Jugement lunaire, Loyauté éternelle

Ma sœur adoptive Sophia, la dernière louve blanche de race pure du village Grell, était morte.

Trois jours. C'est le temps qu'elle avait souffert entre les mains d'un loup-garou égaré inconnu avant qu'on ne la retrouve.

Son sang de louve blanche pure avait été complètement souillé. Elle ne pouvait plus affronter la tirbu. Elle était terrifiée à l'idée d'attirer le malheur sur tous ceux qu'elle aimait.

Alors, elle s'est enfuie dans la forêt. Elle a déchiré sa propre gorge avec ses crocs. Puis elle s'est jetée dans le lac gelé.

L'eau est devenue rouge autour de son corps brisé.

Sa lettre de suicide ne contenait qu'une phrase : « Lina a vu son visage. »

À partir de ce jour, je suis devenue la plus grande pécheresse de la tribu.

Parce que je connaissais le meurtrier. Je connaissais son nom, son visage, son odeur. Pourtant, j'ai choisi le silence. Pendant cinq longues années, j'ai protégé ce monstre.

« Tante Lina, je t'en prie ! » La voix à l'extérieur de ma grotte était rauque, empreinte de désespoir. « Dis-moi juste son nom ! »

C'était Arthur. Le seul petit de Sophia. Il s'agenouillait devant ma grotte de pierre chaque pleine lune, les larmes ruisselant sur son jeune visage.

« S'il te plaît ! Venge ma mère ! Tu as vu le visage du meurtrier ! Pourquoi refuses-tu de parler ? »

Ses sanglots ont résonné contre les parois de la grotte. Chaque cri me transperçait la poitrine comme un couteau. Cet enfant de sept ans avait tout perdu. Sa mère était morte. Son enfance était détruite.

Et j'étais la seule à pouvoir lui rendre justice.

Je restais derrière la porte de pierre, écoutant ses gémissements déchirants. Mes mains tremblaient contre la roche froide. Chaque instinct me hurlait de le réconforter, de le serrer, de lui donner les réponses dont il avait besoin.

Mais je me suis détournée. Je suis allée plus loin dans ma grotte et ai fermé la porte intérieure.

Le son de ses pleurs m'a suivie dans l'obscurité.

« Protectrice infâme ! » Les voix en colère à l'extérieur se sont amplifiées. « Tu as trahi Grell ! »

La tribu avait de nouveau encerclé ma grotte. Ils portaient des torches qui projetaient des ombres dansantes sur les murs. Leurs rugissements furieux faisaient trembler les fondations de pierre.

« Sors et affronte-nous, traîtresse ! »

« Tu protèges le déchet qui a souillé notre race pure ! »

« Lâche ! Meurtrière ! »

J'ai entendu ces accusations chaque nuit pendant cinq ans. Les mots ont depuis longtemps perdu tout effet sur moi. Mais la haine derrière eux brûlait toujours comme de l'acide dans mes veines.

Je suis allée là où Henri attendait dans l'ombre. Mon chien de chasse noir était mon seul compagnon depuis la mort de Sophia.

« Chasse-les, » ai-je murmuré en déverrouillant sa chaîne de fer.

Les membres de la tribu se sont dispersés comme un troupeau effrayé.

Ils sont partis. Mais cette nuit-là, j'ai aussi tout perdu.

Cinq ans plus tard, mon corps est devenu faible et frêle. Je pouvais à peine quitter mon lit de pierre. Seules les herbes médicinales de notre territoire me maintenaient en vie.

C'est alors que Damien est apparu à travers les décombres.

Mon frère adoptif était de retour. Il n'était plus le jeune loup dont je me souvenais de notre enfance. Maintenant, il se tenait comme le seigneur Alpha le plus puissant de Continent du Nord. Douze gardes loups noirs l'encadraient comme des ombres de la mort.

« Lève-toi, Lina. » La voix de Damien était plus froide que la glace. « Aujourd'hui est ton jour du jugement. »

Deux gardes loups noirs se sont précipités sans hésiter. Ils ont saisi mes bras et m'ont arrachée du lit comme un sac de grain.

« Damien, je suis malade... » ai-je haleté, la voix à peine audible.

« Malade ? » Il a ri, mais son rire était froid, empreint seulement de mépris. « Tu es malade parce que la culpabilité te ronge la conscience ! »

Ses yeux ambrés brûlaient d'une fureur que je n'avais jamais vue auparavant. Ce n'était plus mon frère. C'était un étranger qui portait son visage.

