LOGINLe matin, la lumière filtrait doucement à travers les stores du grand appartement d’Isalya. Vêtue d’une robe bleu nuit taillée sur mesure, la jeune femme se tenait devant son miroir, concentrée. Une mèche rebelle glissa sur son front ; elle la repoussa d’un geste distrait.
Aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres. La conférence annuelle sur les investissements stratégiques réunissait les figures les plus puissantes du monde financier. Isalya représentait sa société aux côtés de sa collègue de toujours, Léna Hard.
— Tu es splendide, comme toujours, lança Léna en ajustant ses boucles d’oreilles.
— Il faut bien, répondit Isalya avec un sourire mesuré. Ce genre d’événement, c’est une guerre silencieuse. Mieux vaut briller que se faire écraser.Mais, malgré sa maîtrise apparente, son esprit vagabondait. Des images du Blue Velvet la hantaient encore : la lumière tamisée, et cette ambiance, et surtout... lui. Cet inconnu au regard perçant, à la voix grave, au baiser brûlant.
L’homme qui avait pris possession d’elle comme si son corps lui appartenait.Elle avait cru pouvoir ranger cette nuit dans un recoin de sa mémoire, comme une simple parenthèse. Mais le souvenir de ses mains sur sa peau suffisait à troubler sa respiration.
Léna continua de bavarder, inconsciente du tumulte intérieur de son amie.
— Tu sais qu’il paraît que le PDG de Drayce & Co. Worldwide sera là en personne ? — Oui, j’ai entendu. Mais c’est sûrement juste pour faire bonne figure. Ces gens-là ont rarement le temps. — Tu ne crois pas ! Il est... comment dire... mystérieux. Personne n’a jamais vu son vrai visage en dehors des photos officielles. — On dirait que tu parles d’un fantôme, pas d’un PDG, répondit Isalya en riant doucement.Mais un flash furtif du week-end précédent la traversa : la musique feutrée, un parfum boisé, un regard sombre, une voix grave...
Elle secoua la tête. Impossible. Ce n’était qu’une rencontre sans lendemain.À l’autre bout de la ville, Tavrik Drayce boutonnait sa chemise sombre et ajustait sa cravate devant le miroir. Son reflet lui renvoyait une image impeccable, mais son regard trahissait une tension inhabituelle.
Il détestait les conférences : les mondanités, les compliments vides, les sourires calculés. Mais cette fois, il n’avait pu refuser : Lucara Drayce, sa mère, y tenait. L’organisatrice était une amie d’enfance à elle.Il soupira, attrapa sa montre en or et quitta son penthouse.
Dans la voiture, il parcourut distraitement ses notes de présentation, mais son esprit vagabondait ailleurs.Cette femme.
— Celle du Blue Velvet… murmura-t-il, les doigts tapotant nerveusement sur le volant.Il revoyait son regard, sa voix, cette façon don elle s’était completement abandonné a lui. Le goût de sa peau.
Une inconnue qu’il n’avait pas su oublier.Tavrik Drayce ne perdait jamais le contrôle. Mais cette femme… elle l’avait ébranlé.
À son arrivée, la salle vibrait d’une agitation feutrée.
Les projecteurs illuminaient la grande scène. Tavrik, costume trois pièces impeccable, ajusta sa montre d’un geste mécanique. Son équipe s’affairait autour de lui.— Monsieur Drayce, tout est prêt, annonça son assistant.
— Bien. Commençons à l’heure.Lorsque Tavrik entra, le silence tomba aussitôt.
Tel un souverain, il gravit lentement les marches du podium. Son allure dominait l’espace : ses épaules, sa démarche assurée, son visage impassible. Chaque pas semblait calculé pour imposer sa présence.Et quand il leva les yeux vers le public… leurs regards se croisèrent.
Le souffle d’Isalya se coupa net.
Impossible. Cet homme, celui qui se tenait sur scène sous les applaudissements, c’était lui. L’inconnu du bar. L’amant de cette nuit impossible.Son cœur battait si fort qu’elle craignait qu’on l’entende.
— Tu vas bien ? Tu es toute pâle…, murmura Léna.
— Oui, juste un peu de... chaleur, mentit Isalya, les yeux rivés sur Tavrik.Sur scène, lui aussi l’avait vue.
Au début, son regard parcourait distraitement la salle. Puis, au deuxième rang... elle. Un instant suspendu. Le monde s’effaça.Tavrik sentit son ventre se contracter. Il l’aurait reconnue entre mille.
Ce port de tête, cette prestance tranquille...Toi… pensa-t-il. Tu m’as hanté des nuits entières.
