Zarek
La nuit ne porte plus de silence.
Elle hurle , en dedans , en dehors.
Dans chaque bruissement de vent contre les verrières du palais.
Dans chaque soupir de pierre qui se fend sous le froid.
Et dans ma tête. Toujours.
Je fixe les flammes vacillantes du brasero central, les bras croisés, les muscles tendus, le cœur battant trop lentement pour un loup, trop vite pour un roi.
J’ai connu la guerre. L’exil. La trahison. Rien ne m’a jamais fait trembler.
Mais ça…
Ce murmure.
Ce verdict ancien que les Oracles ont récité d’une voix blanche…
« Avant ton trentième et unième hiver, ton cœur cessera de battre.
Nul remède. Nulle armée. Nulle victoire.
Seule l’âme sœur brisera la lame.
Mais l’union pourrait te tuer. Et le rejet t’achèvera. »
Ils ont répété ces mots à genoux, les yeux noyés d’étoiles, comme si leurs bouches n’étaient plus vraiment les leurs.
Depuis…
Depuis je porte en moi l’ombre d’une mort suspendue.
Une condamnation à aimer ou à périr. Et dans les deux cas, à tout perdre.
— Sire ?
Je pivote lentement. C’est Drystan. Mon bêta. Mon frère d’armes. Il porte la même tension que moi, sans la résignation.
Sa loyauté brille comme un fer rouge dans la nuit.
— Ils sont prêts, dit-il.
Je hoche la tête.
Au loin, les tambours grondent. Les loups des cinq lignées se sont rassemblés pour le Conseil de l’Hiver.
Officiellement pour discuter des frontières.
Officieusement, pour décider s’il vaut mieux me tuer avant que la prophétie ne s’accomplisse.
Je descends les marches de pierre noire, chaque pas résonne comme un glas.
Ma cape traîne derrière moi comme un linceul.
Le Grand Hall se dresse, immense et glacial. Il déborde de murmures, d’yeux fuyants, de nuques baissées.
Même les plus anciens. Même ceux que j’ai sauvés.
Tous ont peur.
Car un roi condamné ne règne plus.
Il menace.
— Zarek Draven, Roi Alpha des Cinq Lignées, proclame une voix solennelle.
Je prends place sur le trône d’obsidienne.
Le froid me mord la nuque.
Le métal vibre encore du dernier jugement prononcé ici : celui du roi que j’ai renversé.
Mon père.
— Parlons, dis-je simplement.
Alarion se lève. Un ancien. La peau parcheminée, la langue plus tranchante qu’une lame de lune.
— La prophétie est claire. Tu n’as pas trouvé ton âme sœur. Et s’il s’agit d’une humaine, alors tu dois mourir avant qu’elle ne cause ta perte.
— Mourir pour ne pas risquer d’aimer ? C’est cela, notre loi ?
— Non, gronde-t-il. Mais c’est la tienne.
Tu es un roi, pas un mâle en rut.
Le silence tombe.
Lourd.
Cruel.
Je pourrais bondir. Lui briser la nuque. Leur rappeler qui je suis.
Mon sang porte la marque des Draven :
Nés de la Lune Rouge.
Féroces.
Jamais soumis.
Mais je reste immobile.
Ma voix tranche plus froid que l’acier.
— Si je dois mourir… alors je choisirai le jour. Et la raison.
Je quitte la salle avant qu’ils ne puissent voter. J’en ai assez entendu.
Le vent me frappe dès que je franchis les portes du palais.
La forêt s’étale en contrebas, respirant lentement sous la neige.
Je l’aime.
Elle m’a élevé. Elle m’a formé.
Et c’est là-bas, disent les Oracles, que je la trouverai.
Elle.
Mon interdite.
Mon âme sœur.
Je n’y crois pas.
Je ne veux pas y croire.
— Sire ? murmure Drystan, toujours à mes côtés. Et si c’était vrai ?
Si cette âme… existait ?
Je tourne la tête. Lentement.
Je croise son regard. Mon ton est tranchant.
— Alors elle me tuera.
Et je pars. Seul.
Je laisse les hurlements de mes meutes derrière moi.
Mes bottes s’enfoncent dans la neige jusqu’aux genoux.
Chaque pas me rapproche de ma fin.
Ou de son visage.
Je ne sais pas ce que je préfère.
---
La forêt me reconnaît.
Ses arbres millénaires frémissent à mon passage.
Les feuilles se taisent. Le vent se détourne.
Même les bêtes s’ensevelissent.
Mais ce soir… quelque chose vibre.
Une pulsation étrangère.
Un battement que je ne reconnais pas.
Et cette odeur.
Pas celle du sang.
Pas celle de la peur.
Autre chose.
Plus ancien.
Plus doux.
Plus dangereux.
Je m’arrête net. Le souffle suspendu.
Les crocs frémissants sous ma peau.
— Non… pas maintenant.
Pas ça.
Une empreinte invisible glisse contre moi comme une main trop chaude.
