LOGINLundi matin. Huit heures précises.
Comme chaque début de semaine, Ralantsoa traversa le couloir du 5e étage sans un regard pour les bavardages, ni pour les sourires échangés entre les employés. Dossiers sous le bras, tailleur anthracite impeccable, elle ouvrit la porte de son bureau, la referma sans bruit et se fondit dans son monde. Là où tout avait un sens. Une logique. Une hiérarchie.
Elle s’installa à son bureau, ouvrit son agenda, relu ses notes pour la réunion de mercredi. Tout était sous contrôle.
Avec un peu de chance, il est du genre à rester enfermé dans son bureau toute la journée, pensa-t-elle.
Parfait.
Mais vers 10 heures, un brouhaha discret mais inhabituel commença à se propager dans le couloir. Des éclats de voix, des rires. Des exclamations.
Ralantsoa releva la tête, fronça les sourcils.
Encore une minute…
Finalement, elle se leva, sortie de sa bulle par cette agitation absurde. Elle ouvrit la porte et se retrouva face à un attroupement devant la salle de pause, où trônait… un plateau géant de sandwiches, gobelets, jus frais. Et au milieu de tout ça, Ny Aina Andrianisa, hilare, saluant les employés un à un comme un animateur de radio matinale.
— C’est lundi ! Alors un petit coup de boost avant d’attaquer la semaine ! Sandwichs pour tout le monde, j’espère que vous aimez le thon!
Ralantsoa se figea. Littéralement.
Le bruit. Le désordre. Les gens qui parlent la bouche pleine.
Elle inspira par le nez. Lentement. Très lentement.
Ce n’est qu’un plateau de sandwichs, pensa-t-elle. Ce n’est pas un putsch.
Mais le sang lui montait déjà à la tête quand elle le vit se diriger vers elle, sourire narquois aux lèvres, tenant un sandwich dans une serviette en papier.
— Vous en voulez un, Ralantsoa ? Au thon, maison ! Si vous dites non, c’est que vous n’avez pas de cœur.
Il plaisantait. Bien sûr. Mais elle ne riait pas.
Elle serra un peu la mâchoire. Sa première impulsion fut de lui asséner un non glacial, net, tranchant.
Alors elle tendit la main. Prenant le sandwich avec exactement la dose de courtoisie exigée par l’éducation. Pas un mot de plus. Pas un sourire.
— Merci, dit-elle.
Puis elle se détourna et retourna dans son bureau, en le laissant planté là, sourire suspendu aux lèvres.
Elle posa le sandwich sur son bureau. Le regarda comme s’il s’agissait d’un engin suspect.
Ralantsoa resta immobile, le souffle court, tandis que la porte se refermait sur le silence. La pièce semblait vouloir l’avaler. Son cœur battait si fort qu’elle craignait qu’il n’alerte ses gardes. Pourtant, sous la peur, une petite flamme d’obstination brûlait désormais plus vive : elle n’était pas seulement captive — elle était une clef. Et une clef, ça se tourne, ça se force.Elle reprit son travail, méthodique. La corde, déjà fragilisée, rendit un nouveau fil ; elle sut que le temps jouait pour elle. Ses doigts, engourdis mais précis, cherchèrent une faiblesse dans la boucle. Les mouvements de la main, répétés, étaient douloureux, mais le fil finit par lâcher encore d’un demi-centimètre. Une mince marge. Une marge suffisante pour glisser la main à travers et, peut-être, agripper le métal derrière la fixation.Des pas se firent entendre dans le couloir — trois, puis deux ; la cadence d’un changement de poste. Ralantsoa se recroquevilla et feignit l’évanouissement. Lorsqu’un garde
Ralantsoa sentit chaque mot comme une alarme qui tonne contre ses tempes. Il vient de rentrer. Les syllabes résonnaient encore, lourdes. Son corps se raidit ; la petite victoire sur la corde lui parut tout à coup dérisoire. Si il venait, tout changeait — soit il était la clef, soit il était la menace finale.Elle rouvrit très lentement les yeux et scruta l’obscurité. La pièce paraissait plus petite à présent, comme si les murs avaient reculé pour mieux l’enfermer. Ses doigts, engourdis mais acharnés, cherchèrent la partie usée de la corde. Il fallait qu’elle gagne encore un centimètre, juste un centimètre de plus pour glisser la main sous le lien, atteindre la boucle, et — si la chance lui
Lorsque Ralantsoa rouvrit les yeux, tout était plongé dans une semi-obscurité. Son corps était étendu sur un siège inconfortable, les mains attachées sur les accoudoirs. La pièce était silencieuse, à l’exception d’un léger bourdonnement électrique au loin. L’air était froid et chargé d’une odeur étrange qu’elle ne pouvait identifier.Elle essaya de bouger, mais ses muscles étaient raides et ses membres engourdis par l’effet du chloroforme. Sa panique monta d’un cran.— Où… où suis-je ? murmura-t-elle, sa voix tremblante.Une lumière s’alluma doucement au plafond, révélant un es
Ralantsoa ajusta une dernière fois son foulard devant le miroir, inspira profondément et attrapa son sac. La matinée s’annonçait chargée, mais elle n’avait pas perdu son calme habituel. Trente minutes plus tard, elle referma la porte de sa chambre et descendit les escaliers d’un pas léger. Sort de la maison en disant au revoir à ses parents.Dehors, l’air était encore frais. Elle s’avança vers la route pour héler un tuk-tuk.Un grondement discret se fit entendre. Un SUV noir aux vitres teintées s’arrêta juste devant elle, ses pneus crissant légèrement sur le bitume. L’instinct de Ralantsoa la fit reculer aussitôt, son cœur battant plus vite.La portière arriè
Ny Aina gara la voiture devant l’immeuble du bureau, son cœur battant plus vite qu’il ne l’aurait voulu. La façade grise, d’ordinaire si banale, lui parut ce matin presque menaçante. Il resta quelques secondes assis derrière le volant, le moteur encore allumé, comme pour rassembler ses forces.Finalement, il coupa le contact, attrapa son sac et descendit. À peine avait-il franchi le seuil qu’il croisa le regard furtif d’un agent de sécurité, plus appuyé qu’à l’accoutumée. Une impression désagréable le parcourut, mais il continua sa marche d’un pas assuré.Dans le couloir menant au bureau de Mme Vero, tout semblait calme. Les conversations feutrées s’éteignaient à son passage, et il crut pe
Ny Aina resta un moment immobile, le téléphone encore chaud entre ses doigts. Ses épaules s’affaissèrent légèrement, comme si tout le poids de la conversation venait de retomber sur lui.— Aller la voir… répéta-t-il d’une voix basse, presque pour lui-même.Ralantsoa inclina la tête, ses yeux brillants d’une douceur mêlée d’inquiétude.— Oui. Elle t’a parlé comme si elle n’avait plus personne. Et toi… tu as encore une place dans son histoire, même si ce n’est plus la même qu’avant.Il ferma les yeux un instant, inspirant profondément. Les images de son passé avec Linah revinrent comme des &eacut







