Logan
Tasha et Cassy quittent la pièce, laissant derrière elles un silence lourd. Mon cœur bat la chamade. Comment lui dire ce que je viens de découvrir ? Eddy s’approche de moi, ses yeux trahissant son inquiétude.
— Loghan, qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il, posant une main rassurante sur mon épaule.
Je prends une profonde inspiration, sentant l’adrénaline monter.
— Eddy, je... Cassy est spéciale. Bien plus que ce que je pensais. Elle est... ma compagne.
Eddy fronce les sourcils, ne comprenant pas.
— Mais elle est humaine, Logan. Comment c’est possible ? Qu’ a dit ton loup?
Je secoue la tête, frustré.
— Néos en est sûr. Il la veut, d’une manière viscérale, primaire, sans compromis. C’est plus qu’une attirance. J’ai dû lutter contre lui et l’empêcher de prendre le contrôle pour ne pas qu’il se jette sur elle.
Je ferme les yeux un instant, et repense à son odeur enivrante de miel et de rose. Je sens son impatience vibrer dans mes veines. Il tourne en rond dans ma tête, furieux que je le retienne. Pour lui, c’est déjà décidé : Cassy est sienne. Peu importe qu’elle soit humaine, peu importe qu’elle ignore tout de notre monde. Elle est à nous. À moi.
Ma mâchoire se contracte, mon corps tout entier tendu dans cet effort de maîtrise. À ce moment précis, la porte s’ouvre brusquement. Me Swan entre, son regard sérieux balayant la pièce.
— Loghan, Eddy. Cassy est-elle instalée? Êtes-vous prêt ? — demande-t-il, sa voix empreinte d’une gravité inhabituelle.
J’acquiesce, et nous nous dirigeons vers la salle à manger. Je sens son parfum avant même qu’elle n’ouvre la porte. Ce mélange de miel et de rose, doux et envoûtant, s’accroche à mes sens, m’empoisonne d’une faim viscérale. Puis elle apparaît. Elle est magnifique. Trop belle. Trop tentante. Ses longs cheveux blonds tombent en cascade sur ses épaules, des mèches soyeuses qui captent la lumière et la renvoient en éclats dorés. Ses yeux vert en amande me scrutent avec une intensité troublante, comme si elle lisait en moi sans même en avoir conscience. Son petit nez retroussé lui donne un air à la fois mutin et délicat, un équilibre parfait entre l’innocence et la provocation. Et puis sa bouche… Mon regard s’y attarde un peu trop longtemps. Des lèvres pleines, charnues, dessinées pour être embrassées, mordues. Mon loup gronde dans mon crâne, avide, furieux de la distance que je m’impose. Son corps est une tentation à lui seul. Des formes généreuses, une courbe de hanche qui appelle mes mains, une poitrine qui se soulève au rythme de sa respiration, juste sous mon nez. Je lutte pour garder mon calme et serre les points. Me Swan prend place à la table, une enveloppe à la main. Il nous invite à nous assoir.
— Mlle Read, Henry a laissé une lettre à votre intention. Elle explique certains… secrets. C’est assez délicat. Voulez-vous la lire maintenant ?
— J’ai la tête qui tourne. S’il vous plaît, dites-moi ce qu’il y a à savoir, j’en ai assez de tous ses mystères.
Je la regarde avec tendresse.
—Tout ne sera pas facile à entendre, je préfère vous prevenir.
Me Swan ouvre l’enveloppe et commence à lire. Sa voix est claire, chaque mot résonne dans la pièce.
Ma douce Cassy,
Si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis plus là pour veiller sur toi. Je suis désolé. Désolé de t’avoir caché la vérité, désolé de t’avoir laissé affronter tout cela seule. J’aurais voulu être à tes côtés pour t’expliquer chaque chose, mais le destin en a décidé autrement.
Je ne t’ai pas seulement aimée comme une fille, je t’ai protégée de forces que tu ne pouvais pas encore comprendre. J’étais l’Alpha de la meute Blackwood, et maintenant, Logan en est le chef. Il t’aidera, il t’aimera comme tu le mérites, mais tu dois aussi être forte.
Tes parents n’ont pas eu un accident. Ils ont été assassinés. Ils savaient quelque chose, quelque chose qui te concerne. Tu es la clé, Cassy. Il existe un savoir ancien qui se transmet depuis des siècles et qui repose en toi. Certains voudront t’utiliser, d’autres voudront te détruire. Kael est réveillé, et il te veut auprés de lui. Ne fais confiance qu’à Logan.
Trouvez Elias Morgan. Il était un ami de tes parents, un sorcier indépendant qui n’a jamais pris parti dans les guerres de clans. Il a les réponses que tu cherches. Il sait ce que tu es et ce que cela signifie. Trouve-le. Il est peut-être le dernier à pouvoir t’aider.