Elle s’infiltre dans mes os. Déchire mes murailles.
Et ma bête…
Ma bête murmure : Elle.
Je me mets à courir. Instinct pur.
Je bondis entre les troncs, plus loin que jamais.
Là où même les loups n’osent plus aller.
Là où les anciens disent que la forêt se souvient du tout premier hurlement.
Et pourtant, elle est passée par là.
L’odeur flotte dans la brume.
Vanille. Musc. Et quelque chose d’autre.
Un feu doux et étrange.
Ni louve. Ni sorcière. Ni bête.
Et pourtant… marquée.
Je traverse une clairière.
Un feu éteint fume encore dans le froid.
Elle est déjà partie.
Mais le sol garde son empreinte.
Et l’air… sa trace.
Je reste figé.
Mon cœur bat comme un avertissement.
Je ne sais pas ce qu’elle est.
Mais mon âme frémit.
Ma malédiction reconnaît quelque chose que moi, je refuse encore de nommer.
---
Je rentre au palais avant l’aube, le regard hanté.
Le Conseil exige ma tête.
Le Nord attend un roi.
Mais je n’ai plus qu’une seule pensée.
La retrouver.
Je convoque Drystan.
— Nous partons. À l’aube.
Il fronce les sourcils.
— Où ? Et pourquoi ?
— Pour la trouver.
— Qui ? demande-t-il, plus lentement.
Je plante mes yeux dans les siens.
— Celle qui m’appelle.
Celle que la forêt cache.
Il pâlit.
— Tu crois… que c’est elle ?
Je ne réponds pas.
Je ne veux pas savoir.
Mais mon corps, lui, a déjà décidé.
— Rassemble les registres. Tous les villages. Toutes les femmes en âge de porter la marque.
— Zarek… Si les anciens l’apprennent…
— Ils ne l’apprendront pas.
Je la chercherai jusqu’à ce que je la voie.
Je le saurai.
Je la reconnaîtrai.
Le voyage commence trois jours plus tard.
De village en village, mon regard coupe, tranche, rejette.
Elles sont nombreuses.
Belles, fragiles, arrogantes, dévouées.
Aucune n’est elle.
Je cherche la marque pas celle qu’on voit , celle qu’on sent.
Dans la chair et dans l’âme.
Et à chaque « non », ma rage s’intensifie . Mon impatience devient fureur.
Je rêve d’elle.
Je l’entends.
Et chaque nuit sans elle me rend plus dangereux.
Au septième village, je ressens un écho . Un manteau. Une jeune fille.
Une trace presque effacée.
Je l’attrape , trop vite , trop fort.
— Où as-tu eu ça ?
Elle tremble , sa voix est brisée.
— Ce… ce n’est pas le mien. Une autre me l’a prêté. Pour le voyage.
Je hume le tissu.
L’odeur y est furtive et tenace.
Elle.
Je lève les yeux vers l’Est.
Mon cœur bondit dans ma poitrine.
Un fil invisible se tend dans cette direction.
Elle s’éloigne.
Mais elle n’est plus hors d’atteinte.
Je murmure :
— Je suis à ta poursuite maintenant.
Tu ne m’échapperas plus.
Je ne sais pas qui elle est.
Ni ce qu’elle est.
Je n’ose pas croire ce que mes sens murmurent.
Mais je sais une chose :
Elle est à moi.
Et je ne laisserai rien ni personne me l’arracher.
ZAREKAu début, j’y ai cru. Quand ses yeux se sont ouverts, quand sa main a serré la mienne, quand ses lèvres ont laissé passer ce souffle fragile, j’ai cru que la vie l’avait regagnée, que mon cri avait franchi l’abîme et qu’elle m’était rendue. Mais la lumière s’est éteinte aussitôt. Ses paupières sont retombées comme des pierres, son corps s’est relâché contre moi, et la chambre a replongé dans un silence plus cruel que la mort.La sorcière n’a pas cessé. Sa voix a continué d’emplir les murs, ses incantations ont brûlé l’air jour et nuit, inlassables, obstinées, comme si elle savait que la bataille n’était pas perdue. Moi, j’ai attendu. Chaque seconde, chaque heure, chaque jour, j’ai espéré que ses yeux s’ouvriraient de nouveau, que son souffle retrouverait sa chaleur, que sa voix prononcerait mon nom.Mais cinq mois ont passé.Je ne sais plus ce qu’est le temps. Le palais s’est réduit à cette chambre, à ce lit, à son visage endormi. J’ai oublié la lumière du soleil, oublié les con
ZAREKLe temps n’existe plus, ou alors il s’est figé dans une douleur interminable. Chaque battement de mon cœur est une lame qui s’enfonce dans ma poitrine, chaque souffle que je prends est une trahison, car elle, elle ne respire pas. Son corps est lourd dans mes bras, glacé comme si la vie l’avait quittée, et pourtant je refuse de le croire, je refuse de céder à l’évidence. Mon front s’écrase contre le sien, mes lèvres tremblent à l’oreille close que j’implore :— Tu ne partiras pas… pas toi… pas maintenant…Autour de moi, la chambre se tord dans un chaos invisible, les flammes des chandelles s’inclinent comme des arbres sous la tempête, les murs vibrent, le sol gémit sous mes genoux, et au milieu de tout cela, la voix de la sorcière s’élève, grave, déchirante, ses incantations résonnent comme des coups de tonnerre. Chaque mot qu’elle prononce semble arracher des morceaux d’ombre à la réalité, et pourtant, rien ne bouge en elle. Elle est toujours prisonnière de ce silence insoutenab
