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Chapitre 2

Author: Mia Leroy
La lumière matinale du soleil a traversé les lourds rideaux, découpant une traînée lumineuse sur le parquet du salon de la villa.

D'innombrables poussières dansaient dans ce rai de lumière, mais le cœur de Solène était comme une eau stagnante, privée de toute vitalité.

Elle était restée assise sur le canapé toute la nuit, sans fermer l'œil, contemplant silencieusement la cloque brillante laissée par la brûlure sur le dos de sa main...

Cette douleur physique, nette et précise, était la seule chose qui donnait encore une sensation de réalité à son cœur vidé.

Sur la table basse, quelques journaux du matin gisaient, jetés négligemment. À la une des pages people, un titre en gras clamait : « La nuit cache tout ? Pas le PDG du groupe Gérin et son collier d'une fortune ! Qui est sa nouvelle conquête ? Son mariage de cinq ans ne serait plus qu'une façade ? »

Le photographe avait saisi l'instant sous un angle vicieux : on y voyait le profil doux de Ludovic, penché pour attacher la ceinture de sécurité de la passagère avec une concentration que Solène ne lui connaissait pas. La femme était habilement dissimulée dans l'ombre, ne laissant deviner qu'une silhouette floue et une nuque d'une blancheur laiteuse. Et c'était sur cette nuque qu'étincelait un collier de diamants, dont les feux froids jetaient une lumière crue sous l'éclair du flash.

D'autres n'auraient peut-être pas su l'identifier, mais Solène, elle, l'a reconnu instantanément : c'était le bijou baptisé « Mon seul Amour », celui-là même que Ludovic avait passé au cou de Cécilia dans son bureau, la veille.

Alors, leur prétendue « récompense », prétendu « projet »... Tout cela n'était que de piètres excuses inventées pour endormir sa vigilance après leurs retrouvailles nocturnes ?

Chaque caractère d'imprimerie sur les papiers se moquait silencieusement de ses cinq années d'aveuglement et de sacrifices.

Vraiment, cela lui donnait la nausée.

Des pas ont résonné dans l'escalier. Ludovic descendait, vêtu d'un costume taillé sur mesure, le visage marqué par la fatigue de la veille et son impatience habituelle.

Son regard est tombé sur les journaux sur la table basse et ses sourcils se sont froncés profondément. Sans la moindre explication pour Solène, il a lancé froidement au chauffeur posté à l'entrée : « Au bureau. »

Un silence de plomb s'est installé entre eux, aussi lourd que s'ils étaient de parfaits inconnus.

C'était le carillon de la porte qui, peu après, a brisé la glace.

Pascal, le majordome, a fait entrer avec déférence Mélissa, la mère de Ludovic, dont le tailleur de haute couture semblait une armure.

Dès le seuil franchi, son regard aiguisé s'est fixé avec précision sur Solène, la toisant comme un produit défectueux.

Elle s'est approchée avec une grâce hautaine de la table basse, y a pris le journal qu'elle a laissé tomber avec méprise devant la jeune femme : « C'est donc ça, toute ta compétence ? »

Sa voix, bien que feutrée, dégageait une pression méprisante : « Cela fait cinq ans que tu es mariée à Ludovic, et tu n'es même pas capable de retenir le cœur de ton mari ? Tu le laisses même s'afficher dans ce genre de scandale ? Sais-tu que cela va affecter le cours de l'action du groupe Gérin ? »

Solène a levé lentement la tête pour regarder cette femme qui avait tenu sa vie durant cinq longues années.

Mais celle-ci ne lui a pas laissé le temps d'ouvrir la bouche, poursuivant sur le même ton sarcastique : « N'oublie pas notre accord initial. Je t'ai permis d'épouser Ludovic pour que tu sois une épouse exemplaire, pour qu'il retrouve le chemin du foyer, pas pour que tu restes là, aussi utile qu'un bibelot, indifférente à ses fréquentations extérieures. Regarde ce que tu as accompli en cinq ans ! »

Autrefois, ces paroles auraient plongé Solène dans un profond sentiment de culpabilité. Mais à présent, elle ne trouvait cela que risible et absurde.

Toute sa patience et ses sacrifices reposaient sur une fondation erronée. Maintenant que cette base était détruite, les reproches qui en dépendaient lui semblaient légers, insignifiants.

D'un mouvement délibérément lent, Solène s'est levée pour faire face à Mélissa. Son doigt, pâle et marqué par la brûlure, a indiqué silencieusement la date du journal avant qu'un sourire apaisé n'efface des années de tension.

« Vous avez raison, je n'ai rien accompli », a-t-elle concédé, son regard maintenant le sien. Puis, avec la netteté du verre qui se brise, elle a articulé : « Mais notre contrat de cinq ans ? Il expire aujourd'hui. »

L'air a semblé se figer à cet instant précis.

Le masque d'élégance et de sérénité de Mélissa s'est fissuré pour la première fois. Elle n'avait pas vu venir ça : cette belle-fille, qu'elle avait toujours tenue fermement en laisse, docile comme un agneau, lui tiendrait tête avec une telle audace.

Reprenant son arrogance après un instant de stupeur, elle a ricané : « Très bien. Puisque tu es incapable de retenir Ludovic, les Gérin n'ont que faire d'une épouse inutile. »

Elle a sorti ensuite de son onéreux sac à main un document et une enveloppe.

« Voici un chèque de trente millions d'euros. Considère cela comme ta rémunération pour ces cinq années », a-t-elle dit en poussant les objets vers Solène, comme si elle se débarrassait d'une employée incompétente, « et voici le dossier de la fille de la famille Dupuy, bien plus apte que toi à devenir Mme Gérin. J'ai déjà convenu avec sa mère d'une rencontre la semaine prochaine. Avant le divorce, tu dois un dernier service à la famille Gérin : assure-toi que cette mise en relation se passe bien. »

C'était l'humiliation ultime : la contraindre à jouer une entremetteuse pour le prochain mariage arrangé de son ex-mari.

Solène a baissé les yeux, son regard s'arrêtant sur le dossier. La jeune femme y affichait un sourire radieux et audacieux. Avec sa lignée prestigieuse, elle et Ludovic formaient un couple idéal.

Puis, son attention a glissé vers le chèque d'un montant de trente millions d'euros. Cinq ans de sa jeunesse. Cinq ans d'emprisonnement volontaire. Voilà donc ce que cela valait ?

Un rire lui a échappé, non de colère ou d'amertume, mais baigné d'une sérénité nouvelle.

« D'accord », a-t-elle fini par dire, rangeant le chèque dans son sac avec un geste élégant et déterminé.

Mais elle a repoussé le dossier, symbole d'une nouvelle transaction, vers Mélissa. Elle a marqué une pause avant d'ajouter d'une voix tranchante et définitive : « Servir d'entremetteuse pour le prochain mariage de Ludovic dépasse largement le cadre de mes attributions. Notre marché est clos et je ne veux que le divorce. »

Sur ces mots, sans un regard pour quiconque, elle a tourné les talons et est montée directement à l'étage, laissant Mélissa seule sur le canapé, le visage décomposé.
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