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Chapitre 11 — Les lignes qui se brouillent

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-07-28 02:38:45

Jade

Je n’ai pas dormi.

Ou si peu que chaque vibration de mon téléphone, chaque souvenir de son regard derrière l’écran, m’a tenue éveillée comme un fil électrique sous tension. Quand je ferme les yeux, je revois Caleb, cette chemise entrouverte, ce ton presque rauque qui s’était infiltré dans mes pensées comme une brûlure douce et cruelle. Je me tourne, je me retourne, incapable d’apaiser ce tumulte. Et puis il y a ce rendez-vous avec les ressources humaines ce matin.

Quand mon réveil sonne, j’ai déjà les yeux ouverts depuis des heures. Sous la douche, je laisse l’eau chaude couler sur ma peau, comme pour effacer l’écho de sa voix. Mais rien n’y fait. Plus j’essaie d’éteindre cette sensation, plus elle grandit, diffuse, obsédante.

Je choisis une tenue sobre une blouse blanche, un pantalon noir parfaitement ajusté mais je me surprends à ajouter un rouge à lèvres discret. Un détail. Et je me déteste presque pour ça. Pour qui je fais ça ? Pour moi ? Ou pour lui, si jamais je le croise ?
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    CALEBUn autre téléphone vibre non loin . Une silhouette se découpe à la lueur des lampadaires : Elian. Il n’est pas seul. Il n’est pas en civil. Son visage est fermé, les traits tirés. Il s’arrête à sa propre distance, la pluie ruisselant sur ses épaules. Nos regards se trouvent à travers la nuit , méfiants, rageurs, suppliants. Aucun mot ne sort. Tout est déjà dit : peur, regret, honte, amour.Une nouvelle vidéo arrive, plus courte, plus cruelle : Jade, le visage mouillé de larmes, souffle d’une voix cassée , s’il vous plaît. Le compte à rebours tourne : 01:08:39.Nos mains se cherchent, maladroites, enfin nécessaires. La pluie masque nos peurs . On reste à cette distance, l’angoisse comme une corde entre nous, comme si un geste trop brusque pouvait rompre la fragile trêve. L’orgueil est un animal mort sur lequel on marche pour avancer.Un téléphone grésille dans l’ombre. Une voix d’homme, froide et ordonnée, parle au bout du fil , entre nous et l’entrepôt, ses mots tombent nets , E

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    JADEJe m’éveille avec un goût de métal dans la bouche et une odeur âcre qui me pique la gorge. Mes mains sont liées, mes poignets endoloris, et chaque mouvement déclenche une douleur sourde. La lumière est crue, et je distingue les contours de la voiture autour de moi. Les vitres sont teintées, je ne peux rien voir de l’extérieur.Une des mains qui me tient se resserre, et je sens la force de l’homme derrière moi. Il ne parle pas, mais son silence est plus menaçant que n’importe quelle parole. Mon cœur bat à tout rompre, je tente de me calmer, de respirer, de rester présente. La panique me démange la peau, mais je sais qu’il ne faut pas céder à la peur. Chaque respiration compte, chaque mouvement pourrait me trahir… ou me sauver.Je distingue leurs silhouettes maintenant, deux hommes au masque d’indifférence. L’un a une cicatrice qui barre sa joue, l’autre une carrure massive, presque mécanique. Le plus petit détail pourrait être une faiblesse dans leur attention. Je scrute, j’analys

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    Caleb Mon téléphone vibre sur la table du salon. Une vibration étrange, insistante.Je décroche sans regarder :— Allô ?L’image apparaît aussitôt. Une pièce sombre, éclairée seulement par une ampoule nue qui balance doucement. Au centre, Jade est assise, les mains liées, le regard vif malgré la peur. Son visage tremble, ses yeux cherchent quelque chose… quelqu’un. Mon cœur rate un battement.Une voix métallique, déformée par un filtre, commence :— Vous voulez la revoir vivante ? Vous savez quoi faire.Je comprends pour je n'arrive pas à la joindre depuis dès heures , je pensais qu'elle était à une réunion .Je me dis que je n’ai jamais senti le sol aussi faux sous mes pieds, que l’air autour de moi est chargé d’un métal amer qui colle à la langue, que chaque seconde pèse comme une dalle. Je ne dois pas réfléchir, juste agir. Je n’ai pas le droit de rester là à calculer qui mérite quoi.Je reçois le message comme un coup de massue. Mes doigts restent crispés sur le bord de la table,

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    JADEJe n’ai pas fermé les yeux de toute la nuit, et pourtant, je me sens étrangement reposée.La lumière du matin m’a trouvée souriante, légère, presque neuve.Je marche dans les couloirs de l’entreprise comme si le sol lui-même avait changé de texture , plus souple, plus doux.Je salue les collègues, je plaisante, je ris sans me forcer.Tout semble plus simple aujourd’hui.Caleb m’a déposée tout à l’heure, et son regard me suit encore.Je sens son parfum sur ma peau, son rire dans mes oreilles.Rien qu’y penser me fait frissonner.Je ne veux pas me projeter, je ne veux pas rêver trop fort , mais pour la première fois depuis longtemps, je crois que le pire est derrière nous.Je me remets au travail, concentrée, mais mon esprit s’échappe sans cesse vers lui.Chaque fois que mon téléphone vibre, j’espère que c’est lui.Je souris toute seule.Aïda passe devant mon bureau, un dossier sous le bras.— Eh bien dis donc, c’est nouveau ce visage radieux ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ?Je ris.—

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