Logan
Tasha et Cassy quittent la pièce, laissant derrière elles un silence lourd. Mon cœur bat la chamade. Comment lui dire ce que je viens de découvrir ? Eddy s’approche de moi, ses yeux trahissant son inquiétude.
— Loghan, qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il, posant une main rassurante sur mon épaule.
Je prends une profonde inspiration, sentant l’adrénaline monter.
— Eddy, je... Cassy est spéciale. Bien plus que ce que je pensais. Elle est... ma compagne.
Eddy fronce les sourcils, ne comprenant pas.
— Mais elle est humaine, Logan. Comment c’est possible ? Qu’ a dit ton loup?
Je secoue la tête, frustré.
— Néos en est sûr. Il la veut, d’une manière viscérale, primaire, sans compromis. C’est plus qu’une attirance. J’ai dû lutter contre lui et l’empêcher de prendre le contrôle pour ne pas qu’il se jette sur elle.
Je ferme les yeux un instant, et repense à son odeur enivrante de miel et de rose. Je sens son impatience vibrer dans mes veines. Il tourne en rond dans ma tête, furieux que je le retienne. Pour lui, c’est déjà décidé : Cassy est sienne. Peu importe qu’elle soit humaine, peu importe qu’elle ignore tout de notre monde. Elle est à nous. À moi.
Ma mâchoire se contracte, mon corps tout entier tendu dans cet effort de maîtrise. À ce moment précis, la porte s’ouvre brusquement. Me Swan entre, son regard sérieux balayant la pièce.
— Loghan, Eddy. Cassy est-elle instalée? Êtes-vous prêt ? — demande-t-il, sa voix empreinte d’une gravité inhabituelle.
J’acquiesce, et nous nous dirigeons vers la salle à manger. Je sens son parfum avant même qu’elle n’ouvre la porte. Ce mélange de miel et de rose, doux et envoûtant, s’accroche à mes sens, m’empoisonne d’une faim viscérale. Puis elle apparaît. Elle est magnifique. Trop belle. Trop tentante. Ses longs cheveux blonds tombent en cascade sur ses épaules, des mèches soyeuses qui captent la lumière et la renvoient en éclats dorés. Ses yeux vert en amande me scrutent avec une intensité troublante, comme si elle lisait en moi sans même en avoir conscience. Son petit nez retroussé lui donne un air à la fois mutin et délicat, un équilibre parfait entre l’innocence et la provocation. Et puis sa bouche… Mon regard s’y attarde un peu trop longtemps. Des lèvres pleines, charnues, dessinées pour être embrassées, mordues. Mon loup gronde dans mon crâne, avide, furieux de la distance que je m’impose. Son corps est une tentation à lui seul. Des formes généreuses, une courbe de hanche qui appelle mes mains, une poitrine qui se soulève au rythme de sa respiration, juste sous mon nez. Je lutte pour garder mon calme et serre les points. Me Swan prend place à la table, une enveloppe à la main. Il nous invite à nous assoir.
— Mlle Read, Henry a laissé une lettre à votre intention. Elle explique certains… secrets. C’est assez délicat. Voulez-vous la lire maintenant ?
— J’ai la tête qui tourne. S’il vous plaît, dites-moi ce qu’il y a à savoir, j’en ai assez de tous ses mystères.
Je la regarde avec tendresse.
—Tout ne sera pas facile à entendre, je préfère vous prevenir.
Me Swan ouvre l’enveloppe et commence à lire. Sa voix est claire, chaque mot résonne dans la pièce.
Ma douce Cassy,
Si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis plus là pour veiller sur toi. Je suis désolé. Désolé de t’avoir caché la vérité, désolé de t’avoir laissé affronter tout cela seule. J’aurais voulu être à tes côtés pour t’expliquer chaque chose, mais le destin en a décidé autrement.
Je ne t’ai pas seulement aimée comme une fille, je t’ai protégée de forces que tu ne pouvais pas encore comprendre. J’étais l’Alpha de la meute Blackwood, et maintenant, Logan en est le chef. Il t’aidera, il t’aimera comme tu le mérites, mais tu dois aussi être forte.
Tes parents n’ont pas eu un accident. Ils ont été assassinés. Ils savaient quelque chose, quelque chose qui te concerne. Tu es la clé, Cassy. Il existe un savoir ancien qui se transmet depuis des siècles et qui repose en toi. Certains voudront t’utiliser, d’autres voudront te détruire. Kael est réveillé, et il te veut auprés de lui. Ne fais confiance qu’à Logan.