Le danger rôde déjà, il peut être caché parmi nous. Ne baisse jamais ta garde. Mais surtout, n’oublie jamais que, quoi qu’il arrive, tu es forte. Tu es capable de bien plus que tu ne le crois.
Avec tout mon amour,
Henry
Un silence pesant s’installe. Cassy éclate de rire.— Vous vous moquez tous de moi ? — demande-t-elle, confusée.
Je serre les dents, réalisant qu’elle ne comprend pas encore.
— Ce n’est pas une blague, Cassy. Henry a été assassiné par des loups-garous fidèles à Kael. Ils veulent le réveiller, et ils te veulent toi. Une guerre se prépare.
Ses yeux s’élargissent de terreur.
— Ok je suis tombée chez des fous.
Paniquée, elle se lève brusquement et se dirige vers la porte.
Je me lève à mon tour, tentant de la retenir.
— Cassy! Reflechis ! Pourquoi n’as-tu aucun souvenir d’avant tes 6 ans? Je comprends ta colère. Mais il faut nous croire. Tes parents sont morts en empéchant des sorciers de libérer Kael.
— C’est absurde. Tout le monde m’a toujours dit que…
— C’était pour te protéger. On t’a menti pour t’épargner un danger bien plus grand.
Ses mains tremblent. Elle n’arrive pas à assimiler. C’est trop. Beaucoup trop.
— Vous êtes en plein délire! C’est qui ce Kael? Des loups garou? Sérieusement? Je suis une journaliste o.r.d.i.n.a.i.r.e, pas un personnage de conte ou je ne sais quoi.
Me Swan s’avance vers elle.
— La guerre a déjà fait des ravages. Vos parents, Evlyne et Nathaniel, se sont sacrifiés pour éviter que Kael, ne mette la main sur vous. Maintenant qu’Henry est parti, vous êtes exposée. Vous devez faire confiance à Loghan.
Elle recule d’un pas, les larmes lui montant aux yeux. Ses jambes flageolent.
— Assez. Je… j’ai besoin de prendre l’air. Laissez-moi tranquille.
Elle sors de la pièce comme une furie, sous nos regards impuissants.
— Cassy attend!
Mais elle ne m’écoute pas. Elle se précipite dans le jardin vers les bois adjacents, disparaissant rapidement dans l’obscurité. Mon cœur se serre. Je veux la suivre, la protéger, mais Eddy intervient.
— Logan, laisse-la respirer. Elle a besoin de temps.
Je regarde Eddy, hésitant.
— Mais elle est en danger, Eddy. Si elle part, je ne sais pas où elle ira.
Eddy pose une main ferme sur mon épaule.
— Il faut lui laisser l’espace nécessaire de prendre ses propres décisions. Elle ne peut pas fuir bien loin.
Je hoche la tête, bien que mon esprit soit en proie au chaos. Me Swan s’avance, son regard empreint de compassion.
— La prophétie ne peut pas attendre.
Je prends une profonde inspiration, rassemblant mon courage.
— Tu as raison. Nous devons agir rapidement. Pour Cassy, pour notre meute.
Eddy acquiesce. La nuit tombe sur Forks Wood, et l’air est chargé d’une tension palpable. Je sais que notre lutte ne fait que commencer.
Le jour déclinait sur Chartres Street. Une lumière dorée habillait les balcons en fer forgé, et l’air sentait le sucre chaud, le jazz et les regrets. Je m’étais installée seule à la terrasse d’un café discret, un de ceux que seuls les locaux connaissent, avec vue sur le monde sans y appartenir. Je venais souvent ici.C’est elle que j’ai vue en premier.Une petite fille, d’environ 6 ans, qui trottinait sur les pavés, rieuse, déguisée en pirate avec un bandeau rose. Elle s’est arrêtée net devant moi, comme si elle m’avait reconnue.Mais c’était impossible. Elle a penché la tête, intriguée.— T’es une fée ?J’ai souri, surprise.— Pourquoi tu dis ça ?— T’as des yeux qui brillent. — Peut-être que je suis une fée. Mais chut, c’est un secret. Que fais-tu toute seule?Elle a ri, puis elle a tendu la main vers ma joue.— Je ne suis pas seul je suis avec mon papa. Il t’aimerait bien.J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Quand je l’ai entendu. Sa voix.— Ésmée viens ici. N’importune
Cassy Les jours ont passé. Lents, gris, sans lumière. Des jours qui n’avaient ni fin ni commencement, comme suspendus dans un temps qui n’était plus vraiment le mien. Depuis mon retour, j’évite Loghan. Je m’efface dans les couloirs, je détourne le regard, je fuis sa voix. Il me cherche parfois, son regard accroche le mien avec une douceur qui me transperce, mais il ne dit rien. Peut-être sent-il, dans mes silences, que quelque chose en moi est mort. Ou peut-être croit-il simplement que je me remets. Comme une humaine. Mais je ne suis plus humaine. Je passe mes nuits avec Vernius. Pas dans ses bras, non, mais dans cette proximité étrange, magnétique, organique. Comme si mon corps se souvenait qu’il m’a ramenée. Il me guide, me forme, m'apprend à dompter la soif, à percevoir l’aura des vivants, à contrôler mes pensées. Je le déteste pour ce qu’il a fait. Et pourtant, je ne peux plus m’éloigner de lui trop longtemps. Il est mon ancre, mon poison, mon reflet. Alors que j’admirais la lune
