Chapitre 1

« Mme Mace, concernant l'enquête que vous nous avez confiée il y a cinq ans, je crains que notre conclusion initiale n'ait été erronée. »

Ces mots, prononcés comme un verdict, ont plongé l'esprit de Solène dans un vide instantané. Elle a serré instinctivement son téléphone et a demandé, inquiète : « Que voulez-vous dire ? »

« L'homme que vous cherchez depuis des ans... n'est pas Ludovic Gérin. »

Solène a senti d'abord son cœur se serrer. Puis, presque par réflexe, elle a rétorqué, sa voix tremblant d'une émotion dont elle ne s'était même pas rendu compte : « Vous en êtes certain ? »

C'était il y a cinq ans. Elle avait été kidnappée et emmenée en Afrique du Nord. Un homme, un soldat des forces de maintien de la paix apparu comme tombé du ciel, l'avait sauvée. Plus tard, elle avait déployé des efforts considérables, mobilisé d'innombrables relations, pour finalement apprendre que cet homme était Ludovic Gérin, le fils aîné de la famille Gérin.

Et maintenant, on lui disait que tout cela était une erreur ?

L'homme au téléphone a ignoré son trouble et s'est contenté d'énoncer les faits. Chacun de ses mots était comme une lame empoisonnée, déchiquetant méthodiquement les convictions qui avaient été les siennes pendant cinq longues années.

« D'après certains relevés de voyages frontaliers, M. Gérin menait des négociations commerciales en Suisse pendant un mois à la période des faits. Il n'a aucun enregistrement de séjour en Afrique du Nord. »

« En revanche, au sein des forces d'intervention françaises impliquées dans l'opération de sauvetage, il y avait bien un officier grièvement blessé lors de la mission, qui a ensuite quitté l'armée. Les informations dont nous disposons indiquent que son nom de famille est Besson. Il réside actuellement à Merville, dans votre ville. »

« Besson... » a-t-elle murmuré, perdue.

« Par conséquent, M. Gérin n'est pas votre sauveur. »

Cette conclusion a frappé comme un missile, pulvérisant instantanément le fondement de sa vie. Un bourdonnement intense a empli ses oreilles, suivi de près par un vertige incontrôlable qui a obscurci sa vision.

Solène avait l'impression de retourner cinq ans en arrière, dans cet entrepôt abandonné, imprégné de l'odeur de la poudre et du sang. Elle a revécu cette nuit où le désespoir et la peur l'avaient submergée comme une marée montante...

Prise de panique, elle a renversé maladroitement le potage posé devant elle. Le liquide brûlant l'a éclaboussée, a coulé le long de sa main, teintant instantanément sa peau d'un rouge vif.

Mais la douleur physique n'était rien comparée à la déchirure intérieure.

Le téléphone a glissé de sa main et a atterri sur la moquette. Le choc a activé par inadvertance le haut-parleur, amplifiant la voix de l'homme à l'autre bout du fil : « Le dossier détaillé et notre lettre d'excuses ont été envoyés à votre adresse e-mail. »

Un dossier détaillé et une lettre d'excuses ?

Mais le moment où ils avaient eu du sens avait déjà disparu...

Il y a cinq ans, elle avait cru que Ludovic était ce héros qui l'avait sauvée en pleine tourmente. C'était pourquoi elle avait minutieusement tissé sa toile pour se rapprocher de lui, et avait fini par l'épouser.

Même en sachant qu'il ne l'aimait pas, pour s'acquitter de cette dette de vie, elle avait tenu bon pendant cinq ans dans ce mariage vide, se persuadant par autohypnose que tout cela en valait la peine.

Mais la réalité lui assénait le coup le plus cruel : Ludovic n'était absolument pas son sauveur !

Cinq ans de mariage. Cinq ans de renoncements. Cinq ans d'auto-persuasion. À cet instant précis, tout cela s'est transformé en une sinistre farce...

Alors qu'elle se sentait complètement vidée, au bord de l'effondrement, l'écran de son téléphone s'est illuminé à nouveau. Une demande d'appel vidéo de Cécilia, l'assistante de son mari.

Machinalement, elle a appuyé sur répondre. Et l'instant d'après, le visage angélique et faussement innocent de Cécilia a occupé tout l'écran, avec en arrière-plan le bureau de Ludovic, qu'elle connaissait pourtant si bien.

Cette femme a affiché un sourire provocateur, mais sa voix était empreinte d'une sollicitude hypocrite : « M. Gérin a un peu trop bu, il ne cesse de murmurer votre nom. Pourriez-vous venir le chercher ? Ah, et... seriez-vous assez aimable pour ramener les appels d'offres du projet TotalÉtoile avec vous ? Il dit qu'il ne fait confiance qu'à ceux que vous avez validés. »

En regardant ce visage souriant à l'écran, Solène a senti pour la première fois une fissure traverser la forteresse qu'elle s'était construite.

Sans répondre, elle a mis un terme brutal à l'appel.

Après avoir soigné sa brûlure à l'eau froide, elle a enfilé des vêtements pour sortir. Mais même sous sa tenue professionnelle impeccable, la femme dans le miroir avait le teint blême et le regard vide.

