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Chapitre 4 — L’interrogatoire

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-08-13 00:57:36

LE ROI

Les marches humides s’enfoncent dans l’ombre comme si elles menaient hors du monde. Chaque pas résonne, avalé par la pierre, mais dans ce silence, le bruit devient presque un tambour, comme pour annoncer ma venue. Ici, l’air est plus lourd, saturé d’humidité et de cette odeur métallique qui colle à la gorge. Les torches crépitent paresseusement, jetant sur les murs des ombres qui ondulent comme des spectres.

Les gardes se redressent à ma vue, surpris. Aucun d’eux n’ose poser la question, mais je sens leur curiosité me frôler comme un courant d’air froid.

— Ouvrez la cellule… et déplacez-la.

Ma voix est sans appel, tranchante comme une lame sortie du fourreau.

Le geôlier baisse les yeux, hoche la tête et appelle deux hommes. Les chaînes grincent, les verrous protestent, et enfin… elle apparaît.

Elle..l’étrangère.

La lumière de la torche accroche son visage, sculpte l’ovale parfait de ses pommettes, fait briller ses yeux d’une lueur presque animale. Ses mains sont libres erreur ou calcul ? et son menton haut. Sa démarche est lente, volontaire. Une lenteur indécente, comme si chaque pas n’était pas une contrainte, mais un choix. Elle avance vers moi, et j’ai l’impression que ce sont mes pas à moi qui reculent, même si je reste immobile.

Je la conduis dans une cellule isolée. Plus vaste. Les murs sont proches, mais la lumière unique qui filtre de la torche les rend moins étouffants. La flamme danse sur ses traits, allume dans ses cheveux des reflets ambrés qui semblent vivants.

— Laissez-nous.

Le bruit des bottes s’éloigne, le verrou claque. Nous sommes seuls.

Elle s’adosse au mur, croise les bras, et me dévisage. Ce n’est pas un regard de prisonnière. C’est un regard de chasseuse qui attend que sa proie fasse le premier faux mouvement.

— Vous vouliez me parler ? demande-t-elle, sa voix basse caressant l’air, chaque syllabe comme un fil qu’elle tend vers moi.

— Qui êtes-vous ? Et d’où venez-vous ?

Ses lèvres s’étirent dans un sourire paresseux.

— Vous ne croiriez pas la vérité si je vous l'a donne . 

Elle me jauge, lentement, comme si elle cherchait l’endroit exact où frapper.

— Mais je peux vous la raconter… si vous promettez de m’écouter jusqu’au bout.

Elle parle. Son récit s’installe comme une musique dans ma tête. Elle décrit un autre monde : lumière éclatante, musique qui envoûte, foule hypnotisée par ses gestes. Des corps suspendus à ses mouvements, prisonniers d’un rythme qu’elle seule commande. Sa voix coule, chaude, et ses mots effleurent ma peau comme un contact réel.

Puis elle s’interrompt. Et avance.

— Vous voulez savoir ce que je faisais là-bas ? Je peux vous le montrer.

Je devrais dire non.

Je devrais.

Mais je reste figé.

Elle commence à bouger. Ce n’est pas une danse, pas exactement. C’est un piège. Ses hanches ondulent, ses épaules roulent avec une lenteur calculée. Ses mains se lèvent, dessinent dans l’air des lignes invisibles, avant de glisser sur sa propre peau, comme pour rappeler que ce corps est sien, mais qu’elle décide à qui en offrir la vue. Ses cheveux glissent sur son épaule, découvrant la ligne de sa clavicule, l’ombre délicate de son cou , ils sont beaux... j'ai envie de les toucher .

Chaque geste est une provocation. Chaque ondulation, une invitation à franchir une limite.

Je sens mon corps réagir. Et je sais qu’elle le voit.

Ses yeux s’allument d’un éclat triomphant. Elle franchit la distance qui nous sépare, pas à pas, jusqu’à ce que je puisse sentir son souffle. Sa main effleure mon pourpoint. Pas un vrai contact, juste assez pour que je le ressente dans tout mon corps. Puis ses doigts descendent, avec cette lenteur cruelle, vers ma ceinture.

— Vous voyez… je peux faire bien plus que parler, murmure-t-elle.

Sa voix s’insinue dans mes veines comme un poison. La chaleur de ses doigts, même à travers le tissu, est une brûlure. Mon souffle se suspend. Pendant un instant… un seul… je la laisse faire.

Puis je la repousse , plus brutalement que je ne l’avais prévu prise de honte .

— Assez !

Elle recule, son corps ondule à peine sous le choc, et son sourire s’élargit.

Elle a vu.

Elle a senti.

— Oh… je crois que j’ai ma réponse, dit-elle d’un ton doux, presque moqueur.

Mon poing se serre.

— Vous ne me manipulerez pas.

Elle penche la tête, feint l’innocence.

— Bien sûr que non, Majesté. Je ne ferais jamais une chose pareille…

Mensonge éhonté. Et le pire, c’est que nous le savons tous les deux.

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