Trouvez Elias Morgan. Il était un ami de tes parents, un sorcier indépendant qui n’a jamais pris parti dans les guerres de clans. Il a les réponses que tu cherches. Il sait ce que tu es et ce que cela signifie. Trouve-le. Il est peut-être le dernier à pouvoir t’aider.
Le danger rôde déjà, il peut être caché parmi nous. Ne baisse jamais ta garde. Mais surtout, n’oublie jamais que, quoi qu’il arrive, tu es forte. Tu es capable de bien plus que tu ne le crois.
Avec tout mon amour,
Henry
Un silence pesant s’installe. Cassy éclate de rire.— Vous vous moquez tous de moi ? — demande-t-elle, confusée.
Je serre les dents, réalisant qu’elle ne comprend pas encore.
— Ce n’est pas une blague, Cassy. Henry a été assassiné par des loups-garous fidèles à Kael. Ils veulent le réveiller, et ils te veulent toi. Une guerre se prépare.
Ses yeux s’élargissent de terreur.
— Ok je suis tombée chez des fous.
Paniquée, elle se lève brusquement et se dirige vers la porte.
Je me lève à mon tour, tentant de la retenir.
— Cassy! Reflechis ! Pourquoi n’as-tu aucun souvenir d’avant tes 6 ans? Je comprends ta colère. Mais il faut nous croire. Tes parents sont morts en empéchant des sorciers de libérer Kael.
— C’est absurde. Tout le monde m’a toujours dit que…
— C’était pour te protéger. On t’a menti pour t’épargner un danger bien plus grand.
Ses mains tremblent. Elle n’arrive pas à assimiler. C’est trop. Beaucoup trop.
— Vous êtes en plein délire! C’est qui ce Kael? Des loups garou? Sérieusement? Je suis une journaliste o.r.d.i.n.a.i.r.e, pas un personnage de conte ou je ne sais quoi.
Me Swan s’avance vers elle.
— La guerre a déjà fait des ravages. Vos parents, Evlyne et Nathaniel, se sont sacrifiés pour éviter que Kael, ne mette la main sur vous. Maintenant qu’Henry est parti, vous êtes exposée. Vous devez faire confiance à Loghan.
Elle recule d’un pas, les larmes lui montant aux yeux. Ses jambes flageolent.
— Assez. Je… j’ai besoin de prendre l’air. Laissez-moi tranquille.
Elle sors de la pièce comme une furie, sous nos regards impuissants.
— Cassy attend!
Mais elle ne m’écoute pas. Elle se précipite dans le jardin vers les bois adjacents, disparaissant rapidement dans l’obscurité. Mon cœur se serre. Je veux la suivre, la protéger, mais Eddy intervient.
— Logan, laisse-la respirer. Elle a besoin de temps.
Je regarde Eddy, hésitant.
— Mais elle est en danger, Eddy. Si elle part, je ne sais pas où elle ira.
Eddy pose une main ferme sur mon épaule.
— Il faut lui laisser l’espace nécessaire de prendre ses propres décisions. Elle ne peut pas fuir bien loin.
Je hoche la tête, bien que mon esprit soit en proie au chaos. Me Swan s’avance, son regard empreint de compassion.
— La prophétie ne peut pas attendre.
Je prends une profonde inspiration, rassemblant mon courage.
— Tu as raison. Nous devons agir rapidement. Pour Cassy, pour notre meute.
Eddy acquiesce. La nuit tombe sur Forks Wood, et l’air est chargé d’une tension palpable. Je sais que notre lutte ne fait que commencer.
