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Chapitre 7

Penulis: Petit Koï
Jeanne a regardé Clément et Claire se remettre de leur gêne en quelques secondes. Très vite, ils ont retrouvé leur aisance, parlant et riant avec leur partenaire comme si ce nouveau statut leur convenait parfaitement.

Ils allaient tellement bien ensemble.

Jeanne a pris une photo en silence. Puis, en se tournant pour partir, la petite épingle qu'elle gardait enfouie au fond du cœur s'est remise à piquer. Une douleur fine lui a serré la poitrine, jusqu'à lui picoter le nez.

« Jeanne ! »

Elle était sur le point de quitter le centre commercial quand une voix l'a appelée.

Elle s'est retournée. Sur l'escalator qui descendait, quelqu'un lui faisait de grands signes.

C'était son professeur !

Son ancienne prof du département de danse.

Élise Chabot.

« Madame Chabot ! »

La surprise a illuminé son visage.

Élise est descendue de l'escalator presque en courant et s'est avancée jusqu'à Jeanne. Elle lui a attrapé les deux mains, tout sourire.

« J'ai cru te reconnaître, je me suis dit : si j'appelle, c'est peut-être elle ! Et c'était bien toi ! Comment tu vas ? Ça fait cinq ans qu'on ne s'est pas vues. »

Le cœur de Jeanne s'est serré.

Cinq ans...

Et elle avait l'impression d'être devenue une coquille vide.

Avec quel visage pouvait-elle revoir sa prof ?

« Tu es pressée ? Si tu as un peu de temps, on peut aller prendre un café. »

Élise lui tenait toujours les mains, douce et chaleureuse.

Elle n'était pas pressée. Autrefois, elle aurait sûrement trouvé une excuse, trop honteuse, trop enfermée dans son propre silence pour revoir les gens du milieu de la danse.

Mais depuis qu'elle avait rouvert cet ancien album de vidéos, on aurait dit qu'une fissure s'ouvrait dans son ciel sombre.

Et à travers cette fissure, elle avait senti la lumière revenir.

Jeanne a hoché la tête.

« D'accord, Madame Chabot. »

Ses yeux se sont légèrement embués, sans qu'elle sache vraiment pourquoi.

Élise l'a entraînée vers un café au centre du rez-de-chaussée.

« Madame Chabot, les camarades, ils vont bien ? »

Cela faisait tellement longtemps qu'elle avait quitté ce monde-là.

Elle avait quitté tous les groupes, effacé tous les contacts, comme si cette partie de sa vie ne lui appartenait plus depuis longtemps.

Élise l'a observée avec une attention aiguë.

« Tu veux vraiment savoir ? »

Élise connaissait son histoire. La jeune fille qui devait être admise en master, et qui, du jour au lendemain, avait renoncé à sa place.

Elle s'en souvenait.

Elle était même allée jusqu'à Merazur pour la voir à l'époque.

Jeanne a hoché la tête avec force.

Alors Élise a commencé à parler.

Cinq ans...

Cinq ans suffisaient largement pour changer une vie.

Les anciens camarades de Jeanne avaient tous avancé. Certains avaient intégré une troupe de danse et étaient devenus solistes, d'autres étaient partis à l'étranger et avaient déjà obtenu leur doctorat, d'autres encore étaient restés à l'école, devenus professeurs à leur tour, transmettant leur passion à une nouvelle génération.

Chacun avait fait un pas décisif sur sa propre trajectoire.

Sauf elle.

Mais aujourd'hui, quelque chose avait bougé en elle. Elle le sentait.

À partir de maintenant, elle ne resterait plus à terre. Même si elle ne pouvait plus danser, elle trouverait sa place. Elle avancerait, coûte que coûte.

« Madame Chabot, moi aussi, j'ai enfin quelque chose à vous dire. »

Ses yeux la brûlaient, et elle avait l'impression de ne pas être à la hauteur des attentes de son enseignante.

« Je t'écoute. »

Le sourire d'Élise était exactement le même qu'autrefois.

Jeanne s'est penchée vers elle pour lui confier qu'elle allait partir étudier à l'étranger.

« Mais c'est formidable ! Je m'y attendais, tu sais. Mes élèves finissent toujours par se relever. »

Élise lui a serré les mains, émue.

« Et ça tombe bien : nous partons bientôt en tournée aux États-Unis.

Viens avec nous. Ça te fera du bien de voir autre chose, et tu t'habitueras un peu à la vie là-bas. »

« Mais... ma jambe... »

Elle n'était même pas sûre de pouvoir suivre le rythme. Danser, c'était impossible. Marcher, elle le faisait déjà plus lentement que les autres. Son master, elle l'avait choisi en théorie justement pour s'adapter.

« Il n'y a rien d'impossible ! »

La voix d'Élise est devenue ferme et sûre.

« Si tu n'avais pas eu cet accident, tu serais aujourd'hui dans la Compagnie des Jeunes Danseurs. Alors cette fois, tu viens quand même. Pas pour danser, pour donner un coup de main. Régie, coulisses, maquillage... ce que tu veux. »

Élise ne l'avait pas regardée comme quelqu'un de diminué.

Jeanne a souri sans le vouloir. Elle aimait qu'on ne la voie plus comme quelqu'un de faible. Elle ne pouvait plus danser, mais elle pouvait encore faire d'autres choses. Ce n'était pas parce que ses jambes étaient blessées qu'elle valait moins.

...

Le téléphone d'Élise a vibré juste après qu'elle a parlé. Elle a regardé l'écran puis a levé les yeux vers Jeanne.

