Dès le lendemain, la rumeur avait couru dans les couloirs du lycée. Miller est un Oméga récessif.
Noah avait senti les regards changer. Des regards curieux, avides, parfois méprisants. Certains l’évitaient, d’autres le fixaient comme une proie. Son monde s’était fissuré en une nuit. Et Adrian… Noah ferme les yeux. Adrian avait cessé de lui dire bonjour. Pire : il avait commencé à le regarder autrement. D’abord avec une sorte de surprise, puis avec ce mépris froid qui s’était transformé en cruauté. Comme si l’Alpha qu’il admirait avait décidé que Noah n’était rien d’autre qu’un jouet fragile. Il revoit la première insulte. La première fois qu’Adrian l’avait plaqué contre un casier, son sourire moqueur accroché aux lèvres. Alors, Miller, c’est vrai ? T’es un Oméga récessif ? Les rires de ses amis avaient éclaté derrière. Noah avait voulu répondre non, nier, mais son corps le trahissait déjà. À partir de là, tout avait changé. Les bonjours s’étaient transformés en moqueries, les regards en menaces silencieuses. Adrian était devenu son bourreau. Allongé sur son lit, Noah sent la colère et la tristesse s’entrelacer dans sa poitrine. Pourquoi ? Pourquoi Adrian avait-il changé ainsi ? Pourquoi l’avait-il choisi, lui, comme cible ? Est-ce que c’était à cause de son statut, ou y avait-il autre chose, caché derrière ce masque cruel ? Il se souvient encore du jour où Adrian lui avait murmuré à l’oreille, après l’avoir coincé dans un couloir désert : — Tu crois que tu peux jouer au fantôme, Miller, mais je te vois. Je te vois toujours. Cette phrase résonne encore dans sa mémoire comme une menace autant qu’une confession. Noah rouvre les yeux, la gorge serrée. Il voudrait ne plus penser à lui. Effacer son visage, sa voix, ses sourires. Mais plus il essaie, plus Adrian s’impose à lui. Il serre son oreiller contre lui, ferme les yeux à nouveau. Le sommeil tarde à venir, prisonnier de ce mélange amer de souvenirs et de désirs qu’il refuse de reconnaître. Il se dit qu’il aurait préféré qu’Adrian continue à lui dire bonjour. Même un simple signe de tête. Tout sauf cette cruauté. Parce qu’au moins, à ce moment-là, il avait cru qu’ils pouvaient être dans le même monde. Maintenant, il sait. Adrian est un Alpha promis à une fiancée parfaite, une oméga dominante Clara Tyler. Lui n’est qu’un Oméga récessif, destiné à être une cible, un fardeau, un secret honteux. Et pourtant… une partie de lui continue d’espérer, malgré tout. Le lendemain, l’air est lourd dès le matin. Noah franchit les grilles du lycée avec l’impression d’avoir laissé son souffle quelque part derrière lui. Les rires, les chuchotements, les regards qui se tournent toujours trop vite vers lui… rien n’a changé. Pourtant, une étrange tension flotte dans les couloirs, comme si tout le monde attendait quelque chose. Il prend place à son bureau, tout au fond, près de la fenêtre, comme toujours. Son refuge. Sa discrète échappatoire. Mais aujourd’hui, le silence de la classe est inhabituel. Les bavardages s’éteignent aussitôt que des pas fermes résonnent dans le couloir. La porte s’ouvre, et une équipe entre. Des adultes en manteaux sombres, avec l’emblème de la meute de la ville brodé sur leurs vestes. Leur présence impose aussitôt un respect presque animal. Noah sent son cœur faire un bond. Qu’est-ce qu’ils viennent faire ici ? Le professeur s’écarte, nerveux, et laisse passer un homme d’âge mûr, droit comme un chef militaire. À ses côtés, un autre visage se dessine, lumineux et assuré : Clara Tyler. Les élèves échangent des regards excités. Clara, la fiancée d’Adrian. Une oméga de haut rang, venue d’un autre lycée prestigieux. Ses cheveux châtains brillent sous la lumière, ses yeux pétillent d’assurance. Elle se tient droite, élégante, comme si chaque geste d’elle était étudié pour captiver. Et derrière, forcément, il y a lui. Adrian