CassyJe sors en trombe de la maison, l’air glacial de la nuit me fouette le visage. Mon cœur bat à tout rompre, mes jambes tremblent, mais je n’arrête pas. Chaque fibre de mon être hurle de fuir cet endroit. Tout semble irréel : loups-garous, prophétie, mes parents… Mon esprit tourne comme une toupie incontrôlable. Je suis en plein délire. Le gravier crisse sous mes bottines alors que je traverse le jardin à grandes enjambées. Quelques gardes me jettent des regards furtifs, mais personne ne bouge. Tant mieux. Je n’ai pas besoin de me battre pour ma liberté. Et puis c’est quoi cette histoire de garde! Il faut que je quitte cette endroit. Je m’enfonce dans la forêt. La lumière douce de la maison disparaît derrière moi, remplacée par une obscurité oppressante. Les arbres sont gigantesques, leurs branches enchevêtrées créant un plafond vivant au-dessus de ma tête. L’air est lourd, saturé d’une odeur de mousse humide et de bois. Les bruits de la nuit m’encerclent : le bruissement des feui
CassyJe me réveille en sursaut, mon corps encore engourdi. Un rayon de lumière filtré par les rideaux caresse doucement mon visage. Il me faut quelques secondes pour me rappeler où je suis. Logan est toujours là, assis dans le fauteuil face à moi. Il est appuyé contre l’accoudoir, son menton dans la paume de sa main, ses yeux bleus scrutant l’horizon invisible vers l’extérieur. Une partie de moi veut lui parler, poser mille questions, mais une autre hésite. Comment fait-il pour dégager une telle sérénité tout en me rendant folle intérieurement ? Je bouge légèrement, et son regard glisse immédiatement vers moi, attentif.— Tu devrais encore dormir, murmure-t-il.— Je vais bien, dis-je d’une voix rauque.Il arque un sourcil. Je sens qu’il ne croit pas une seconde à ma tentative de bravade. Moi non plus, d’ailleurs. Mon épaule me lance encore, et mon corps est lourd comme si j’avais traversé un champ de bataille. Ce qui, techniquement, n’est pas totalement faux.— Aria a dit que tu devr
CassyJe reste assise sur le bord du lit, fixant la porte. L’envie de fuir me ronge, mais ma raison me retient. Cette fois, je sais que courir serait inutile. Où irais-je ? La poignée de la porte tourne soudain, brisant mes pensées. Je me redresse instinctivement, prête à affronter… je ne sais quoi. Mais ce n’est que Tasha. Elle entre doucement.— Je me suis dit que tu aurais besoin de compagnie, dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant.Elle s’assied à côté de moi, silencieuse au début, puis elle me regarde avec cette douceur qui semble lui être naturelle.— Cassy, je sais que tout ça est… beaucoup à encaisser. Et que tu ne fais confiance à personne ici. Mais tu n’es pas seule. On est là pour toi.Je suis incapable de répondre. Est-ce que je peux leur faire confiance ? Est-ce que je veux ? Je lève les yeux vers elle, cherchant une réponse dans son regard. Tasha pose une main sur mon genou, son sourire empreint d’une tendresse sincère.— Parfois, ce n’est pas nous qui choisisso
CassySon nom claque dans l'air, éveillant quelque chose en moi. Une peur sourde mêlée à une curiosité dangereuse.— Un sorcier ? Que veux-tu?Un rire suave s'échappe de ses lèvres.— Disons que j'ai attendu ce moment depuis longtemps. Et que le destin a enfin décidé de nous réunir.Il avance d'un pas supplémentaire, et cette fois, je ne recule pas. Une part de moi veut fuir, une autre refuse de bouger.— Cassy... Tu es plus importante que tu ne le crois. Et tu as besoin de moi.Son sourire s'élargit, sombre et fascinant.— Laisse-moi te montrer qui tu es.Un grognement profond interrompt l'instant. Je sursaute et tourne la tête. Logan est là, à quelques pas de nous, torse nu, son corps encore marqué par le combat. Ses yeux, d'un bleu intense, fixent Daemon avec une hostilité brûlante.— Tiens, tu es revenu, lâche-t-il d'un ton tranchant.Daemon ne cille pas, un sourire amusé flottant sur ses lèvres.— Je vois que tu n'as pas changé, Logan. Toujours aussi... protecteur.Logan se place
