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Chapitre 2

Author: Blanche Boule
Les parents d’Odile étaient morts lorsqu’elle était encore très jeune.

Sur la page du journal jauni, une brève captivait encore son regard : « La dame d’une famille riche souffrait de troubles mentaux, et, alors que son mari dormait, elle l’a sauvagement tailladé des centaines de fois, avant de se pendre, laissant derrière elle une fille orpheline de cinq ans. »

Cette petite orpheline, c’était elle.

Les mois d’hiver, elle se cachait dans l’armoire, en pyjama, osant à peine sortir malgré le froid mordant qui la paralysait. Parfois, elle perdait connaissance, emportée par le gel. C’était Clément qui la retrouvait toujours.

« Odile, sois calme, n’aie pas peur, je suis ton oncle, je suis là. Personne ne te fera de mal. »

Elle se blottissait dans ses bras, trouvant un instant de sécurité dans la chaleur de sa présence.

Clément l’avait recueillie, probablement bouleversé par son histoire tragique, et l’avait presque gâtée. Il lui offrait tout ce qu’elle souhaitait, même l’impossible. Même une étoile dans le ciel, il la lui donnerait si elle le demandait.

Le drame de la mort de ses parents laissait derrière elle une ombre lourde, un vide psychologique qu’Odile ne parvenait pas à combler. Au moment où Clément l’avait prise sous son aile, elle était une âme fragile, un être totalement dépendant de lui. Tout ce qu’il faisait, elle le suivait sans poser de question, incapable de le quitter ne serait-ce qu’une minute. Lorsqu’il disparaissait de son champ de vision, la panique s’emparait d’elle.

Une nuit, alors que la paix semblait régner sur la ville, Clément était monté sur le toit avec elle dans ses bras. Il lui avait montré l’étoile la plus brillante dans le ciel nocturne et, avec un sourire doux, il avait dit : « Odile, regarde cette étoile, je te l’ai achetée. »

Il lui avait tendu un petit certificat symbolique, un document prouvant que l’étoile appartenait désormais à Odile. Puis, en lui pinçant doucement le nez, il avait ajouté avec tendresse : « Désormais, cette étoile te protégera, même quand je ne serai pas là. »

Odile s’est tournée vers la fenêtre, espérant apercevoir cette étoile. Elle a écarté les rideaux, mais le ciel était couvert de nuages. L’étoile avait disparu. Le lendemain matin, son téléphone a sonné. C’était le responsable de l’équipe de recherche sur la cryogénisation des êtres humains, l’invitant à se rendre à l’hôpital pour un bilan médical.

« Ce n’est pas nécessaire, n’est-ce pas ? », a demandé Odile, son sourire teinté de tristesse. À quoi bon ? Elle savait que, quoi qu’il en soit, le cancer ne disparaîtrait pas, même après un million d’examens.

« Mme Ramus, il est impératif que nous déterminions la meilleure méthode de congélation et le moment idéal en fonction de votre état physique. Nous devons aussi maximiser vos chances de survie. S’il vous plaît, coopérez. »

Odile, sans réelle raison de refuser, a acquiescé et s’est rendue à l’hôpital.

Après une longue journée d’examens, lorsque tout était terminé, le responsable lui a tendu une pile de documents : « Voici les informations sur la cellule réfrigérante pour le corps, les lieux pour la conserver. Vous pouvez les consulter si vous le souhaitez. »

Odile a accepté les papiers sans un mot, les serrant contre elle comme une dernière pièce de son existence. En rentrant chez elle, elle a senti son cœur s’emballer en voyant les lumières allumées dans le salon. Clément était-il de retour ?

Elle savait qu’il l’avait traitée de manière cruelle, mais malgré tout, son désir de le voir restait intact.

En se calmant, elle s’est dirigée vers le salon, mais ce qu’elle y a trouvé a dépassé de loin ses attentes : Karine, vêtue d’une chemise de nuit en soie, l’a accueillie chaleureusement.

« Odile, tu es de retour ? Tu as dîné ? Clément est en cuisine, dis-moi ce que tu veux, je lui demanderai de te préparer quelque chose. » Son ton, si effacé de toute gêne, rappelait celui d’une maîtresse de maison.

Une vague d’aigreur a traversé le cœur d’Odile. Elle a secoué la tête, prête à dire qu’elle n’avait pas faim, mais avant qu’elle n’ait pu parler, Clément est arrivé, portant un plat préparé.

« Tu arrives à point nommé », a-t-il dit en posant le plat sur la table, « Karine et moi, nous sommes fiancés. À partir de maintenant, elle est la maîtresse de cette maison, et c’est elle qui s’occupera de tout ici. »

Odile a baissé la tête, répondant d’une voix étranglée : « Je sais. »

Clément s’attendait à ce que la scène tourne mal, à ce qu’Odile explose, mais à sa grande surprise, elle a accepté la situation avec un calme qui l’a surpris.

« Ne sois pas si sérieux, tu fais peur à Odile », est intervenue Karine, « allez, oublie tout ça. Mangeons. »

Elle a saisi alors la main d’Odile et l’a conduite vers la salle à manger. Dans un geste rapide et inattendu, Karine a tiré Odile vers elle, et dans la confusion, les documents qu’elle tenait dans les mains sont tombés au sol.

Clément, froncé de sourcils, s’est penché pour ramasser un papier. Lorsqu’il l’a tourné, son regard s’est figé sur le dessin d’une cellule réfrigérante. Il s’est redressé brusquement et a demandé d’un ton glacé : « Qu’est-ce que c’est que ça ? »

Malgré la nervosité qui bouillonnait en elle, Odile a essayé de garder son calme. Elle n’a pas bougé, s’est contentée d’expliquer avec une tranquillité feinte : « Ce sont des esquisses pour un projet que j’ai fait pour mon devoir de vacances d’été. Le professeur nous a demandé de concevoir un produit librement. J’ai choisi de dessiner un cercueil de cristal qui protégerait le corps de la décomposition, et j’ai trouvé des informations en ligne pour m’en inspirer. »

Elle avait 18 ans et étudiait le design à l’université, une explication parfaitement plausible.

Mais Clément n’a pas semblé convaincu. Son regard est resté aussi sombre que l’obscurité de la nuit : « Odile, tu es folle ? »

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