Le couloir du centre médical de Sunstown résonnait d’un calme étrange. L’écho des pas de Shelby résonnait sur le carrelage blanc, presque solennel. Elle avait dû insister auprès de ses parents pour venir. Son père n’était pas d’accord. Sa mère, silencieuse, n’avait rien dit, mais son regard parlait pour elle : Tu veux affronter la vérité ? Alors regarde-la en face.
Elle s'arrêta devant la porte 203. Derrière, le jeune homme qu’elle avait heurté. Cela faisait maintenant trois jours. Trois jours que son monde s’était écroulé. Trois jours de révélations, de malédictions, de visions étranges et de sensations incontrôlables. Trois jours de silence. Et pourtant, dans le chaos, une question ne cessait de hanter son esprit : qui était-il ? Et pourquoi, depuis cette nuit-là, elle se sentait étrangement… liée à lui ? Shelby inspira profondément, puis frappa doucement à la porte. — Entrez. Sa voix. Elle entrouvrit lentement. La lumière tamisée révélait une silhouette assise sur le lit, torse nu, des bandages sur l’épaule et le flanc. Il se retourna légèrement. Son regard croisa le sien. Des yeux d’un vert perçant, presque dorés, avec quelque chose de sauvage tapi derrière l’éclat humain. — C’est toi, dit-il simplement, comme s’il s’y attendait. Shelby referma la porte derrière elle. — Tu… tu vas bien ? Je suis venue m’excuser. Je… Il l’interrompit d’un geste. — Je vais mieux. Merci. Mais tu n’as pas à t’excuser. — Je t’ai heurté avec ma voiture. — Non. Il la fixa. C’est le destin qui nous a fait nous rencontrer. Tu ne comprends pas encore, mais tu comprendras. Un frisson parcourut l’échine de Shelby. — Qui es-tu ? Il sourit, un sourire triste. — Brade. Brade Narlston. Ce nom… Elle l’avait entendu quelque part. Mais où ? — Tu me connais ?, demanda-t-elle. — Pas encore. Mais je te connais. Depuis longtemps. Shelby recula légèrement, mal à l’aise. — C’est censé me rassurer, ça ? Brade se leva lentement. Malgré ses blessures, il dégageait une force tranquille. Un calme presque surnaturel. — Tu sens ce qui t’arrive, n’est-ce pas ? Les nuits, ton ouïe plus fine, les odeurs que tu perçois, les battements de cœur que tu entends ? Elle resta figée. — Comment tu sais ça ? — Parce que je suis comme toi. Et parce que tu viens d’entrer dans un monde qui te dépasse. Tu portes le gène. Et depuis l’accident, il s’est éveillé. Il s’approcha, mais pas trop. Comme s’il devinait son hésitation. — Je suis un loup-garou, Shelby. Et toi aussi. Elle recula d’un pas, les mains tremblantes. — Non… non… je refuse… — Tu peux refuser. Mais ça ne changera rien. C’est en toi. Et tôt ou tard, tu devras l’accepter. Ou ça te détruira. Le silence s’épaissit entre eux. — Mes parents… m’ont tout raconté. Enfin, presque. Et je les déteste de m’avoir menti. Brade hocha lentement la tête. — Les parents essaient de nous protéger. Ils pensent qu’en cachant la vérité, ils nous épargnent. Mais le monde, lui, ne ment pas. Il finit toujours par nous rattraper. Shelby s’assit sur la chaise près du lit, comme vidée. — Je ne comprends plus rien. Ce que je ressens, ce que je vois, ce que je deviens… Je perds la tête. Brade la regarda intensément. — Tu ne perds pas la tête. Tu trouves ta vraie nature. C’est dur, c’est violent, et c’est effrayant, je sais. Mais tu n’es pas seule. — Et pourquoi tu veux m’aider ? Tu ne me connais même pas. — Je t’aide parce que…, il hésita, comme s’il pesait chaque mot. Parce que ton nom, Shelby Elkson, appartient à une lignée ancienne. Une lignée liée à la meute fondatrice. Une lignée oubliée par les Hommes, mais pas par les nôtres. Shelby fronça les sourcils. — Tu veux dire que ma famille était… importante chez les loups ? — Pas seulement importante. Prophétique. Il marqua une pause. — La prophétie parle d’une louve née sous la Lune Sanglante, dont le sang mêlé sera la clé de la paix ou de la guerre. Et ce sang, Shelby… c’est le tien. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais rien ne sortit. Sa gorge était nouée. Son cœur battait si fort qu’il lui semblait qu’il allait éclater. Trop d’informations. Trop de choses à assimiler. Elle ne savait plus si elle devait hurler ou fuir. Brade s’approcha doucement et posa une main sur son épaule. — Je te protègerai, Shelby. Quoi qu’il arrive. Mais tu dois me faire confiance. Même si tout en toi te crie de faire le contraire. Elle releva les yeux vers lui. Et dans ce regard intense et sincère, elle vit quelque chose qu’elle ne s’attendait pas à trouver : de la douleur. Et une solitude familière. Peut-être n’était-elle pas seule après tout.Le vent hurlait à travers les pins, déchirant le silence de la nuit. La pleine lune, d’un rouge profond, dominait le ciel, baignant la clairière d’une lumière sanglante et inquiétante. Autour du grand feu de camp, la meute s’était rassemblée, formant un cercle presque sacré. Tous les regards étaient tournés vers Shelby. Depuis son initiation, elle avait appris à maîtriser certains aspects de sa nature. Mais ce soir, une nouvelle épreuve l’attendait. Une épreuve qui dépasserait tout ce qu’elle avait connu jusqu’ici. — Shelby Elkson, dit la voix grave de la vieille Mira, tu as franchi les premiers seuils, enduré les rites, affronté la peur et la douleur. Mais ce que tu ignores encore, c’est que tu portes en toi le sang de l’Alpha. Un murmure parcourut la foule. Brade serra la main de Shelby avec force, son regard brillant d’une intensité nouvelle. — Le sang de l’Alpha ? répéta Shelby, le souffle coupé. Mira hocha la tête. — Tu es la descendante directe de Rhelia, la première Alph
