En jean, en foulard de tissus et en blouson, Hélène contemplait le Kwame Nkrumah Mémorial Parc and Mausoleum dédié à l’un des pères précurseurs du panafricanisme : Kwame Nkrumah. Les magnifiques fontaines d’eau, la vaste verdure, les statues. C’était un parc bien conçu d’un point de vue architectural et artistique, offrant aux touristes, un musée bien fourni. Hélas, la beauté et le calme des lieux ne la consolaient pas. Égarée au milieu de temps de beauté, elle n’arrivait pas à taire le tumulte qui semonçait sa conscience. Christophe s’était infiltré pernicieusement dans sa vie et habitait chaque rue d’Accra, hantait ses pensées et torturait son âme à genoux. Les souvenirs de sa grossesse l’étaient encore plus. Regarder des enfants dans la rue pulvérisait sa q
Cette nuit-là, prisonnière du monde des songes, contrée lointaine sur laquelle elle n’avait aucune forme de contrôle, elle tomba dans la pénombre, terrifiée et perdue. Ses hurlements saccadés résonnaient dans le silence accablant qui enveloppait la chute, mais il n’y avait personne pour lui venir en aide. Elle était seule et la solitude était sa plus grande hantise. Elle la plongeait irrépressiblement dans un puits sans fin de mélancolie et de désespoir. Elle faisait souvent ce rêve étrange dans lequel elle tombait interminablement dans les profondeurs d’un gouffre obscur, sans jamais s’écraser sur le sol. La sensation de vertige qui lui tenaillait les tripes n’était pas agréable. Quand elle se réveillait, elle était saisie du sentiment angoissant d’avoir échappé de justesse à une mort affreuse. Comme chaque fois qu’elle faisait ce cauchemar, elle se réveilla avant que son corps ne se disloque sur le sol spongieux de ses angoisses les plus intimes. Le cœur pantelant
Une délicieuse odeur de café flottait dans la cuisine. Enveloppée d’un peignoir en soie bordeaux, Hélène beurrait des tartines en fredonnant, lorsque Boris la rejoignit. Son complet noir fringant et sa chemise bleu acier rehaussaient l’éclat de sa peau tannée. Il déposa un petit baiser sur les lèvres de la jeune femme, puis s’assit.—Monsieur est très élégant ce matin! lâcha Hélène, extasiée, en le caressant du regard.—La journée sera longue, annonça-t-il. Une grosse intervention chirurgicale aujourd’hui. J’ai oublié de t’en parler hier.Hélène lui servit du café. Il prit une tartine et ajouta:—Chaque fois que je dois opérer un patient, je pense à toi. Ça m’évite de paniquer. La vie d&rs
ChapitreIIIOn ne regrette pas les personnes qu’on a aimées. Ce qu’on regrette, c’est la partie de nous-mêmes qui s’en va avec elles.Lucia Etxebarria de AsteinzaSeul et perdu, Christophe avait besoin d’entendre une voix amicale. Il ne savait pas ce qui le poussait à ne pas entretenir des contacts à distance, mais il trouvait plus agréable de s’entretenir avec des personnes en face. Il affectionnait particulièrement les rencontres réelles.Ce qu’il n’avait jamais voulu affronter lui entrait à présent dans le corps. C’était comme un éblouissement ou comme une décharge électrique. Tout lui revenait. Il marchait sur la rue vide, escorté par l’écho de son pas. Frôlé par les ombres de quelques passants ivres ou
Seul le bruit des couverts qui s’entrechoquaient résonnait à table. Irène la petite sœur d’Hélène mangeait doucement, d’une manière qui l’agaçait, sans raison particulière. De son côté, elle regardait son téléphone avec perplexité. Ses grands yeux songeurs le lacéraient avec insistance et scepticisme. Elle essayait malgré la bruine dans sa tête de se remémorer le numéro de téléphone qui s’affichait à l’écran, en vain. La sonnerie avait attiré la curiosité des deux jeunes femmes. C’était rare que quelqu’un l’appelle. D’ailleurs, le seul qui le faisait constamment c’était Boris, ce bellâtre romantique, aussi jaloux qu’aimable. Irène lui adressa un sourire facétieux tandis qu’elle pianotait su
ChapitreIVLa tristesse est momentanée, la douleur est toujours éternelle.Samuel Ferdinand-Lop—Évidemment! Ça devait arriver! dit-elle, pâle de colère.D’un pas vif, elle s’apprêta à rentrer chez elle, mais Boris la retint aussitôt par le bras.—Attends, soyons prudents. Je vais entrer en premier.À ce moment-là, le voisin de palier ouvrit sa porte. Il tenait une canette de bière et semblait quelque peu éméché.—Je savais bien que j’avais entendu des bruits, dit-il à Hélène d’une voix indifférente. En constatant les dégâts, j’ai appelé la police. C’est ce qu’on doit faire dans ces cas-là n’est-ce pas?
Elle ressentait les brûlures des flammes sur sa peau, la fumée qui s’introduisait pernicieusement dans ses narines pour souiller ses poumons, le bout de fer pointu qui s’était enfoncé dans sa chair, excitant ses nerfs, mais aussi, du sang qui glissait sur son visage comme une lente coulée de sueur. Son cœur battait la chamade, tambourinait atrocement vite. Elle entendait les gouttes de pluie s’abattre violemment sur le véhicule, pour se cracher dans le mélange infâme de boue et de sang. Elle sentait des pas s’approcher. Elle hurla à l’aide sans réponse. Personne n’était là. Elle était seule, au milieu des flammes et de la nuée sauvage. Elle revit cette arme pointée sur elle, ses sens en surrégime, priant intérieurement que cet inconnu ne lui fasse aucun mal, que survienne de nulle part un miracle. Hélas, ses espérances furent vaines. La première balle transperça son ventre, suivie des deux autres qui mirent fin à la vie de son bébé, ainsi que d’une partie de la sienne.  
Un cri de terreur résonnant dans toute la maison réveilla Boris au beau milieu de la nuit. Bondissant de son lit, il se précipita hors de sa chambre et accourut dans le salon où il trouva Hélène recroquevillée sur le canapé, mordant nerveusement la manche de sa chemise de nuit.—Hélène! Qu’est-ce qui se passe?La jeune femme ne répondit pas. Ses yeux lunaires semblaient perdus dans ses pensées maussades. Boris la prit dans ses bras et tenta de la réconforter. Ce n’était malheureusement pas la première fois qu’il la voyait dans cet état. Il avait l’habitude de ses crises de panique, de ses hurlements et de son sommeil souvent troublé et agité.—J’ai revu mon bébé… Cet homme… Un cauchemar, oui c’était un cauchemar, dit-el
Chapitre VPleurer a toujours été pour moi un moyen de sortir les choses profondément enfouies. Quand je chante, je pleure souvent. Pleurer, c’est ressentir, c’est être humain.Ray CharlesHélène avança dans les couloirs lugubres et inquiétants de la clinique psychiatrique d’Accra, anxieuse et craintive. Plus elle avançait, plus elle se sentait nerveuse. Elle tremblait. Des patients aux regards vides et terreux y vadrouillaient, tristes et silencieux. Zombifiés et terrifiés, tout portait à croire qu’ils étaient psychologiquement brisés. Ils riaient à voix haute, sans parvenir à se maîtriser, gambadant, menottés et maintenus par des infirmières qui ne laissaient transparaître sur leurs visages, rien d’autre que la pitié et