Il se pencha vers son assistant :
— Logan, trouve-moi tout ce que tu peux sur la femme assise au troisième rang, robe bleu nuit. Nom, poste, entreprise. Je veux tout savoir avant la fin de la conférence. — Bien, monsieur, répondit Logan en s’éclipsant aussitôt.Tavrik reprit contenance et entama son discours d’une voix grave et magnétique :
— Mesdames et messieurs, l’avenir de l’investissement ne repose pas uniquement sur les chiffres, mais sur la vision. Et cette vision...Mais son esprit n’était pas sur scène. Entre deux phrases, il observait Isalya.
Elle, droite et calme, mais ses doigts trahissaient une crispation légère. Chaque mot semblait un message. Chaque silence, un appel.Et lorsqu’il parla de risque calculé, son regard croisa le sien avec une intensité presque provocante.
Un défi muet.Elle sentit ses joues chauffer, mais ne baissa pas les yeux.
Elle soutint son regard — fière, glaciale.À la fin du discours, les applaudissements éclatèrent. Tavrik remercia d’un signe bref, descendit de la scène, et se mêla à la foule.
Les flashs, les caméras, les poignées de main… tout semblait loin. Il ne voyait qu’elle.Logan revint discrètement :
— Monsieur, elle s’appelle Isalya Lysandre. Analyste financière senior chez Lornay Capital. L’une des meilleures, à ce qu’on dit. — Intéressant, murmura Tavrik, un sourire en coin.Isalya, elle, essayait de se fondre dans la foule, d’échapper à son regard brûlant.
— C’est pas possible… Tu le fixes depuis une heure, chuchota Léna. Tu le connais ? — Non, répondit-elle trop vite. — "Non" ? Tu réponds comme quelqu’un qui ment.Un serveur passa. Isalya attrapa une coupe de champagne.
Il fallait fuir avant qu’il ne s’approche.Mais il approchait déjà.
Tavrik fendit la foule, sûr de lui. Son regard, ancré dans le sien.— Mademoiselle Lysandre, murmura-t-il.
Elle se figea. — Vous… connaissez mon nom ? — Il figurait sur la liste des intervenants. Mais je préfère quand vous me regardez comme samedi soir.Sa voix caressa l’air entre eux.
Léna, malicieuse, s’éloigna discrètement.— Monsieur Drayce, dit Isalya en reprenant contenance. J’ignorais que vous étiez… cet homme.
— Et moi, que la femme qui m’a volé ma nuit était une analyste redoutable… et, en prime, une chanteuse de nuit.Elle tenta de rire, mais ses joues rosirent.
— Volé ? Vous aviez pourtant l’air d’apprécier. — Et maintenant ? demanda-t-il en s’approchant. Vous semblez plus prudente. — Parce que je sais à qui j’ai affaire. — Vous pensez savoir, corrigea-t-il doucement.Leurs regards s’accrochèrent, brûlants.
Chaque mot alourdissait l’air.— Je ne mélange pas affaires et... souvenirs, dit-elle en reculant à peine.
— Dommage. Les deux ensembles peuvent être explosifs.Elle eut un petit rire nerveux.
— Vous aimez jouer, n’est-ce pas ? — Seulement quand la partie vaut la peine. Et vous, Isalya Lysandre, vous êtes une mise bien trop rare pour qu’on la laisse filer.Son prénom dans sa bouche avait une saveur dangereuse.
Le cœur d’Isalya s’emballa.Un collègue l’appela au loin.
— Excusez-moi, murmura-t-elle avant de s’éclipser.Tavrik la suivit du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse derrière les rideaux du couloir VIP.
Un mince sourire effleura ses lèvres.Le réveil vibra une première fois.Puis une seconde.Isalya n’avait pas encore la force d’ouvrir les yeux.Elle était épuisée.Pas physiquement… non.Mais émotionnellement.La nuit précédente l’avait laissée dans un état étrange, presque fragile.Elle avait rêvé de Tavrik.Pas juste un rêve vague ou flou… non, un rêve qui semblait avoir encore son parfum, sa voix, son regard.Elle sentit son cœur ne battre plus vite rien qu’à ce souvenir.Elle passa une main sur son visage et inspira profondément.— Arrête, Isalya… sinon tout sa va finir par te detruire…Elle repoussa les couvertures et resta assise quelques secondes au bord du lit.Elle avait froid… ou peut-être était-ce l’absence de ses mains, de sa voix.Elle soupira.Son regard glissa vers la petite table où reposait sa pochette.À côté, soigneusement posée…Une rose sombre.Elle se figea.Hier soir, lorsqu’il l’a raccompagner chez elle, Tavrik lui avait glissé ça dans la main en murmurant :— « Pour que tu te souviennes que dès a
La porte de l’appartement de Tavrik claqua derrière eux.Isalya fit un pas en arrière—mais il avança d’un, sans lui laisser l’espace qu’elle croyait vouloir.— « Tavrik… on ne devrait pas… »— « Ne mens pas. »Sa voix glissa contre sa peau comme une caresse profonde.Il tendit la main, effleura sa joue du dos des doigts.— « Tu brûles autant que moi. »Elle tourna la tête pour éviter son regard.Erreur.Il attrapa délicatement son menton entre ses doigts et la força à le regarder.
