

L’atmosphère dans la pièce devenait de plus en plus lourde et menaçante.

Le roi, qui était resté assis jusque-là, s’est levé brusquement. Sa silhouette imposante dominait la pièce comme une toile gigantesque, enveloppant tous ceux qui étaient présents, les obligeant à retenir leur souffle.

« La Reine… Très bien. » Les pensées du roi sont impénétrables.

Quand il disait « bien », cela ne signifiait pas forcément approbation.

Le salon de la Reine-Mère à Saint-Cyr

La Reine-Mère Anne s’est sentie indignée pour Isabelle.

« La Reine vient juste d’entrer dans le palais, elle doit gérer la cour et son rang, et voilà qu’on lui confisque ses gages ! Comment pourrait-elle gouverner le palais ainsi ?! »

Cependant, même la Reine-Mère ne pouvait rien contre l’ordre du Roi.

Le Petit Trianon

« Madame, la Reine vient juste de se marier, et voilà qu’elle est punie ! » La servante de la duchesse de Lamballe a rapporté cette nouvelle avec un sourire malicieux.

La duchesse de Lamballe, calme, avait déjà anticipé ce traitement pour la Reine.

Le Roi est toujours impitoyable envers les femmes qu’il n’apprécie pas.

Le lendemain

En chemin vers Saint-Cyr, Isabelle a rencontré un jeune homme vêtu de blanc, en tenue de cavalerie.

Elle l’a reconnu immédiatement comme étant le Duc d’Orléans, celui qui, lors de la cérémonie de mariage, avait représenté le Roi.
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