« C'est mon mari. Ça te va s'il nous rejoint pour un café ? »

Jeanne a souri.

« Bien sûr que oui. »

Elle avait pourtant un peu peur. Cinq ans de vie fermée l'avaient coupée du monde et elle n'était plus habituée à rencontrer des inconnus. Mais il fallait bien qu'elle avance.

« Alors je lui dis de venir », a dit Élise en envoyant le message.

Jeanne n'aurait jamais imaginé que le mari d'Élise était en réalité le nouveau partenaire de Clément, celui qu'elle avait vu un peu plus tôt.

« Il est venu à Merazur pour ses affaires. Moi, je suis venue passer quelques jours avec lui. Je ne pensais pas te croiser ici, c'est une vraie surprise pour moi. »

Élise disait cela en présentant son mari, pendant que Jeanne voyait Clément, Claire et le mari d'Élise s'avancer vers leur table.

Ils ont fini par arriver devant elle.

Jeanne est restée assise. Elle a vu les visages de Clément et Claire se tendre d'un coup, comme s'ils ne savaient plus quoi faire.

Laurent Chabot, le mari d'Élise, a tiré une chaise.

« Venez, asseyez-vous. Voici ma femme, Élise Chabot. Elle enseigne la danse. Voici Monsieur Clément Weyland, mon partenaire sur ce projet. Et voici sa femme. »

Le mot « femme » a fait trembler la main de Clément. Claire n'osait plus bouger. Les deux fixaient Jeanne avec un mélange de tension et de panique.

Jeanne les a regardés calmement. Elle a souri, très légèrement.

« Jeanne, je te présente mon mari, Laurent Chabot » a dit Élise en se tournant vers elle. Elle a ensuite montré Jeanne du doigt en souriant. « Et voici mon étudiante. À l'époque, elle était la plus susceptible de gagner le Prix Étoile-Jeunesse »

En entendant le nom du prix, le regard de Clément s'est éteint d'un coup. Il a baissé les yeux, comme s'il voulait regarder les jambes de Jeanne.

Jeanne l'a vu. À ce moment-là, ses yeux à lui ne contenaient que de la douleur.

Bien sûr qu'il avait mal.

Si elle n'avait pas eu cet accident, il ne l'aurait jamais épousée. Et aujourd'hui, la femme à son côté aurait pu être sa vraie épouse.

« Madame Chabot, Monsieur Chabot... en fait, c'est moi qui... »

Jeanne a souri en parlant.

« Ah ! »

Claire a poussé un cri juste au moment où Jeanne allait continuer. Le son était aigu et coupait la phrase net.

Jeanne s'est arrêtée. Claire venait de renverser sa tasse de café, le liquide lui a coulé sur les mains puis sur le devant de son chemisier.

« Je... je suis désolée, vraiment, je suis désolée. »

Elle a attrapé des serviettes et s'est mise à essuyer à la hâte.

« Ce n'est rien », a répondu Élise en lui tendant d'autres serviettes, sans comprendre ce qui se passait.

Une simple tasse de café avait suffi à interrompre Jeanne.

Mais si Jeanne avait voulu continuer, est-ce qu'on aurait vraiment pu l'arrêter ?

En face d'elle, Clément a levé les yeux. Il lui a lancé un regard suppliant, a secoué doucement la tête et a articulé en silence :

« Ne dis rien. Ne dis rien. »

Jeanne, au fond, ne comptait pas vraiment tout avouer. Elle a juste lâché une demi-phrase pour le plaisir de voir Clément et Claire perdre complètement leurs moyens.

Dans ce petit café, certains étaient au bord de l'explosion et d'autres restaient parfaitement tranquilles.

Au moment où Jeanne prenait sa tasse, Élise a soudain remarqué sa main.

« Jeanne, tu portes une alliance ? Tu es déjà mariée ? Ton mari, c'est qui ? »

Cette question est tombée comme une bombe, et l'atmosphère a changé immédiatement. En face, Clément et Claire ont blêmi d'un coup.

Jeanne a baissé les yeux vers la main de Clément, posée près de sa tasse. Un sourire franchement ironique lui a effleuré les lèvres.

Lui, il ne portait jamais son alliance. Après la cérémonie, il l'avait retirée, puis elle avait simplement disparu, sûrement oubliée quelque part, à prendre la poussière depuis des années.

« Oui. Je suis mariée depuis cinq ans », a répondu Jeanne d'un ton calme. « Mon mari s'appelle Weyland. Oui... comme Monsieur Weyland. »

« Quel hasard... »

Clément s'est empressé d'ajouter. Le sous-entendu était évident : Arrête-toi là.

« Oui. Il travaille aussi dans les affaires, mais pas à l'échelle de Monsieur Weyland. »

Jeanne a pris une gorgée de café.

À travers le bord de sa tasse, elle a clairement vu Clément relâcher un souffle qu'il retenait.

« C'est une coïncidence incroyable. Tu n'auras qu'à l'inviter la prochaine fois, ton mari. On prendra un café tous ensemble », a proposé Laurent, très respectueux parce que Jeanne était l'élève d'Élise.

Le visage de Clément a changé une nouvelle fois.

Jeanne, honnêtement, a trouvé tout ça vraiment drôle. En cinq ans de mariage, Clément n'avait jamais montré autant d'expressions qu'en un seul après-midi.

Avec la tension qui montait, Clément ne tenait plus en place. Après quelques échanges, il a prétexté une affaire urgente pour partir.

Mais il ne voulait pas laisser Jeanne seule ici, il avait trop peur qu'elle raconte n'importe quoi. Il lui a lancé un regard appuyé pour qu'elle vienne aussi.
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