Les semaines ont passé. J’ai laissé derrière moi mon ancienne vie à New York. J’ai démissionné du journal, un départ précipité qui a rendu Dimitri anxieu. Il m’a appelée encore et encore, exigeant des explications, mais je ne pouvais pas lui dire la vérité. Alors j’ai menti. Charlotte aussi, je lui cache tout, et à chaque mensonge que je prononce, une douleur sourde me serre le cœur. Mais je n’ai pas le choix, c’est pour la protéger.Ce matin, comme tous les autres, je sors de la douche, enfile un legging et un débardeur, puis attache mes cheveux en un chignon rapide. Mes muscles sont endoloris, mes bras marqués de bleus, mais je m’accroche. L’entraînement avec Logan est difficile, éprouvant, mais j’apprends vite. Je descends dans le jardin où il m’attend, torse nu, la peau luisante sous le soleil du matin. Je ne peux m’empêcher de le regarder, et il le remarque.— Tu devrais te concentrer, murmure-t-il avec un sourire en coin.— Tu dois être plus rapide, grogne-t-il en me repoussant
La nuit tombe sur Forkswood, et la maison s’apaise enfin après une journée de tension et d'entrainement. Le dîner réunit tout le monde dans la grande salle à manger, éclairée par des chandeliers vacillants. L’ambiance est animée, mais un soupçon de nervosité flotte encore dans l’air. Tasha s’installe à côté de moi, un sourire complice aux lèvres.— Tu es bien silencieuse ce soir, Cassy. Quelque chose te tracasse ?Je joue distraitement avec ma fourchette avant de soupirer.— Juste… tout ce qui se passe. J’ai l’impression d’être prise dans un tourbillon sans savoir où je vais atterrir.— Tu ne crois pas que tu es en train de trouver ta place ici ?Je relève les yeux vers elle. Tasha a toujours ce regard doux mais perçant, capable de lire à travers moi. Je veux lui dire que je ne sais plus où est ma place, que je me perds entre Logan et Daemon, entre mon passé et ce futur incertain. Mais au lieu de ça, je hoche simplement la tête. Eddy, assis en face de nous, lève son verre.— À notre n
LoganNous avons quitté Forkswood à l’aube, un petit groupe composé de guerriers expérimentés, Cassy, Daemon et moi-même. Avec nous, Tasha, qui refusait de rester en arrière et dont les talents de guérisseuse pourraient s’avérer indispensables. Julien, un éclaireur agile qui connaissait la forêt mieux que quiconque, et Sarah, une louve redoutable au tempérament aussi tranchant que ses griffes.L’air était glacial, et le silence pesait sur chacun de nous. Chacun savait que cette mission ne serait pas une simple excursion. Je pouvais sentir la tension dans les épaules de Cassy, voir la détermination dans ses yeux. Elle voulait des réponses, et nous allions peut-être enfin les obtenir.Nous roulons plusieurs heures à travers la forêt de Six Rivers, serpentant sur des routes sinueuses bordées d’arbres immenses. Les séquoias se dressent comme des piliers millénaires, leurs troncs massifs formant un tunnel naturel au-dessus de nous. La lumière du matin filtre à travers le feuillage dense, p
LoganLe lendemain, après une nuit courte et agitée, nous reprenons la route à l’aube. Le feu s’est éteint depuis longtemps, et l’humidité matinale rend l’air encore plus pesant. La tension est palpable. Personne ne parle vraiment, chacun se préparant mentalement à ce qui nous attend.— Il nous reste une bonne heure de marche, dis-je en resserrant les sangles de mon sac. Nous allons remonter la rivière. Elias devrait se trouver dans un ancien hameau abandonné, un peu plus haut.Les autres acquiescent en silence. Nous progressons en file indienne, longeant le cours d’eau dont le bruissement accompagne nos pas. Le paysage est sauvage, majestueux. Des arbres centenaires s’élèvent autour de nous, leurs racines déformant le sol accidenté. L’air est chargé d’odeurs de terre humide, de sève et d’écorce brûlée par le soleil.Là-bas, dans l’ombre des montagnes, se dessine notre destination. Les ruines d’un ancien hameau apparaissent entre les troncs massifs, envahies par la végétation. Des bât
