Share

Chapitre 2

Author: Nadège Affré
Dans la nuit, Maurice est rentré enfin.

Je n'ai pas allumé la lumière, me contentant de m'affaisser dans le canapé, le regard fixe sur lui.

Il a allumé la lumière et, en me voyant là, il a paru d'abord surpris, puis s'est approché lentement.

« Tu le sais, n'est-ce pas ? » a-t-il avalé sa salive, visiblement nerveux.

J'ai hoché la tête.

Nous vivions ensemble depuis cinq ans et nous nous comprenions parfaitement.

Sa promesse soudaine, ses vêtements mal rangés, tout cela trahissait son culpabilité et sa panique.

Et Maurice, il voyait bien que moi, d'ordinaire si insouciante, restais assise dans l'obscurité de la nuit, inhabituellement silencieuse.

Nous savions pertinemment l'un comme l'autre qu'une violente dispute se préparait...

Il s'est assis lentement près de moi, a sorti un petit flacon contenant un liquide et l'a posé devant moi.

« Elle est tellement malheureuse », m'a-t-il dit d'une voix calme, « Elle est allongée dans son lit, entourée d'appareils qui la maintiennent en vie... J'avais promis à son père que je prendrais soin d'elle... »

Mon cœur s'est serré et j'ai sentis une vague de froid envahir tout mon corps.

« Alors tu vas passer son dernier mois avec elle ? » ai-je demandé.

« Oui... »

Un silence lourd s'est installé entre nous.

Au bout d'un moment, il a tendu la main, hésitant, et a effleuré le flacon devant nous.

« Qu'est-ce que c'est ? » Je fixais ses yeux, ma voix tremblait légèrement.

Il a détourné mon regard, puis a murmuré doucement : « Magali, Joséphine a besoin de toute mon attention pendant ce mois, mais je sais, tu le refuseras... »

« Je serai avec elle, mais tu resteras quand même ma fiancée. Oublie-moi pour l'instant, et une fois que tout sera fini, nous poursuivrons notre mariage comme prévu. »

J'ai compris alors : c'était le fameux sérum qu'il avait créé, celui qui effaçait les souvenirs.

« Tu veux que je t'oublie ? » Je suis restée un instant stupéfaite, incapable de croire que mon fiancé allait se consacrer entièrement à une autre femme pendant un mois.

« Non ! Magali, je veux pas que tu m'oublies pour toujours, juste pour un mois », sa voix restait douce, mais ses mots me paraissaient insensés, « un mois plus tard, je reviendrai vers toi. »

Je me suis figée, et les larmes sont montées déjà dans mes yeux.

Cinq ans ensemble, et maintenant il me demandait de l'oublier ?

Un rire amer s'est échappé de mes lèvres : « Ce sérum, tu ne l'as même pas testé en clinique. Et si ça ne fonctionnait pas ? Et si je ne t'oubliais pas seulement un mois, mais plus longtemps ? Et si ça me causait des dégâts physiques ? »

À mes paroles, Maurice s'est arrêté un instant, son geste suspendu. Mais après une brève hésitation, il a ouvert le flacon d'un coup sec : « Cela ne posera aucun problème. Je suis le meilleur neuroscientifique qui soit. »

Il a tenu le flacon vers ma bouche : « Un mois après, nous nous marierons, et nous serons le couple le plus heureux. »

J'ai détourné la tête : « Pourquoi ? Tu crois que je vais encore t'épouser après tout ça ? Après avoir fait ce choix, tu as déjà trahi tout ce que nous étions. C'est fini entre nous. »

« Je ne t'ai pas trahie ! » Maurice, soudainement plus agité, s'est emporté, « Elle est tellement misérable, pourquoi es-tu si têtue ? »

L'homme que j'aimais passionnément me reprochait maintenant de ne pas comprendre la situation avec l'autre femme.

Il a inspiré profondément avant de lever le flacon : « Magali, tout ira bien dans un mois. »

Puis, sans prévenir, il s'est levé, m'a plaquée fermement contre le canapé et m'a saisi le menton, appuyant le flacon contre mes dents.

Le liquide froid est entré alors dans ma bouche, avec un goût amer.

Dans un sursaut de panique, je me suis mise à tousser violemment, mais Maurice n'a pas relâché son emprise. Au contraire, il m'a maintenue plus fermement.

