Cassy
Le chauffeur me dépose à l’aéroport JFK. Je m’enregistre, récupère les billets envoyés par Me Swan. Pendant que j’attends l’embarquement, je somnole sur un siège inconfortable. Les visages des gens défilent autour de moi comme dans un brouillard. Je finis par m’assoupir un moment et je replonge dans ce rêve… Les mêmes yeux bleu, ce même homme, cette même tension qui me serre la poitrine. Je me réveille en sursaut, encore. Les passagers autour de moi me lancent un regard intrigué. Une voix retenti dans les hautes parleurs.
— Dernier appel pour le vol à destination de San Francisco, Californie …
Je saute sur mes affaires et embarque in extremis. Le vol me paraît interminable. Je picore à peine le plateau repas. Je regarde des séries sans vraiment y prêter attention. Les mots de Me Swan tournent en boucle dans ma tête. “Il est crucial que vous veniez sur place.” Pourquoi? Qu’est-ce que Henry me cachait ? Comment est-il mort? Pourquoi ne m’a-t-il jamais parlé de son fils Loghan? Je suis bercée par le ronronnement des moteurs, l’hôtesse me propose un café. J’accepte pour lutter contre le sommeil, sans succès. Je retombe dans un demi-sommeil. Je revois Henry, debout devant le portail du pensionnat, une peluche à la main. J’avais dix ans. Il me sourit, m’ébouriffe les cheveux, me dit que je suis forte, que je n’ai besoin de personne, que tout ira bien… Je suis réveillé par l’atterissage. Les larmes coulent le long de mes joues. J’ai à peine le temps de changer de terminal. Moins d’une heure après, je suis dans l’avion qui me conduit à Eureka. Je me rapproche doucement de la vérité. J’en profite pour finaliser l’article que je dois rendre à Dave. Ce sera déjà ça de fait. Dans le silence apaisant du cocpite, mes paupières lourdes me trahissent. Je sombre dans un sommeil profond, et bientôt, je me retrouve dans une clairiére illuminée par la lune éclatante. Je reconnais l’homme aux yeux bleu. Il captive chaque fibre de mon être. Sa présence est magnétique, et je ressens une attirance irrésistible. Il s’avance vers moi. Nos regards se croisent, et une tension électrique s’installe entre nous. Il me tend la main, et je la prends sans hésitation, sentant une chaleur intense se diffuser à travers mes doigts. Ses bras forts m’enlacent, et nous nous rapprochons lentement. Ses caresses sont à la fois douces et fermes, éveillant des sensations que je n'avais jamais ressenties auparavant. Mais au moment où nos lèvres vont se toucher, un éclair traverse le ciel, et je me réveille en sursaut, le cœur battant la chamade. Mon corps est en sueur, et je sens une excitation brûlante parcourir mes veines. Le souvenir de ce rêve me laisse à la fois désorientée et étrangement revigorée. Lorsque j’atterie, on est en fin d’après-midi. L’aéroport d’Eureka n’est pas immense. Je cherche un visage familier ou une pancarte. C’est alors que je vois un homme d’une trentaine d’année, brun, grand, bien taillé, qui tient une feuille avec mon nom. Eddy Green me regarde avec un sourire chaleureux, ses yeux marron pétillants. Il porte une chemise en flanelle à carreaux bleus et rouges, ouverte sur un t-shirt blanc, et un jean décontracté. Ses cheveux sont légèrement en bataille. Il semble sympathique.
— Bonjour, je suis Cassy.
— Salut, je m’appelle Eddy. Je suis… disons, un ami de la famille et ton chauffeur pour les deux prochaines heures.
Sa poignée de main est ferme et confiante, et il a un rire léger qui brise la glace. Nous traversons rapidement le petit terminal, récupérant ma valise. Dehors, l’air est frais et presque sauvage. Je ne peux m’empêcher de regarder autour de moi. C’est la première fois que je mets les pieds dans cette partie de la Californie. En marchant vers la voiture, mon chauffeur tente de faire la conversation.
— Alors, comment s’est passé le vol ?
— Long et… étrange. Tu connaissais bien Henry ?
Eddy rit doucement, détendant l’atmosphère.
— Oui. C’était mon Alpha. Euh… je veux dire, c’était un homme affreusement formidable, très respecté par… euh, la communauté ici.
— Ton Alpha ?
Il détourne un peu le regard, gêné.
— Tu dois être fatiguée. Votre carosse madame!
Je hoche la tête, un peu perplexe. Nous montons dans la voiture, un SUV noir confortable. Eddy s’installe au volant et démarre, ouvrant une fenêtre pour laisser entrer l’air de la forêt.
— Alors, c’est ça la fôret de Six Rivers. C’est magnifique, vraiment apaisant.
Je regarde autour de moi. Le spectacle qui défile sous mes yeux est de toute beauté.
— C’est très différent de New York, s’amuse Eddy.
— C’est sûr! Je ne comprend pas pourquoi Henry ne m’a jamais fait venir ici…
— Henry adorait cet endroit. Il disait que la nature avait une façon de te recentrer, de te rappeler ce qui est vraiment important.