Les flammes ont rongé Eddy jusqu’au dernier éclat d’os. Son corps n’est plus qu’un tas de cendres, balayées par le vent. Pas de pierre tombale. Pas de mots. Seulement le feu. Nous reprenons la route. La neige crisse sous nos pas. Le vent s’est calmé, mais l’air reste lourd. Comme si la montagne attendait quelque chose de nous. Comme si elle savait. Jonah s’arrête le premier. Il désigne du menton un point plus haut, à flanc de roche, là où deux grands sapins tordus encadrent une ouverture sombre.— C’est là, souffle-t-il.On s’approche. Le cœur battant trop fort. Le souffle court. Et soudain, sans prévenir, le temps s’arrête. Plus un bruit. Plus un mouvement. Les flocons suspendus dans l’air, immobiles comme des perles de verre. Et devant l’entrée de la grotte, il est là. Ezra. Drapé d’une tunique sombre, la peau pâle comme la neige autour de lui. Ses cheveux gris roulent sur ses épaules. Ses yeux — noirs, insondables — croisent les miens. Il tend la main vers moi. Sans un mot. Je fai
(Cassy)Une chape de silence pèse sur notre groupe. Le corps de Milo a été laissé à l’orée du sentier, enseveli sous des pierres, une stèle de fortune dressée sous un pin. Nous marchons, un pas après l’autre. Le vent cingle, les flocons se transforment en lames, la montagne rugit dans un murmure continu. La tempête n'est plus une menace — elle est une réalité. Jonah nous fait nous encorder. Par sécurité, dit-il. Mais personne n’est dupe. Ce n’est pas que la montagne qu’ils redoutent.— Allez, on reste groupés. Pas de prise de risque, pas de bravade, martèle-t-il.Eddy, au bout de la file, marmonne tout bas. Des phrases inintelligibles. Son souffle court, saccadé. Il rit parfois. Se parle. Il tourne la tête brusquement, comme si quelqu'un était là, juste derrière lui.— Elle est fière de moi, dit-il à voix haute.Personne ne répond. La visibilité s’effondre. Jonah crie des ordres, tente de garder tout le monde ensemble. Les cordes tirent, les bras se tendent, chacun s’agrippe à son vo
(Cassy)Le ciel s’embrase à l’horizon. Une déchirure d’or et de rose dans le bleu encore somnolent de la nuit. La montagne, elle, reste là, monumentale, impassible, drapée dans ses reflets de cuivre, comme si le soleil lui-même ne pouvait que la caresser du bout des doigts sans vraiment l’atteindre.On marche en silence, sacs vissés aux épaules, bottes battant la terre rouge des sentiers. L’air est vif, piquant, saturé de résine et de cette odeur minérale propre aux hautes altitudes. Chaque pas soulève un peu de poussière, un peu d’histoire. Autour de nous, les pins montent la garde, vieux soldats centenaires, les troncs torsadés par le vent.Eddy ferme la marche, le regard bas. Depuis le départ, il ne dit rien. Il avance, mais sans être vraiment là. Ses pas sont ceux d’un somnambule.Jonah, quelques mètres derrière moi, ralentit, s’approche. Il ajuste son sac, penche la tête vers moi sans me regarder.— Tu l’as vu, toi aussi, hein ? Eddy… il déconne.Je hoche la tête. Loghan, plus lo
(Cassy)L’aube est pâle, presque silencieuse, comme si la forêt elle-même retenait son souffle. Forks Wood dort encore, mais la meute est déjà là. Alignés, en silence, sur le parvis de la maison. Ils ne parlent pas. Ils regardent. Je serre contre moi mon sac à dos. Autour de nous, tout semble figé, suspendu. Eddy s’avance, le regard voilé. Il se retourne vers la fôret un instant. Il murmure quelque chose que je ne comprends pas, puis monte sans un mot dans le 4x4. Nous quittons la maison sans un bruit. Vernius a tenu à prendre le volant. À ses côtés, Sarah ne dit pas un mot, les bras croisés, l’air fermé. Je m’installe à l’arrière avec Loghan. Aria suit dans un autre véhicule, accompagnée de Lior, Savi, Alta et Milo. Eddy, jusque-là silencieux, se met soudain à rire tout bas, comme s’il comprenait une blague privée. Puis il murmure :— Je l’entends, vous savez… Elle m’appelle parfois. Dans mes rêves. Parfois elle rit. Parfois elle pleure. Parfois… elle ne veut plus que je me réveille.