CassyJe marchais pieds nus sur une herbe douce, presque tiède, d’un vert que je n’avais jamais vu. L’air sentait la lumière, si léger que j’en avais oublié la pesanteur de mon corps. Ils étaient là.Mon père, son sourire tranquille, les mains ouvertes. Ma mère, belle comme une étoile, me tendant les bras. Henry, solide, bienveillant, la voix douce. Je me sentais entière, légère, libre. Aucune douleur. Juste la paix. J’ai voulu aller vers eux, mais un souffle, un grondement, est monté de sous mes pieds. Comme un orage. Tout s’est mis à trembler. J’ai tendu la main vers eux, suppliée qu’on me retienne. Henry a reculé, son regard soudain voilé.— Cassy, tu dois repartir.— Non !La terre s’est ouverte. Quelque chose m’a happée. Une force brutale, déchirante, m’a arrachée à cette lumière, à ce bonheur trop pur. Je me suis sentie chuter, aspirée par un gouffre noir, glacé, sans retour.Une brûlure, un incendie dans mes veines, un cri muet planté dans ma gorge. Mon corps refusa de rester m
CassyLa lune est ronde, prête à m’engloutir. Et moi, j’attends, comme une proie résignée. Kael est entré dans ma chambre sans frapper, ses pas lourds de certitudes. Dans ses bras, une robe noire, fine, brodée de dentelle, presque irréelle.— C’est pour toi, souffla-t-il, et il y avait dans sa voix une tendresse perverse, un amour maudit.J’ai accepté la robe. Par stratégie. Par nécessité. Des sorcières sont venues ensuite. Leurs mains avides de pouvoir ont coiffé mes cheveux, tracé sur mes paupières un fard sombre, ourlé mes lèvres de carmin. Je ressemblais à une mariée funéraire. À la poupée d’un monstre. Quand elles ont reculé, j’ai croisé mon reflet dans un miroir terni.Je ne me suis pas reconnue. Kael me tendit la main.— Viens. Il est temps.J’ai posé mes doigts dans les siens, et mon estomac s’est retourné. Sa peau était glacée, comme la mort elle-même. La salle résonnait de chants anciens, la dalle de marbre noir luisait d’un éclat humide, presque vivant. Les runes me semblai
CassyLe temps est devenu une chose étrange, ici. Les heures se déforment, s’étirent, se rétractent comme la respiration d’une bête endormie. Kael vient me voir chaque soir, avant que la lune ne grimpe trop haut. Il me parle, il me frôle, il me regarde comme s’il pouvait me dévorer et m’adorer dans le même geste. Et moi, je joue la proie docile.Je mange. Je dors. J’obéis.Mais en moi, la tempête grandit.Ils préparent le rituel. Les sorcières s’affairent dans la grande salle, gravant des runes dans le marbre, peignant mon futur cercueil avec des encres noires. Je les observe parfois à travers l’entrebâillement de la porte, fascinée malgré moi par cette chorégraphie macabre.La pleine lune approche. Deux nuits. Deux misérables nuits.Cette nuit-là, Kael est resté plus longtemps. Il a posé ses doigts sur ma nuque, les a laissés remonter le long de ma mâchoire, si lentement que j’ai cru m’embraser.— Tu te fais à ta prison ? a-t-il murmuré.J’ai soutenu son regard, sans trembler.— Je m
CassyJe l’ai suivi. Sans discuter, sans lutter, parce que tout mon plan exigeait cette soumission feinte. Kael ouvrait la marche, silhouette découpée dans l’obscurité comme une promesse de damnation. Et moi derrière, j’avançais, résignée, le pas lourd, mon cœur cognant la mesure d’une sentence à venir.La forêt avalait notre silence, comme si elle nous interdisait jusqu’au murmure. Seules les branches mortes craquaient sous mes pas, et parfois, dans la pénombre, j’avais l’impression d’entendre la voix d’Henry, un écho qui me suppliait de revenir en arrière. Trop tard.Son sanctuaire surgit au détour d’un sentier, griffé par le temps, monstrueux de puissance oubliée. À première vue, on aurait cru les ruines décharnées d’un vieux château, éventré par les siècles, ses pierres à demi englouties par le lierre et la moisissure. La forêt le rongeait comme un cancer. Mais à peine eus-je franchi l’arche fracturée qu’un voile sembla se lever. Mon souffle s’arrêta net. Devant moi s’étendait un