ZAREKSon corps est là, contre moi, mais il est glacé, inerte, comme une coquille vide de ce qu’elle était, et mon cœur se serre à chaque respiration qui ne vient pas. Ses yeux restent clos, son souffle inexistant, et je sens un vide s’installer en moi, un abîme noir que je n’avais jamais connu. Chaque seconde sans elle est une torture, chaque silence un cri muet qui me déchire l’âme.— Sarah… murmurai-je, ma voix brisée, étranglée par le désespoir… réponds-moi… dis-moi que tu es là…Rien. Ni un mouvement, ni un souffle, ni un frisson. Le monde autour de nous devient flou, irréel, chaque détail se perd dans une brume glaciale, et je me rends compte que je pourrais perdre tout ce qui fait sens à jamais. Mon corps est crispé sur le sien, mes mains tremblantes glissant sur sa peau immobile, incapable de la réveiller, incapable de l’ancrer dans ce monde.— Sorcière ! je hurle presque, la panique me dévorant… qu’est-ce qu’il lui arrive ? Que… que faites-vous à mon âme sœur ?!Elle avance l
SARAHLa chambre s’efface autour de nous, chaque contour s’estompe, laissant place à un espace suspendu, presque irréel, où il n’y a plus que Zarek et moi, nos souffles entremêlés, nos corps brûlants, chaque fibre de mon être vibrant sous la tension, la peur et le désir. Je sens son corps contre le mien, puissant, chaud, chaque geste calculé pour me préparer, pour me posséder totalement, et je sais que ce qui va suivre est irréversible, qu’il ne s’agit pas seulement de plaisir mais d’un lien gravé dans la chair et dans l’âme.— Sarah… murmure-t-il, sa voix tremblante et grave… je vais te marquer, car tu es mon âme sœur…Mon corps se tend, chaque mot faisant frissonner ma nuque, chaque syllabe éveillant une peur que je n’avais jamais connue, mais qui se mêle à une excitation que je ne peux réprimer. Je le supplie silencieusement de faire attention, mais je ne peux que m’abandonner, haletante et tremblante.Autour de nous, la sorcière commence ses incantations, sa voix rauque et hypnoti
SARAHJe me cambre contre lui, chaque fibre de mon corps vibrant sous son poids, sous sa force, et pourtant sous une douceur qui me brûle plus que tout, comme si chaque geste de Zarek était conçu pour me dévorer et me protéger à la fois, un équilibre fragile entre violence et tendresse qui me fait perdre toute notion de temps et d’espace. Il ne me laisse aucun répit, chaque mouvement est précis, puissant, attentif, chaque poussée une déclaration silencieuse, chaque souffle un lien qui nous enferme dans une bulle de feu et de désir.— Sarah… murmure-t-il, haletant… je te veux tout entière, chaque frisson, chaque murmure… tu es à moi…Quand il entre en moi d’un seul coup, je hurle, mes mains agrippant ses épaules, mes jambes enserrant sa taille comme pour ne jamais le laisser s’échapper, et la douleur de la première pénétration se mêle à un plaisir brutal, un feu que je n’ai jamais connu, un mélange enivrant de crainte et de désir. Il ralentit, me laissant sentir chaque centimètre, chaq
SARAHLe lit s’ouvre devant nous comme un abîme que je n’ai jamais osé contempler, et pourtant Zarek me guide avec une fermeté douce, chaque pas, chaque toucher m’engloutissant dans un vertige de désir. Ses mains ne se contentent pas de caresser : elles me possèdent, elles dessinent ma peau comme un parchemin sur lequel il grave son obsession, son besoin, son désir. Je frissonne, mes doigts s’accrochent à lui, mes ongles se perdent dans sa chemise, et je me sens fondre, brûler, disparaître dans sa chaleur.— Sarah… murmure-t-il, tes courbes, ta peau, ton souffle… je les veux toutes… je te veux toute entièreSes lèvres descendent le long de mon cou, mordillent, aspirent, et chaque frisson qui me traverse est comme une étincelle sur un feu déjà dévorant. La sorcière est là, je le sens, ses murmures incantatoires ondulent dans l’air comme des filaments d’ombre et de lumière, chaque syllabe un serpent qui se glisse autour de nous, tentant de freiner notre élan, de plier ma volonté à sa pu