J'ai lutté de toutes mes forces, frappant son ventre avec mes pieds. Il a souffert, relâchant brièvement sa prise, ce qui m'a donné une chance de tourner la tête pour vomir le liquide. Mais il a attrapé aussitôt mes cheveux et m'a ramenée près de lui, versant le reste de la potion dans ma bouche.

Le flacon m'a coupé la langue, et une amertume dégoûtante a envahi ma bouche, bientôt suivie d'une terrible sensation de nausée.

La douleur m'a fait pleurer. À travers mes larmes, je ne pouvais pas distinguer son expression.

Finalement, quand il avait terminé, il m'a relâchée…

Je me suis précipitée pour me faire vomir, mais mon estomac se tordait sans que rien n'en sorte. Je sentais comme si je m'étouffais. Tout ce que je pouvais faire était de pousser des gémissements de souffrance.

J'ai serré la tête entre mes mains, tentant de résister à la douleur insupportable qui frappait mon esprit, comme si quelque chose allait exploser à l'intérieur de ma tête.

Peu à peu, la douleur m'a éteinte, et mes bras et mes jambes sont devenus mous, comme si je tombais dans un abîme de conscience.

Mon esprit se brouillait, je n'entendais plus que la voix lointaine de Maurice :

« Magali, je t'aime vraiment. Mais Joséphine va mourir, et je dois être là pour elle, oublie-moi… Un mois après, tu seras toujours ma femme, et nous nous marierons… »

Sa voix s'éteignait peu à peu, et je me suis écroulée sur le canapé, mon esprit perdu dans ces derniers mots : « Maurice ? Qui est Maurice ? »
Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • L'Oubli irrésistible   Chapitre 11

    Je me suis retournée enfin, marchant d'un pas décidé, mais en me retournant, inconsciemment, des larmes se sont mises à couler comme une pluie battante, comme tant d'autres fois auparavant, sans raison, sans explication.Mais j'avais le pressentiment que c'était la dernière fois.Derrière moi, j'ai entendu Maurice s'effondrer, suivi des exclamations des passants et du bruit des secours.Mais tout cela n'avait plus rien à voir avec moi.Je me suis débarrassée de tout ce passé, de ces choses qui m'avaient fait souffrir au point de m'étouffer. C'était fini. Je partais vers un avenir sans lui. Adieu.…Des mois plus tard, Félicia est venue me rendre visite à la ville A. Elle m'a apporté une nouvelle incroyable : Joséphine avait bel et bien eu un cancer, et ses funérailles étaient déjà terminées.« On ne doit jamais dire certaines choses à la légère, on ne sait jamais si ça va se réaliser, non ? » a dit Félicia, un soupçon de réflexion dans sa voix.Je ne pouvais qu'être d'accord.La derni

  • L'Oubli irrésistible   Chapitre 10

    Maurice avait enfin disparu de ma vie. Depuis cet incident, il ne s'était plus manifesté.J'étais prête à faire mes valises et à partir travailler à la ville A.Alors que Félicia m'aidait à tout préparer, elle m'a lancé soudain : « Joséphine, elle n'a jamais eu de cancer. Elle a falsifié des rapports médicaux et des diagnostics pour forcer Maurice à l'épouser. Maintenant, la personne qui l'a aidée à falsifier tout ça a été arrêtée, et ça l'a impliquée. »« Vraiment ? Tant mieux. »En réalité, je me fichais de ce qui leur arrivait, tant qu'ils ne venaient pas perturber ma vie.Mais je n'aurais jamais imaginé que je croiserais Maurice à l'aéroport…Il m'a barré la route, haletant, et m'a dit qu'il voulait me parler une dernière fois.Bien qu'il soit essoufflé, il était impeccable, habillé en costume, tout en ordre, ne ressemblant plus du tout à l'homme misérable de l'autre jour. Il semblait avoir retrouvé sa vie d'avant.Félicia, avec une pointe de sarcasme, lui a demandé : « Alors, que