« Sophia était aveugle de t'appeler sœur ! » a-t-il grondé. « Elle est morte depuis cinq ans ! Pendant ce temps, le bâtard qui a souillé les sangs-purs est en liberté depuis cinq ans ! »

Les gardes m'ont traînée vers l'entrée de la grotte. Mes pieds nus ont raclé la pierre rugueuse, laissant des traînées sanglantes.

« Aujourd'hui, j'utiliserai l'Appareil de Vision des Âmes, » a poursuivi Damien, sa voix s'élevant à chaque mot. « Je verrai exactement qui tu as protégé toutes ces années ! »

La lune était pleine et brillante au-dessus de nos têtes. Sa lumière argentée illuminait la place du village bondée en contrebas.

Chaque loup-garou de Grell s'était rassemblé pour ce moment. Ils ont formé un cercle parfait autour de l'ancienne plateforme du jugement. Leurs yeux brillaient de soif de sang et d'impatience.

Un archiviste de la tribu a levé un orbe de cristal. L'appareil magique scintillait d'une lumière éthérée. J'ai réalisé avec une horreur grandissante que ce procès était diffusé en direct à toute la communauté des loups-garous de Continent du Nord.

Les gardes loups noirs m'ont hissée sur les marches de pierre. Chaque mouvement me provoquait une douleur dans mon corps sous-alimenté.

« Tante Lina ! » Une petite silhouette a traversé la foule et s'est précipitée sur la plateforme.

Arthur. Sept ans maintenant. Le seul sang survivant de Sophia. Ses yeux de loup avaient déjà commencé à rougir de rage et de chagrin.

Il a agrippé ma manche déchirée à deux mains. « Pourquoi refuses-tu de nous dire qui a tué ma mère ? Pourquoi ne me laisses-tu pas venger ma mère ? »

Les larmes coulaient sur son jeune visage. Sa voix s'est brisée sous l'effet d'une douleur insupportable.

« J'ai attendu cinq ans ! Cinq longues années ! » a-t-il sangloté. « Chaque nuit, je rêve d'elle ! Elle réclame la justice ! »

J'ai baissé les yeux vers cet enfant brisé. Ma gorge s'est serrée. Les mots que je voulais dire restaient coincés dans ma bouche.

La foule en contrebas a commencé à hurler :

« Elle connaît le meurtrier mais refuse de parler ! »

« Les loups égarés sont tous sans cœur ! »

« Elle a déshonoré la réputation de Grell ! »

Leurs voix se sont abattues sur moi comme un tsunami. De plus en plus fort jusqu'à ce que je ne puisse plus penser clairement.

Damien s'est placé devant moi. Ses yeux de loup étaient froids comme de la glace arctique.

Nous avions autrefois été une famille. Nous avions joué ensemble lorsque nous étions petits. Nous avions partagé des repas, des histoires et des rêves. Mais après la mort de Sophia, il a décidé que j'avais trahi tout ce qui était sacré.

« Il est encore temps de dire la vérité, » a-t-il dit d'une voix glaciale. « Avoue qui tu as protégé. Admis quel salaud a souillé notre pure souche. »

Il s'est penché plus près. Son souffle était chaud contre mon oreille.

« Sinon, quand l'Appareil de Vision des Âmes s'activera, les vibrations à haute fréquence te feront souhaiter la mort. Tes os de loup se briseront un à un. »

Je me suis débattue désespérément contre les gardes qui me tenaient. « Damien, tu ne peux pas l'activer ! Tu le regretteras ! »

« Regretter ? » Il a ri froidement, coupant mes mots. « Mon plus grand regret est de t'avoir ramassée dans la neige quand nous étions enfants ! »

Sa voix est devenue rauque de douleur et de fureur. « Toutes ces années, je t'ai traitée comme une vraie sœur ! Je t'ai protégée ! J'ai pris soin de toi ! »

Les gardes loups noirs m'ont forcée à m'asseoir dans le fauteuil de jugement en métal. L'acier froid m'a mordu la peau. De lourdes chaînes se sont verrouillées autour de mes poignets et de mes chevilles.

Je ne pouvais pas bouger. Je ne pouvais pas m'échapper.

Un casque métallique est descendu d'en haut. D'innombrables aiguilles fines se sont pressées contre mon cuir chevelu, cherchant des points d'entrée. Les pointes acérées ont percé la peau et les os, atteignant directement le noyau de mon âme de loup.