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Chapitre 4 - Ce que reflète le miroir

Auteur: Primso Fam
last update Dernière mise à jour: 2025-06-13 23:04:40

Quand j’ouvre les yeux, la lumière douce qui baigne la pièce semble me parler. Pas comme une voix, mais comme une caresse. Elle glisse sur les murs en pierre, effleure les rideaux pâles, se dépose sur mes bras nus.

Un instant, je crois avoir rêvé. Que tout cela - la forêt, les coups, le cachot, les mots du garçon aux yeux d’argent - n’est qu’un cauchemar passé. Mais dès que je bouge un peu, une douleur fulgurante me traverse la hanche et me ramène à la réalité.

Je suis encore ici.

Dans cette chambre qui ressemble à tout sauf à une prison.

Mon corps est lourd, engourdi. Ma peau tiraille, comme si chaque centimètre carré hurlait en silence. Pourtant, malgré la fatigue et les bleus, une seule envie s’impose à moi : me laver.

Je veux effacer cette sensation de saleté collée à moi, celle des jours passés à fuir, à être traînée au sol, à être battue. J’ai besoin de retrouver un peu de moi-même, même si je ne sais plus très bien ce que ça veut dire.

Je m’assois lentement sur le bord du lit. Mes jambes touchent le sol. Le tapis moelleux me surprend par sa chaleur. Je prends une inspiration.

Et je me lève.

Mon genou cède aussitôt.

Je titube, mon équilibre me fuit, la douleur explose dans ma hanche gauche. Tout devient flou. Je chancelle.

- Attention ! lance une voix grave et proche.

Des bras m’enveloppent avant que je ne touche le sol. Forts. Chauds. Inflexibles.

Kaël.

Il m’a rattrapée comme si je ne pesais rien. Son torse contre ma joue me paraît immense, rassurant, presque trop.

- Tu n’as pas à forcer. Tu es encore trop faible.

Je veux protester, lui dire que je peux marcher, que je ne suis pas une poupée fragile. Mais la vérité, c’est que je n’en suis pas capable.

Alors je reste là, blottie contre lui, honteuse et soulagée à la fois.

Il ne dit rien de plus. Il me porte dans ses bras, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde et m’emmène dans une pièce attenante.

La salle de bain est vaste, décorée avec un soin inattendu. Des étagères de bois clair, des serviettes impeccablement pliées, une grande baignoire encastrée dans la pierre. Tout respire la douceur.

Il me dépose doucement devant un miroir.

Je ne m’étais pas encore regardée.

Je m’appuie au lavabo, hésitante, puis lève les yeux.

Et je me fige.

Mon reflet me glace.

Mon visage est un champ de bataille. Un œil tuméfié, une joue gonflée, une lèvre fendue. Des griffures sur le cou, un bleu profond sur la tempe. C’est à peine si je me reconnais.

- Ce n’est rien, murmure Kaël dans mon dos. Son regard croise le mien dans le miroir. Tu vas guérir. Je te le promets.

Je détourne les yeux. Il ne comprend pas. Ce n’est pas que physique. Ce que je vois dans ce miroir, c’est tout ce qu’on a tenté de briser en moi. Tout ce que je ne suis plus sûre de pouvoir réparer.

Mais il ne me laisse pas sombrer.

Il me contourne et s’accroupit près de la baignoire. Il ouvre un robinet, règle la température, ajoute un sachet de plantes séchées à l’eau fumante. Une odeur apaisante s’élève dans la pièce.

- Je vais te laisser. Prends ton temps. Je reviendrai quand tu auras besoin de moi.

Il me tend une serviette propre, posée à portée de main, puis s’éclipse discrètement, sans insister, sans commentaire déplacé.

Je reste là un moment, simplement debout, regardant la vapeur monter.

Je me déshabille lentement, chaque geste m’arrache une grimace. Mes vêtements sont en lambeaux, froissés, tachés de sang séché, d’herbe, de boue. Je les repousse du pied. Ils ne sont plus qu’un souvenir de douleur.

Quand je glisse enfin dans l’eau chaude, je retiens un cri. Chaque blessure me brûle, mais je m’y abandonne. C’est une brûlure qui lave. Une brûlure qui guérit.

Je ferme les yeux et laisse les larmes couler. Pas de panique. Pas de cris. Juste ce soulagement lent, ce silence que je croyais avoir perdu.

Le temps passe, je ne sais combien. Quand l’eau commence à tiédir, je sors, m’enroule dans la serviette. Mais je reste figée. Mes vêtements sont inutilisables. Je ne peux pas les remettre. Je n’ai rien d’autre.

Et là, sans réfléchir, je pense à lui.

Kaël ?

C’est une pensée, un murmure mental. Une tentative absurde.

Et à ce moment précis, la porte s’ouvre.

Il est là. Une pile de vêtements pliés dans les bras.

Je sursaute.

- Je suis désolé, dit-il, en détournant les yeux aussitôt. Tu m’as appelé.

Je le regarde, stupéfaite.

- Je... je n’ai rien dit.

- Pas à voix haute, non, murmure-t-il. Mais je t’ai entendue.

Il dépose les vêtements sur une chaise, me tend une robe simple, ample et douce, puis ajoute en reculant vers la porte :

- Repose-toi. Tu es en sécurité ici.

Et il referme doucement la porte, me laissant seule.

Je fixe la robe qu’il m’a laissée.

Puis je m’assois, là, sur le rebord de la baignoire encore tiède, mon cœur battant plus vite.

Je ne sais pas ce qu’il est, ni pourquoi je me sens aussi troublée par ses gestes.

Mais ce que je sais, c’est que pour la première fois depuis longtemps... je ne me sens plus seule.

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