La porte se referma derrière Isalya avec un léger claquement. Le silence de son appartement la frappa aussitôt, contrastant violemment avec le brouhaha élégant de la soirée mondaine. Elle resta immobile quelques secondes, manteau encore sur les épaules, comme si son corps n’avait pas suivi son esprit. Son cœur battait encore d’une manière qu’elle refusait d’analyser.Elle posa enfin son sac sur la console de l’entrée, s'appuya contre le mur et souffla, longue respiration tremblante. Elle n’avait pas prévu que la soirée aurait autant d’effet sur elle. Ni Averon, ni Tavrik… elle n’avait prévu aucun des deux.— Qu’est-ce que je suis en train de faire…? murmura-t-elle.Son esprit revivait chaque minute de la soirée : le sourire insolent d’Averon, ses compliments prononcés avec une aisance presque dangereuse… Et puis Tavrik. Son regard lourd, brûlant, possédé, posé sur elle comme un rappel silencieux qu'il avait été le premier à susciter en elle ce mélange déroutant d’envie et de vertige.
La notification tomba sur son téléphone en plein milieu d’un tableau Excel.Un « ding » discret, mais qui la fit sursauter.« Gala Horizon — Invitation personnelle.Accès VIP.Vendredi, 20h.Tenue élégante exigée. »Isalya resta figée, le téléphone entre les doigts.Le Gala Horizon… l’un des événements les plus fermés du milieu financier et entrepreneurial.On n’y invitait pas des analystes.On y invitait des décideurs, des investisseurs, ou ceux qu’on voulait approcher.Elle se mordit la lèvre.— Très drôle… qu’est-ce que je ferais là-bas ?Elle ouvrit l’e-mail complet.Aucune mention de Tavrik.Aucun message implicite.Juste une invitation neutre, protocolaire, trop parfa
Le réveil sonna, mais Isalya resta quelques secondes immobile, les yeux ouverts, fixés sur le plafond blanc qui semblait encore vibrer des souvenirs de la veille. Elle tenta de respirer profondément, de chasser la brûlure qui la traversait au simple fait d’y repenser… mais le parfum de Tavrik était encore là, comme gravé dans sa peau.Elle se redressa avec lenteur, passa une main sur son visage et sentit immédiatement cette chaleur interne, ce trouble qui refusait de s’éteindre.La nuit qu’ils avaient partagée n’avait rien eu de raisonnable. Rien d’attendu. Rien qui correspondait à la femme disciplinée et équilibrée qu’elle avait toujours été.— C’est ridicule, murmura-t-elle en se levant.Ridicule de repasser en boucle chaque détail. Ridicule d’avoir laissé son cœur s’emballer. Ridicule d’avoir la sensation que sa vie venait de changer alors qu’il ne s’agissait que d’une seule nuit…Mais, au fond d’elle, une certitude murmurait : ce n’était pas qu’une nuit.Elle se dirigea mécaniquem
Le silence, d’abord.Un silence dense, presque tangible.Isalya resta longtemps immobile derrière la porte qu’il venait de franchir, la main toujours posée sur la poignée, le souffle court.Son appartement semblait soudain trop petit, trop rempli de lui.Son parfum, sa voix, son regard… tout vibrait encore dans l’air.Elle passa une main tremblante dans ses cheveux et tenta de reprendre contenance.Mais les pensées s’entrechoquaient dans sa tête, brouillant toute logique.Pourquoi était-il revenu? Et surtout… pourquoi son corps répondait-il encore à sa présence comme à un appel ?Elle soupira, se détourna de la porte et s’appuya contre le mur.Les minutes s’étiraient.Puis, presque malgré elle, elle marcha vers la fenêtre.Les lumières de la ville clignotaient dans la







