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Un bureau trop vivant

Author: Lana Ralm
last update Last Updated: 2025-07-01 15:40:16

Lundi matin. Huit heures précises.

Comme chaque début de semaine, Ralantsoa traversa le couloir du 5e étage sans un regard pour les bavardages, ni pour les sourires échangés entre les employés. Dossiers sous le bras, tailleur anthracite impeccable, elle ouvrit la porte de son bureau, la referma sans bruit et se fondit dans son monde. Là où tout avait un sens. Une logique. Une hiérarchie.

Elle s’installa à son bureau, ouvrit son agenda, relu ses notes pour la réunion de mercredi. Tout était sous contrôle.

Et puis… rien. Pas de mail du Directeur. Pas d’irruption dans son espace. Pas de “Coucou Ralantsoa !”.

Elle haussa un sourcil. Peut-être s’était-elle trompée sur lui.

Avec un peu de chance, il est du genre à rester enfermé dans son bureau toute la journée, pensa-t-elle.
Parfait.

Mais vers 10 heures, un brouhaha discret mais inhabituel commença à se propager dans le couloir. Des éclats de voix, des rires. Des exclamations.

Ralantsoa releva la tête, fronça les sourcils.

Encore une minute…

Encore deux…

Finalement, elle se leva, sortie de sa bulle par cette agitation absurde. Elle ouvrit la porte et se retrouva face à un attroupement devant la salle de pause, où trônait… un plateau géant de sandwiches, gobelets, jus frais. Et au milieu de tout ça, Ny Aina Andrianisa, hilare, saluant les employés un à un comme un animateur de radio matinale.

— C’est lundi ! Alors un petit coup de boost avant d’attaquer la semaine ! Sandwichs pour tout le monde, j’espère que vous aimez le thon!

Ralantsoa se figea. Littéralement.

Le bruit. Le désordre. Les gens qui parlent la bouche pleine.

Et surtout… ce regard d’adoration de ses collègues pour cet homme qui, en quelques jours, avait réussi à se faire aimer sans lever le petit doigt pour le travail.

Elle inspira par le nez. Lentement. Très lentement.
Ce n’est qu’un plateau de sandwichs, pensa-t-elle. Ce n’est pas un putsch.

Mais le sang lui montait déjà à la tête quand elle le vit se diriger vers elle, sourire narquois aux lèvres, tenant un sandwich dans une serviette en papier.

— Vous en voulez un, Ralantsoa ? Au thon, maison ! Si vous dites non, c’est que vous n’avez pas de cœur.

Il plaisantait. Bien sûr. Mais elle ne riait pas.

Elle serra un peu la mâchoire. Sa première impulsion fut de lui asséner un non glacial, net, tranchant.

Mais une autre voix résonna en elle — celle, douce mais ferme, de sa mère : "On ne refuse jamais un geste poli. Même si ça vient d’un imbécile."

Alors elle tendit la main. Prenant le sandwich avec exactement la dose de courtoisie exigée par l’éducation. Pas un mot de plus. Pas un sourire.

— Merci, dit-elle.

Puis elle se détourna et retourna dans son bureau, en le laissant planté là, sourire suspendu aux lèvres.

Elle posa le sandwich sur son bureau. Le regarda comme s’il s’agissait d’un engin suspect.

Puis, très calmement, elle retourna à son écran.

Le rapport trimestriel, au moins, ne lui faisait pas perdre de temps.

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