(Cassy)Je suis assise au bord du lit, enroulée dans un peignoir. Loghan termine de faire couler un bain. Je l’observe sans rien dire. Il est torse nu, les muscles tendus, concentré. Il dégage une énergie brute, contenue, comme si chaque mouvement était prêt à exploser.— Tu fais ça souvent ?Il relève à peine les yeux, esquisse un sourire en coin.— Prendre un bain ? Non. Mais j’avais envie que tu respires. Juste un peu.Je hoche la tête, le cœur encore lourd. Il vient s’asseoir à côté de moi, et son bras effleure le mien.— Ce nouveau voyage…Ezra… Tu penses vraiment qu’on peut lui faire confiance ?Il soupire.— Franchement ? Non. Mais je crois qu’on ne peut plus se permettre de choisir. Si on ne bouge pas, Kael nous détruira les uns après les autres.Je baisse la tête. Il la relève doucement vers lui.— Tu ne dors presque plus. Tu manges à peine. Tu ne parles plus à personne sauf à Muriel. Tu as peur de quoi exactement, Cassy ?Je le fixe, hésite, puis souffle :— De moi. J’ai peu
(Cassy)Le ciel est gris, comme si même la lumière refusait de poser les yeux sur ce jour. Une pluie fine tombe depuis l’aube, sans éclat ni fracas. Juste une tristesse liquide qui trempe la terre et les cœurs. Nous sommes tous réunis dans une clairière. Les séquoias forment un cercle naturel, imposant et silencieux. Un bûcher de branches tressées a été dressé, recouvert de fleurs sauvages. Des lanternes de cuivre oscillent doucement sous la pluie, déposant des reflets tremblants sur le visage de Tasha. Elle repose sur un lit de mousse, les bras croisés sur sa poitrine, le visage apaisé. Quelqu’un lui a tressé les cheveux. Elle est belle. Intouchable. Un violon joue, seul. Puis les voix s’élèvent. Des chants en vieux langage, psalmodiés par les anciens. Une prière mêlée au vent, qui fait frissonner les feuilles et le cœur. Eddy est à genoux. Il ne bouge pas. Depuis qu’on a ramené le corps de Tasha, il ne l’a pas quittée. Il a veillé son amour toute la nuit, assis dans un silence que p
(Cassy)Dehors, la guerre fait rage. Les échos, étouffés par les murs de pierre, remontent à travers le sol, vibrent dans mes os, lacèrent mes nerfs. Chaque rugissement, chaque cri, est une déchirure. Je suis assise par terre, recroquevillée dans le froid de ma cellule. Tasha est là. Elle veille. Elle tente de faire écran à la peur.— On va s’en sortir, j’en suis sûre, murmure-t-elle, ses mains posées sur son ventre arrondi.Je ferme les yeux. Inspire.— Je l’espere, mais je ne sais pas comment ni si les choses pourront redevenir comme avant.Elle sourit, en coin.— Tu sais, parfois je nous imagine vivre dans une maison au bord du lac. Toi, Loghan… notre meute. Mon enfant. Sans prophétie. Sans dieux. Sans mort.— Une vie calme et ordinaire ?— Avec du vin rouge. Beaucoup de vin!Je ris. Vraiment. Juste un instant. Un battement d’aile suspendu dans la noirceur.Puis la porte s’ouvre. Et le froid s’engouffre. Silah. Elle est là, juste devant nous. Tasha se poste en défense.— Tu n’as r
( Loghan)La forêt est trop silencieuse. Le moindre bruissement semble faux, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Les séquoias immobiles forment une cathédrale d’ombres, et la brume s'accroche au sol comme un présage. La lune, haute et pâle, éclaire les visages tendus de mes guerriers. Moi, je reste debout, droit, à l’orée du champ de bataille. Je sens la tension vibrer dans l’air, dans la terre, dans mes os. Neos grogne, impatient, affamé. Ils approchent. Ils sont nombreux. Ils veulent du sang. Je ferme les yeux. Inspire. L’odeur de la résine, du cuir, de la peur. Un hurlement fend la nuit, sauvage et rauque. Puis un autre. Et un autre. La lisière se déchire. Et les ténèbres dévalent sur nous. Ils sont là. Dwane en tête. Les crocs découverts, les yeux injectés de rage. Une horde derrière lui. Des meutes qu’il a retournées, corrompues. Le sol tremble sous leur course. Je hurle à mon tour. Et tout bascule. Ma colonne se tord. Mes os craquent. Ma peau se déchire pour lais
(Cassy)Ils m’ont ramenée comme une criminelle. Le silence qui s’est abattu dans la maison de la meute n’avait rien de neutre. Il était épais, saturé de jugements tus. Je sentais les regards peser sur ma nuque, l’odeur persistante du sang sur mes mains, comme une preuve brûlante qu’on ne pourrait pas effacer. La salle commune est pleine. Les visages familiers sont devenus des masques fermés. On me dévisage comme si on me voyait pour la première fois. Certains ne cherchent même pas à cacher leur hostilité. Même Eddy m'évite du regard. Tous, sauf Loghan, et Muriel.— Elle était là, au-dessus du corps, dit Julien d’une voix dure. Et la blessure... son cœur a été arraché…Un murmure d’approbation glisse comme une lame dans la pièce.Je me redresse, la voix rauque :— Je ne l’ai pas tuée. Je n’avais encore jamais vu cette fille. Pourquoi aurais-je fais ça!— Son nom était Sofia. C’était la Bêta de la meute de Dwane. Et excuse moi mais tu nous a prouvé à plusieurs reprise que tu avais du ma