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Chapitre 5 - Comme un instinct de fuite

Author: Primso Fam
last update Last Updated: 2025-06-13 23:05:33

Je me réveille en sursaut. Mon cœur bat plus vite que nécessaire. Une lumière pâle filtre à travers les rideaux, signe qu’il fait encore tôt, mais le jour est déjà levé.

Cette fois, je n’ai pas mal.

Ou du moins, la douleur s’est transformée en une présence sourde, supportable. Mon corps n’est plus cette masse brisée qu’il était la veille. Mes muscles sont lourds, mais ils répondent. Et dans ma poitrine, quelque chose a changé. Pas de la confiance. Pas encore. Mais une sorte de lucidité. Une urgence.

Je ne peux pas rester ici.

Je me redresse dans le lit, doucement, à l’écoute du silence. Le bois craque à peine sous mes mouvements. Je pose les pieds au sol, enfile les vêtements que Kaël m’a laissés la veille et m’approche de la fenêtre.

La forêt. Immense. Dense. Vivante. Le même endroit qui m’a avalée. Mais ce matin, au lieu d’y voir une menace, j’y vois une sortie. Une possibilité.

Je ne sais pas ce qu’ils attendent de moi. Je ne comprends rien à ce qu’est un « loup-garou ». Ce mot, je l’ai entendu, je l’ai deviné dans leurs regards, dans cette tension animale que certains d’entre eux dégagent. Et puis ce lien étrange avec Kaël. Ce mot, mate, qu’il a prononcé. Comme une évidence.

Mais moi, je n’ai rien demandé. Je veux une vie normale. Simple. Pas des crocs, des meutes ou des instincts. Je veux du silence. De la paix.

Et surtout, je ne veux pas appartenir à qui que ce soit.

Je me lève, déterminée à trouver une sortie. Mais avant de me risquer dehors, je dois d’abord comprendre la configuration du lieu. Repérer une porte, une issue. Peut-être même de la nourriture, de quoi reprendre des forces avant de partir.

En descendant les marches, je découvre un long couloir, puis un espace ouvert. Une grande pièce inondée de lumière : la cuisine. Spacieuse, rustique, aux murs de pierre claire et aux poutres massives. Sur le comptoir, un panier de fruits, du pain, des bocaux. L’odeur du café flotte dans l’air.

Et autour de la grande table, trois hommes.

Le premier, je le reconnais tout de suite. Kaël. Assis, une tasse entre les mains, le dos droit, les yeux rivés sur la porte comme s’il m’attendait. Ou m’avait senti arriver.

Le deuxième, je le reconnais encore plus vite.

Tharen.

Mon estomac se serre.

Il est là. Vêtu d’un simple t-shirt noir, une bande blanche enroulée autour de son bras. Son visage est marqué d’un hématome sur la tempe. Un coin de sa lèvre est ouvert.

Je m’arrête net. Mon souffle devient plus court.

Et le troisième... inconnu. Blond, une barbe fine, des yeux rieurs. Il porte un pull trop grand et un sourire facile.

- Bonjour, fait ce dernier en se levant aussitôt. Alors, c’est toi la fameuse rescapée ? On dirait que t’as survécu au monstre ici présent, dit-il en désignant Kaël du menton avec un clin d’œil.

Je reste muette. Mes yeux vont de Tharen à Kaël, puis au blond, qui continue :

- Moi, c’est Ewan. Et toi, c’est comment ? Je suppose que t’es la nouvelle petite amie de notre Alpha ?

Je cligne des yeux, déstabilisée. Ce ton léger, presque moqueur, me dérange autant qu’il me rassure.

Je m’apprête à répondre un « non » sec quand Kaël se lève, brusquement.

En trois pas, il est devant moi.

- Elle m’appartient, dit-il d’une voix calme, mais dure. Ce n’est pas une conquête. C’est ma mate.

Ses bras se referment autour de mes épaules.

Mon souffle se bloque.

Je ne sais pas quoi dire. J’ai envie de le repousser. Et en même temps… son contact me stabilise. Me protège. Contre quoi ? Je n’en suis pas certaine.

Tharen, de son côté, baisse les yeux, mais je sens sa mâchoire se crisper.

Un silence tendu s’installe.

Ewan, un peu pris au dépourvu, lève les mains en signe d’apaisement.

- D’accord, d’accord. Pas touche. Message reçu.

Kaël se tourne vers lui, sans me lâcher.

- Tu es mon ami, Ewan. Je te le rappelle parce que j’espère que tu tiens à le rester.

Il n’a pas levé la voix, mais le message est clair.

Je reste figée dans ses bras, paralysée par un mélange d’émotions. J’ai envie de hurler que je ne suis pas un objet. Qu’on ne m’appartient pas. Mais mon corps, lui, tremble. À cause de Tharen. À cause de son regard. Pas menaçant. Mais humilié. Rancunier. Et surtout… blessé.

Je remarque enfin la profondeur de ses plaies. Son bras gauche semble mal en point. Une ecchymose marque son cou.

Je murmure, sans réfléchir :

- C’est vous qui lui avez fait ça ?

Kaël reste silencieux quelques secondes. Puis :

- Il a dépassé les bornes.

Je comprends. Il a été puni.

Pour moi.

Mon cœur bat plus fort. Je ne sais pas si c’est de la gratitude ou de la peur. Je recule d’un pas, assez pour m’extirper de son étreinte.

- J’ai juste faim, dis-je, sans croiser leurs regards.

Kaël acquiesce. Il s’écarte, tend le bras vers la table.

- Assieds-toi. Tu es libre.

Libre ? Ce mot sonne bizarrement dans cette pièce où chacun semble peser chacun de mes gestes.

Je m’assois en silence, sans toucher aux fruits. Ewan me sourit à nouveau, plus timidement. Tharen ne dit rien. Il garde les yeux baissés, les poings fermés.

Et Kaël, debout derrière moi, veille. Immobile. Mais tendu.

Comme si j’allais encore m’enfuir. 

Et peut-être que c’est exactement ce que j’ai l’intention de faire.

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