Le soleil venait à peine de se lever lorsque Shelby et Brade atteignirent le flanc sud de la montagne d’Eilnor. Le vent y était plus vif, chargé d’odeurs sauvages, de mousse, de cendres froides, et d’un parfum animal qui lui donnait des frissons. Shelby avait à peine dormi. Depuis les révélations de Brade dans la Crypte de Lune, une tempête secouait son esprit. Son destin, sa lignée, la Prophétie. Tout semblait irréel, comme un rêve mal digéré. Et pourtant, chaque battement de son cœur, chaque frémissement de sa peau lui rappelait que ce monde nouveau était bien le sien. Qu’elle le veuille ou non. — On y est, murmura Brade en s’arrêtant au bord d’un promontoire. En contrebas, un ensemble de chalets rustiques formait un demi-cercle au milieu d’une clairière. Certains étaient bâtis en bois massif, d’autres à même la pierre, fondus dans le décor. Des loups gris trottaient librement entre les arbres, observant leur arrivée avec une curiosité silencieuse. — C’est… ta meute ? souffla Sh
Les jours suivants se déroulèrent dans un calme trompeur. Shelby passait de plus en plus de temps avec Brade, à l’écart de Sunstown, dans les recoins oubliés de la forêt. Il lui enseignait à ressentir, à écouter, à observer. Mais aujourd’hui, il lui avait demandé de le rejoindre dans un endroit qu’elle ne connaissait pas encore. Plus profond. Plus sacré. Là où les secrets ne pouvaient être tus. Ils marchèrent en silence pendant une heure. La forêt se faisait plus dense, plus ancienne. Les arbres, gigantesques, semblaient murmurer en une langue oubliée. Shelby sentait son cœur battre plus fort. Une tension étrange l’habitait, comme si chaque pas la rapprochait d’une vérité qu’elle redoutait. Brade s’arrêta soudain devant une falaise étroite dissimulée par des buissons touffus. D’un geste fluide, il écarta les feuillages, révélant l’entrée d’une grotte obscure, creusée dans la roche comme une bouche béante. — C’est ici, dit-il. Shelby hésita. — Qu’est-ce que c’est ? — La Crypte de
Le ciel de Sunstown semblait s’être assombri depuis quelques jours, comme si la nature elle-même pressentait les changements à venir. La ville, pourtant animée d’ordinaire par les rires des enfants et les allées et venues des habitants, paraissait figée dans une attente invisible. Shelby, quant à elle, vivait chaque minute comme un entre-deux : entre ce qu’elle avait toujours cru être, et ce qu’elle soupçonnait devenir. Le souvenir de son accident de voiture restait vif, presque trop net. Elle se revoyait au volant, la pluie sur le pare-brise, les phares dans la nuit, le choc. Et ce regard. Celui de Brade. Féroce. Fuyant. Humain et pourtant... autre. Depuis qu’elle l’avait recroisé à l’hôpital, quelque chose s’était réveillé en elle. Une sensation étrange, comme une vibration intérieure chaque fois qu’elle était près de lui. Comme si leurs âmes parlaient un langage ancien, oublié. Ce matin-là, Shelby s'était levée plus tôt que d’habitude. La veille, Brade lui avait glissé un mot da
Le couloir du centre médical de Sunstown résonnait d’un calme étrange. L’écho des pas de Shelby résonnait sur le carrelage blanc, presque solennel. Elle avait dû insister auprès de ses parents pour venir. Son père n’était pas d’accord. Sa mère, silencieuse, n’avait rien dit, mais son regard parlait pour elle : Tu veux affronter la vérité ? Alors regarde-la en face.Elle s'arrêta devant la porte 203. Derrière, le jeune homme qu’elle avait heurté.Cela faisait maintenant trois jours. Trois jours que son monde s’était écroulé. Trois jours de révélations, de malédictions, de visions étranges et de sensations incontrôlables. Trois jours de silence.Et pourtant, dans le chaos, une question ne cessait de hanter son esprit : qui était-il ? Et pourquoi, depuis cette nuit-là, elle se sentait étrangement… liée à lui ?Shelby inspira profondément, puis frappa doucement à la porte.— Entrez.Sa voix.Elle entrouvrit lentement. La lumière tamisée révélait une silhouette assise sur le lit, torse nu,
Le silence de la nuit ne ressemblait plus à ce qu’elle connaissait.Chaque souffle du vent, chaque craquement de branche, chaque battement d’ailes dans l’obscurité semblait lui parler. L’univers entier s’était mis à chuchoter à son oreille, mais dans une langue qu’elle ne comprenait pas. Un langage ancien, instinctif, terrifiant.Shelby s’assit sur le bord de son lit, le dos voûté, les coudes sur les genoux, la tête entre les mains. Les rideaux étaient fermés, mais elle sentait la lune derrière eux, comme une pression dans sa poitrine. Elle avait essayé de dormir. En vain. Ses rêves n’étaient que cris, courses sauvages, sang, griffes, crocs.Elle n’était plus elle-même. Et c’était insupportable.Sa chambre, pourtant familière, lui semblait soudain étrangère. Les posters au mur, les livres, les bougies, les carnets de poésie — tout ce qu’elle avait été jusqu’à il y a quelques jours — paraissait dérisoire maintenant. Elle avait l’impression de jouer à être une humaine. De porter un masq