Elle a pris ses clés de voiture et le dossier d'appel d'offres, puis s'est dirigée vers le groupe Gérin.

Tout au long du trajet, les néons de la ville se reflétaient dans ses yeux, incapables d'éclairer son monde assombri.

Elle a poussé la lourde porte en bois massif du bureau de Ludovic, mais la scène qui l'a accueillie était la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de cinq années de résignation :

Son mari, affalé sur le canapé, était en train de passer un collier de diamants étincelant autour du cou de Cécilia. Son geste était délicat, son regard concentré. Une attention dont elle n'avait jamais été l'objet.

Lorsqu'elle a aperçu Solène, la satisfaction dans les yeux de Cécilia est devenue presque palpable. Elle a fait délibérément scintiller le collier à son cou et a demandé d'une voix mielleuse : « Mais ce collier... n'est-ce pas celui que tu as acheté aux enchères pour Solène ? Un cadeau si précieux, je... »

Ludovic l'a interrompue, a jeté un coup d'œil à Solène avant de poursuivre d'un ton doux : « Ton bonheur est ce qui compte le plus. »

Cécilia, feignant de remarquer Solène seulement à cet instant, s'est levée précipitamment du canapé. D'une main, elle a ajusté théâtralement le collier à son cou ; de l'autre, elle a couvert sa bouche, affichant une contrition et un embarras parfaitement dosés : « Je suis désolée, je vous en prie, ne vous méprenez pas. Ce collier est une récompense pour mon travail acharné sur le projet TotalÉtoile, pour célébrer notre victoire. »

Solène a ignoré complètement sa comédie. Elle s'est dirigée droit vers le bureau et y a déposé le dossier. Son regard a effleuré le collier scintillant avant de se poser sur les documents.

« Le prix final indiqué ici comporte un zéro de trop. Il est dix fois supérieur à ce qu'il devrait être, » a-t-elle dit d'une voix claire et froide.

Puis elle a ouvert l'annexe et a poursuivi : « Par ailleurs, les paramètres techniques citent des données brevetées appartenant au cœur de la technologie de notre concurrent, CyberNova. Si nous soumettons cette offre, non seulement elle sera rejetée, mais elle déclenchera immédiatement une action en justice pour contrefaçon. »

Cécilia a blêmi instantanément, la panique la submergeant à la révélation de ce risque juridique qu'elle n'avait pas anticipé.

Quant à Ludovic, il a froncé les sourcils, son regard s'assombrissant. Pour la première fois, il a posé sur Solène une attention scrutatrice.

Il avait toujours su qu'elle était compétente, mais pas à ce point. Pas au point de déceler d'un seul regard un piège aussi subtil.

Après un bref instant de stupeur, il a maîtrisé rapidement ses émotions et a reporté son attention sur Cécilia, livide à ses côtés. Il a tendu la main et a tapoté la sienne pour la rassurer.

Naturellement, ce n'était qu'après avoir vérifié l'état de sa bien-aimée qu'il a daigné accorder un peu de son énergie à une autre.

Il a levé finalement les yeux vers Solène et a dit, son ton encore empreint d'une volonté de protéger Cécilia : « Tout le monde peut avoir un moment d'inattention. De plus, elle débute, elle a fait de son mieux. Corriger les erreurs des autres fait partie de tes attributions. »

Cette simple phrase a rejeté Solène, son épouse depuis cinq ans, hors de l'échiquier commercial. Elle n'était plus qu'un outil, convoqué à la hâte pour régler un problème, une aide qui devait s'effacer une fois sa tâche accomplie.

« Puisque c'est ce que tu penses, je n'ai rien à ajouter. » Elle a tourné les talons et est partie, sans la moindre hésitation.

Face à son dos trop calme, Ludovic a été de nouveau submergé par ce sentiment irritant de frustration et de perte de contrôle. Les mots lui ont échappé, tentant de la blesser avec le passé pour reprendre le dessus : « Arrête ! Quelle est cette attitude ? Tu me fais la tête ? Solène, n'oublie pas comment tu m'as supplié de t'épouser ! »

Cette question, telle une lame rouillée, a brisé brutalement la coquille qu'elle s'était construite pendant cinq ans pour se leurrer.

Elle s'est retournée d'un coup sec et a dit, d'un ton ironique : « Je t'ai supplié de m'épouser ? »

Instinctivement, Ludovic a tendu la main pour la retenir, comme il l'avait fait tant de fois par le passé afin d'affirmer son emprise.

Mais avant qu'il ne la touche, Solène l'a repoussé avec une force pleine de détermination. Un frisson ancestral lui a parcouru l'échine, non plus de peur, mais d'une aversion rageuse. Bien que son corps tremble de façon incontrôlable, elle a serré les poings, et du fond de la gorge, a fait jaillir deux mots qu'elle n'avait jamais osé prononcer en cinq ans : « Lâche-moi. »

Quand elle a levé les yeux sur lui, toute la douceur et la soumission d'autrefois avaient disparu de son regard, remplacées par une distance infranchissable.

C'était ce regard glacé qui a fait comprendre à Ludovic, pour la première fois avec une telle clarté, que la Solène d'aujourd'hui n'était décidément plus tout à fait la même.