Jackson. Grand, charismatique, un sourire insolent étiré sur les lèvres. Il entre dans la salle comme s’il en était le roi, et d’une certaine manière, c’est le cas. Noah se ratatine dans son siège, priant pour disparaître. L’homme en tête s’éclaircit la voix. — Bonjour à tous. Comme vous le savez, votre lycée fait partie intégrante de notre communauté. C’est pourquoi il est naturel que vous soyez conviés à l’un des événements les plus importants de l’année : la soirée d’accouplement de l’Alpha héritier de notre meute. Un murmure d’excitation parcourt la classe. Des sourires, des rires, des chuchotements. Tous savent ce que ça signifie. — Adrian Jackson, poursuit l’homme en posant une main fière sur l’épaule du brun, est le prochain Alpha destiné à diriger. Son union avec Clara Tyler, issue d’une lignée reconnue, renforcera notre meute et scellera des liens d’une valeur inestimable. Adrian sourit, satisfait, sous les regards admiratifs de ses camarades. Clara, à ses côtés, hoche doucement la tête, l’air serein, presque triomphal. Sa main vient se poser sur le bras d’Adrian, geste simple mais qui hurle de possession. Noah, lui, se recroqueville encore un peu plus. Son estomac se tord. Une soirée d’accouplement… et tout le lycée convié ? Cela signifie qu’il devra y assister, lui aussi. Qu’il devra se fondre dans la foule, applaudir, regarder Adrian sceller son avenir avec Clara… Un poids énorme s’abat sur ses épaules. — Votre présence est requise, reprend l’homme avec autorité. Ce sera un honneur pour chacun de vous d’assister à ce moment sacré. Les élèves acquiescent avec un mélange d’impatience et de fierté. Certains se mettent déjà à imaginer la fête, l’alcool, la musique, les danses. Adrian, lui, garde ce sourire satisfait, jetant même un regard par-dessus l’épaule, en direction de Noah. Ce sourire qui dit : Tu vois, moi, j’ai tout. Et toi, tu n’auras jamais rien. Clara s’avance d’un pas, et sa voix claire résonne dans la salle. — Cette union n’est pas seulement la nôtre. Elle est celle de toute la meute. Nous espérons que vous viendrez avec joie, que vous participerez, et que vous comprendrez l’importance de ce lien. Elle sourit, radieuse, comme une reine déjà couronnée. Noah baisse les yeux, sentant ses doigts trembler contre son bureau. Chaque mot lui lacère la poitrine. Il n’a rien à voir avec tout ça, il ne veut rien avoir à voir avec tout ça. Pourtant, il n’a pas le choix. — Adrian, Clara, vous pouvez saluer vos camarades, déclare l’homme avec fierté. Adrian se redresse, avance de quelques pas, son sourire insolent gravé sur les lèvres. — J’espère que vous serez tous là pour célébrer avec moi, lance-t-il. Après tout, c’est un jour historique.Les élèves éclatent en applaudissements et exclamations. Clara incline gracieusement la tête, recevant l’admiration comme si elle y était née.Noah, lui, n’applaudit pas. Il ne peut pas. Ses mains restent posées sur sa table, glacées. Son regard se perd vers la fenêtre, vers le ciel, comme s’il espérait que l’air frais l’arrache à cette pièce. Mais il sent déjà le poids des regards. Certains de ses camarades ont remarqué son silence. Ils ricanent, murmurent, lui lancent des coups de coude discrets.Adrian, bien sûr, ne rate rien. Il tourne la tête et croise le regard de Noah. Un sourire carnassier, presque imperceptible, se dessine sur ses lèvres. Comme s’il attendait ce moment. Comme si, même dans une journée qui lui appartient, il trouvait encore le moyen de piétiner Noah.Le cœur de l’Oméga se serre. Il voudrait disparaître. Mais il reste là, prisonnier.L’équipe repart après quelques dernières paroles solennelles, laissant derrière eux un silence empli d’excitation. Dès qu’ils qui
