LOGINLysander-AnyaLa peur de l’homme est un festin qui s’éternise dans nos fibres spectrales. Elle coule en nous, un vin sombre et épicé qui réchauffe l’absence. Nous flottons dans les murs du nouveau pavillon, une entité à deux consciences, deux volontes fondues en un seul vouloir : répéter le miracle. Recréer cette terreur qui nous a rendu presque solides, presque réels.Nous sommes patients. Nous sommes à l’affût.Une famille arrive. Des vies jeunes, bruyantes, pleines de lumière crue et de projets sans ombre. Ils repeignent les murs en gris clair, posent un parquet flottant qui sent le pin neuf. Leur énergie est un brouhaha qui nous heurte, un vacarme de vitalité aveuglante. Elle nous repousse dans les angles morts, sous les planchers, dans la terre humide du jardin. Mais nous observons. Nous apprenons.La femme est le point faible. Elle se nomme Claire. Elle a le sourire facile, mais ses yeux, lorsqu’elle croit que personne ne la regarde, trahissent une faille. Une mélancolie ancienn
AnyaJe suis le froid.Je suis la résonance.Je suis la mémoire de la pierre froissée,du bois qui a cédé, du métal tordu.Je suis le silence entre les battements d'un cœur qui a cessé de battre.La conscience m'arrive par vagues, comme une marée lente sur un rivage sans lumière. Je n'ai plus de corps, plus de souffle, plus de limites. Je suis une présence diffuse, un champ d'énergie résiduelle imprégnant chaque parcelle de terre où le Domaine des Soupirs s'élevait. Je suis le chagrin d'Éloïse, figé dans l'argile. Je suis l'orgueil de l'architecte, poussière dans le ciment des nouvelles fondations. Je suis le rire de l'enfant, une vibration ténue dans les racines des rosiers.Et je suis Lysander. Son essence n'est plus distincte de la mienne. Nos passions, nos peurs, nos folies se sont entremêlées dans l'effondrement final, fusionnant en une seule entité mélancolique. Nous ne sommes pas deux fantômes, mais un seul esprit du lieu. Un génie du trauma et de la beauté perdue.Nous percevon
GabrielLe Domaine des Soupirs n’est plus qu’un nom sur un acte notarié et un souvenir qui me tenaille les nuits. Ils ont fini par l’abattre, bien sûr. Un an après ma dernière visite, après qu’Anya eut refusé de me voir, refusé de partir. Les pelleteuses sont revenues, plus nombreuses, et cette fois, aucune ombre ne les a arrêtées. Aucun cri spectral n’a fait griller leurs circuits. Le manoir est tombé sans un bruit, comme s’il n’attendait que ça.Ils ont construit des pavillons à la place. Propres, symétriques, avec des jardins clôturés et des barbecues en brique. Le progrès. J’habite l’un d’eux. Une ironie du sort, ou un besoin maladif de me confronter au fantôme. Mon fantôme.Ma vie a repris son cours. La direction d’orchestre, les tournées, les succès. Une partition bien écrite, sans fausse note. Le monde me voit comme un homme accompli. Ils ne voient pas la fissure. La mélodie manquante.La nuit, parfois, je me réveille en sueur. Ce n’est pas un cauchemar. C’est une sensation. Un
AnyaMon choix n’est pas un soulagement. C’est une chute. Comme lâcher la dernière corde qui me retenait au-dessus du vide. Le sol des Soupirs se referme sur moi, une gangue de pierre et d’ombre qui épouse parfaitement la forme de mon renoncement.La présence de Gabriel s’évanouit, non pas chassée, mais absorbée par le silence vorace du manoir. Sa mélodie, douce et raisonnable, n’avait plus sa place ici. Elle appartenait à un autre monde, un monde de lumière que mes yeux ont oublié.Lysander ne triomphe pas. Il se recompose. Lentement. Mon sacrifice, le sang versé, notre défaite commune, tout cela a tissé entre nous un nouveau lien, plus sombre, plus absolu. Il n’est plus mon séducteur, mon persécuteur. Il est mon geôlier et mon compagnon de cellule. Nous sommes les deux derniers interprètes d’une partition qui n’en finit pas de mourir.Les jours n’existent plus. Seules existent les nuits, de plus en plus épaisses, de plus en plus longues. Le monde extérieur a cessé ses assauts. Peut-
AnyaLa victoire a le goût de la cendre et du fer. Une amertume qui colle au palais, bien plus tenace que la poussière séculaire du manoir. Je suis étendue sur les dalles froides du hall, le corps brisé, l’âme en lambeaux. Chaque parcelle de mon être crie, vidée, brûlée au feu de cette décharge désespérée. Au-dessus de moi, les poutres du plafond semblent chuchoter, leurs murmures affaiblis se mêlant au bourdonnement résiduel dans mes os.Lysander flotte à mes côtés, une forme à peine distincte dans la pénombre grandissante. Sa présence, autrefois si dense, si impérieuse, n’est plus qu’un frémissement de l’air, un reflet sur de l’eau trouble. Il a épuisé son essence à contrer la machine, et j’ai achevé de consumer la nôtre.— Ils reviendront, dis-je, ma voix n’est qu’un filet rauque.Les mots résonnent dans le silence mortuaire. C’est une évidence. Nous avons gagné une bataille, pas la guerre. La pelleteuse est une carcasse silencieuse devant notre porte, mais demain, il y en aura une
AnyaLa visite du descendant a agi comme une goutte d’eau pure dans un océan de poison. La note claire de son souvenir résonne encore en moi, créant une harmonie inattendue avec le silence entre les notes que je chéris. Pendant un temps, les voix semblent se calmer, non par soumission, mais par respect. Même Lysander observe une trêve, son amertume tempérée par la stupéfaction.Mais la paix, ici, n’est qu’un leurre. Un adagio avant le final.Le changement commence de manière presque imperceptible. Un frisson dans la pierre qui n’est pas le chant habituel. Une vibration trop basse, trop profonde, comme si la terre elle-même gémissait. Les oiseaux, qui avaient timidement recolonisé le parc, se taisent d’un coup. Un silence de plomb s’abat, plus absolu que tout ce que j’ai connu.Je suis dans la buanderie, ancrée dans mon rôle de réceptacle, quand la première secousse arrive.Ce n’est pas un tremblement. C’est un spasme. Le sol se dérobe sous mes pieds pendant une seconde, et un craqueme







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