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Chapitre 5 — Un mensonge nécessaire

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-08-16 03:30:01

Arnold

Elle me regarde, les yeux grands ouverts, remplis de confusion. Ses lèvres tremblent légèrement, et je sais que ses mains se crispent sous le drap, même si je ne les vois pas.

Cette phrase qu’elle vient de prononcer résonne encore dans ma tête :

 "Qui… qui suis-je ?"

Elle ne se souvient pas. Rien.

Je le vois dans son regard : ce n’est pas une feinte, pas une comédie. Elle est perdue au milieu d’un océan vide, sans repères.

Et moi… moi, je pourrais remplir cet océan comme bon me semble.

Une partie de moi sait que ce que je m’apprête à faire est immoral. L’autre partie sait que c’est peut-être la seule solution à mon problème actuel.

Mon problème… Ce maudit conseil d’administration qui veut ma tête. Cette proposition absurde qu’ils m’ont faite il y a deux jours :

"Si vous voulez sauver votre place, mariez-vous. Montrez une image stable. Le marché a besoin de croire que vous êtes un homme prévisible."

Et comme je leur ai répondu, à demi ironique : "On ne trouve pas une épouse en quarante-huit heures."

Ils ont haussé les épaules.

Mais voilà… le destin vient peut-être de m’apporter une solution. Une solution qui respire devant moi, qui me regarde avec la fragilité d’un oiseau blessé.

— Vous ne vous souvenez vraiment de rien ? insisté-je, comme pour m’assurer que ce vide est bien réel.

Elle secoue la tête, ses cheveux sombres glissant sur son oreiller. Une larme roule sur sa joue.

Je reste silencieux, mais dans ma tête, les pièces du puzzle s’assemblent.

Si je lui dis que je suis son mari… elle n’aura aucun moyen de vérifier. Pas pour l’instant. Et je pourrai gagner le temps nécessaire pour régler mes affaires. Après… je trouverai un moyen de lui rendre sa liberté ou pas.

Je me surprends à la regarder plus longtemps que nécessaire. Elle est belle, dans ce genre de beauté qui ne se maquille pas, qui existe simplement. Sa fragilité est presque douloureuse à voir.

Et puis… il y a cette impression étrange que la vie vient de placer entre mes mains quelque chose que je n’attendais pas.

— Tu dois te reposer, dis-je finalement d’une voix douce. Tout ira bien.

Elle me fixe, comme si chaque mot que je prononce pouvait être une bouée de sauvetage.

Je me lève, sors dans le couloir. La clinique est silencieuse, feutrée, les murs tapissés de beige et d’or. Le directeur vient vers moi, un homme rondouillard au sourire obséquieux.

— Elle va s’en sortir, me dit-il. Mais… elle aura besoin de temps pour récupérer ses souvenirs.

Je hoche la tête.

— Très bien… alors, pour tout le monde ici… je suis son mari.

Il me regarde, surpris, mais ne commente pas. Ici, l’argent efface les questions.

Élise

Quand il revient dans la chambre, j’ai essayé, en vain, de forcer ma mémoire. J’ai fouillé ce néant, j’ai tendu la main vers des images inexistantes… rien.

Quand il s’assoit près de moi, je le regarde avec cette attente douloureuse que je n’arrive pas à cacher.

— Je… je ne sais pas pourquoi, mais… vous m’êtes familier, dis-je dans un souffle.

Il sourit. Un sourire calme, rassurant… mais qui cache quelque chose.

— C’est normal, Élise. Je suis ton mari.

Les mots tombent comme une vérité absolue. Mon cœur se serre, pas de peur, mais d’émotion. Mariée… à lui ? Je ne me souviens pas de notre vie, mais l’idée me réchauffe étrangement.

— Mon… mari ?

— Oui. Nous avons eu un accident. Tu as perdu la mémoire, mais je suis là. Je ne te laisserai pas.

Ses yeux brillent, mais je ne sais pas si c’est de tendresse… ou d’autre chose.

Arnold

Elle me croit.

Je le vois dans ses pupilles qui s’agrandissent, dans la façon dont ses épaules se détendent légèrement. Ce n’est pas qu’une opportunité. C’est une porte grande ouverte.

Il va falloir être précis. Cohérent. Lui inventer une histoire suffisamment solide pour qu’elle ne doute pas, mais pas trop parfaite pour qu’elle ne s’interroge pas.

Je prends sa main.

— Tu es en sécurité. Je vais t’aider à te souvenir de nous .

Elle me serre la main en retour. Un geste simple… mais qui scelle ce mensonge que je viens de prononcer.

Et tandis que je lui parle de "notre" maison, de "nos" voyages, de "nos" projets, je sens quelque chose d’inattendu s’insinuer en moi : et si ce mensonge devenait… plus qu’un plan ?

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