Dès le lendemain, la rumeur avait couru dans les couloirs du lycée. Miller est un Oméga récessif.Noah avait senti les regards changer. Des regards curieux, avides, parfois méprisants. Certains l’évitaient, d’autres le fixaient comme une proie. Son monde s’était fissuré en une nuit.Et Adrian…Noah ferme les yeux. Adrian avait cessé de lui dire bonjour. Pire : il avait commencé à le regarder autrement. D’abord avec une sorte de surprise, puis avec ce mépris froid qui s’était transformé en cruauté. Comme si l’Alpha qu’il admirait avait décidé que Noah n’était rien d’autre qu’un jouet fragile.Il revoit la première insulte. La première fois qu’Adrian l’avait plaqué contre un casier, son sourire moqueur accroché aux lèvres. Alors, Miller, c’est vrai ? T’es un Oméga récessif ? Les rires de ses amis avaient éclaté derrière. Noah avait voulu répondre non, nier, mais son corps le trahissait déjà.À partir de là, tout avait changé. Les bonjours s’étaient transformés en moqueries, les regards
Noah serre un peu plus ses doigts. Il voit combien ses mots pèsent sur elle, et il refuse de l’accabler davantage.— Je peux gérer, dit-il doucement. Je m’y habitue.Elle fronce les sourcils, son cœur se serre.— Tu ne devrais pas avoir à t’habituer à ça, Noah. Tu es un gentil garçon . Tu mérites mieux.Il baisse les yeux, incapable de soutenir son regard. Les images de la journée reviennent : Adrian qui lui barre le passage, ses moqueries, puis son sourire tendre réservé à Clara. Noah sent sa poitrine se serrer, mais il chasse l’émotion, de peur que sa mère ne la lise en lui.Elle caresse ses cheveux, un geste familier qui le ramène à l’enfance.— Tu es fort, dit-elle doucement. Plus fort que tu ne le crois.Il hoche la tête, mais son sourire est fragile.Le repas passe dans un silence léger, ponctué de quelques phrases banales. Elle lui demande s’il a des devoirs, il répond que oui. Elle parle de son travail au magasin, de la cliente désagréable du matin, de la voisine qui s’est enc
Dehors, la cour est pleine. Mais ce n’est pas la masse des élèves qui attire l’attention de Noah : c’est le jardin central, celui où les Terminale aiment se montrer. Et surtout, c’est Adrian.Le brun est là, appuyé négligemment contre le tronc d’un arbre, un sourire aux lèvres. À ses côtés, une fille élégante attire tous les regards. Clara Tyler. Même Noah la reconnaît sans l’avoir jamais rencontrée. Sa réputation la précède.Clara est grande, brune aux yeux noisette, le port altier de celles qui savent qu’elles appartiennent au sommet. Sa tenue impeccable tranche avec les uniformes des autres : une jupe ajustée, une veste fine, des bijoux discrets mais coûteux. Elle semble sortie d’un autre monde, le même monde qu’Adrian.Les élèves murmurent autour, certains chuchotent son nom. Les regards se tournent, curieux, admiratifs, parfois jaloux.Noah ralentit, troublé. Il observe la scène de loin, presque malgré lui. Adrian n’a plus rien du bourreau cruel qu’il est avec lui. Ses yeux s’ado
Noah Miller se lève tôt, comme chaque matin. Sa mère dort encore dans la petite chambre voisine. L’air de leur appartement est chargé d’humidité, mais il s’y est habitué. Il se glisse dans son uniforme scolaire chemise blanche, pantalon sombre, cravate bleu marine et tente de dompter ses cheveux blonds, indisciplinés. Son reflet dans le miroir lui renvoie l’image d’un garçon de seize ans à la peau claire, aux yeux bleus d’une limpidité presque trop fragile pour ce monde.Il sait qu’aujourd’hui, comme tous les autres jours depuis son arrivée au lycée, il sera la cible. Les Terminale, surtout Adrian Jackson et son groupe, ont fait de lui leur souffre-douleur. Parce qu’il est Oméga, parce qu’il est différent, parce qu’il attire sans le vouloir une forme de mépris qui le suit comme une ombre.Il descend les escaliers en silence, croise quelques voisins qui ne lui prêtent pas attention, puis prend le bus scolaire. Les conversations fusent autour de lui, rires, voix excitées, mais Noah r