  • L'Oubli irrésistible   Chapitre 9

    Au début de notre relation, nous avions déjà eu une dispute à cause des messages ambigus de Joséphine. À l'époque, dans un accès de colère, j'avais demandé à rompre.Pour me montrer qu'il était sincère, il avait bloqué toutes les coordonnées de Joséphine et avait passé la nuit devant chez moi.« Je me souviens encore, j'étais émue. »Je n'ai pas répondu. Ce que Félicia me racontait me semblait tellement lointain, comme si c'était une autre vie.Mais je savais une chose : même si je n'avais pas perdu la mémoire, je ne lui pardonnerais jamais sa trahison.J'ai tiré les rideaux, pour ne pas le voir, pour ne pas me torturer davantage.Au milieu de la nuit, un coup de tonnerre m'a réveillée en sursaut. J'ai tiré les rideaux et ai aperçu la silhouette fière de Maurice, chancelant sous la pluie. Un instant plus tard, il s'est effondré dans l'eau, soulevant une éclatante gerbe de gouttes.J'ai pris immédiatement mon téléphone pour appeler les secours, craignant qu'il ne meure devant ma porte,

  • L'Oubli irrésistible   Chapitre 8

    Deux jours plus tard, en rentrant du travail, j'ai vu une voiture de luxe garée devant ma porte. Maurice, vêtu d'un costume noir, appuyait ses longues jambes contre la portière, avec une attitude fière. Le coffre était rempli de callas, attirant l'attention des passants.Mon cœur s'est accéléré un instant.Il fallait avouer que Maurice était beau. Si l'on se contentait de ses apparences, il était incontestablement un homme rare, d'une beauté frappante.Mais malheureusement, tout ce qu'il faisait me répugnait maintenant profondément.« Magali », a-t-il dit en s'approchant avec un énorme bouquet de fleurs, « Tu te souviens ? Lors de notre premier rendez-vous, nous avons vu un champ de callas, tu m'avais dit que tu les aimais. »Il souriait largement, et dans son regard, je retrouvais une lueur de familiarité, comme si, des années auparavant, un jeune homme, tout sourire, m'avait tendu un bouquet de callas sans la moindre réserve.Mais après un moment de confusion, je me suis sentie mal à

  • L'Oubli irrésistible   Chapitre 7

    « J'ai peur que tu m'aies vraiment oublié, j'ai peur que tu n'aies plus de place pour moi dans ton avenir », a-t-il dit avec une note de plainte dans la voix, puis a ajouté, « me voir perdu et paniqué à cause de moi, ça te fait plaisir, hein ? »Sa question soudaine m'a irritée profondément. J'avais déjà atteint mes limites face à ses harcèlements incessants.Sans réfléchir, je lui ai donné une gifle en pleine face : « Tu es un étranger pour moi, tu m'entends ? Mon avenir n'a pas de place pour des étrangers. »Maurice a porté une main sur sa joue, comme s'il n'entendait pas mes mots, puis a levé un flacon devant moi :« Je suis l'un des plus grands neuroscientifiques ici, je dirige une équipe d'élite. Après plus de deux semaines d'examens, ni le sérum amnésique ni celui de restauration de mémoire ne présentent de problème. Il est impossible que tu ne te souviennes pas de moi. »« Tu as retrouvé bien ta mémoire, mais tu joues avec mes sentiments. Tu sais très bien que je déteste ce genr

  • L'Oubli irrésistible   Chapitre 6

    Une fois qu'il était parti, tout mon corps s'est relâché. Ce n'était qu'à ce moment-là que j'ai réalisé à quel point j'avais eu peur.Félicia, les bras croisés, a laissé échapper un juron : « Franchement, avoir été en couple avec un type pareil, c'est comme se traîner un casier judiciaire émotionnel à vie. »Elle n'avait pas tort. J'avais failli tout perdre à cause d'un cinglé avec un flacon à la main.« Allez, on rentre tout de suite », ai-je dit en la pressant.Face à son regard interrogateur, j'ai haussé les épaules : « Je dois prendre une bonne douche. Faut que je me débarrasse de toute cette poisse. »Après une longue douche, j'ai fini par me calmer un peu.Prenant une grande inspiration, j'ai commencé à analyser à voix haute : « Maurice était mon fiancé. Mais il est parti en lune de miel avec une autre. Ça veut tout dire, non ? C'est pas un homme bien. J'étais aveugle, maintenant je vois clair. »Félicia m'a regardée, décontenancée : « Tu as quand même perdu cinq ans avec ce mec.

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status