Eddy semble curieux de me connaitre. Il m’interroge sur ma relation avec Henry. Je lui raconte mes années aux pensionnats. Ma vie de journaliste à New-York. Soudain j’apperçois le panneau “Bienvenue à Forks Wood”. Nous traversons le centre qui ressemble à un décor de série télé. Des boutiques en bois, des façades peintes, quelques passants qui discutent tranquillement sur le trottoir. Rien à voir avec l’agitation de Manhattan. Les gens saluent Eddy. Tous le monde semble se connaitre.
— On y est presque. La maison est juste au bout de ce chemin.
Je relève la tête. On est juste à la sortie de la ville. La propriété de style victorienne est majestueuse, entourée par une dense forêt. Des lumières tamisées illuminent la façade de la maison.
— Wow… C’est magnifique. Je ne m’attendais pas à cela.
— N’est-ce pas! Henry y tenait comme à la prunelle de ses yeux.
La voiture s’arrête devant un portail ornementé. Deux gardes nous ouvrent et nous avançons lentement jusqu’à un petit parking gravillonné.
— Ne sois pas impressionné par les gardes, c’est juste au cas où.
Je devine un certain trouble dans sa voix. Je hoche la tête, le cœur déjà oppressé par toutes mes émotions. Eddy descend et m’ouvre la portiére. Il me tend la main et se part d’un sourire amical.
— Bienvenue chez toi Cassy! On y va ? Je pense que quelqu’un est très impatient de te rencontrer.
Je ne suis pas sur de comprendre mais je suis Eddy sans broncher. Nous franchissons la porte et je suis frappée par la beauté du lieu. L’intérieur a été modernisé, mais on sent encore l’âme ancienne de la demeure. De hauts plafonds, des murs aux teintes sobres, des meubles modernes qui contrastent avec l’architecture d’époque. L’ensemble dégage quelque chose de serein et de lumineux. Mes pas résonnent sur le plancher. On s’avance dans un couloir. Eddy me guide vers une double porte qu’il ouvre devant moi. Je suis tout de suite étourdie par une odeur qui flotte dans l’air. Un mélanege de bois et de fleurs sauvages, c’est envoûtant. Un grand bureau en bois massif trône au centre de la piéce. Le pan de mur à droite se pare d’étagéres remplies de livres anciens au cuir usé. À gauche, un salon confortable, avec des fauteuils et un canapé offre un espace chaleureux. Face à moi, devant une immense baie vitrée qui donne sur les jardins, un homme nous tourne le dos. Eddy prend la parole.
— Loghan, je te présente Cassandre Read. Cassy, voici Loghan Black, l’Alpha de la meute Black Wood.
Il se tourne lentement vers moi. Mais lorsque j’apperçois son visage, mon cœur fait un bond. Ses yeux bleus me fixent intensément. C'est l'homme que je vois presque chaque nuit dans mes rêves. Je suis sous le choc. Je sens mon pouls s’accélérer à en être presque douloureux. Je tente de rester calme. Il est tellement beau. Le rouge me monte aux joues.
— Je… Bonjour.
Loghan me fixe mais ne dit rien. Je suis complètement déstabilisée, incapable de détourner mon regard de ses yeux perçants. Pourquoi me regarde t’il comme cela! Et pourquoi ne dit-il rien!
Eddy se racle la gorge.
— Tu comptes rester là à la devisager où tu vas lui souhaiter la bienvenue?
Loghan esquisse un sourire léger, brisant légèrement la tension.
— Bienvenue chez toi Cassandre.
Mon esprit se brouille. Son parfum… Je suis coupée de mes interrogations par l’irruption d’une jeune femme. Elle est si belle, grande et très fine, avec des traits harmonieux et une grâce naturelle. Ses cheveux noirs sont longs et lisses, encadrant son visage éclatant de gentillesse.
— Cassy! Je suis Tasha, la compagne d’Eddy. Je suis tellement heureuse de te rencontrer.
Elle me prend dans ses bras.
— Viens, je vais te faire visiter la maison et t’emmener dans ta chambre! On se retouve pour le dîner mesieurs. Maitre Swan ne devrait plus tarder.
Je m’exécute, les genoux tremblants.
La maison est immense. Tasha ouvre une porte sur ma gauche.
— Voici le salon — dit-elle en me faisant signe d'entrer.
L'espace est lumineux, décoré sobrement. Des coussins colorés sur le canapé, une table basse avec des magazines éparpillés. Une odeur de café flotte dans l'air. Tasha salue rapidement un homme assis dans un coin, lui fait un signe de tête.
— Voici Marc, c’est notre cuisinier. Marc, voici Cassy.
Marc se lève, sourit et me serre la main.
— Enchanté, Cassy.
Tasha me guide déjà vers une autre pièce. Le couloir est long, les murs ornés de photos, des moments capturés en sourires et en rires. On passe devant une bibliothèque cosy remplie de livres et de souvenirs. J’ai hate d’en découvrir tous les secrets.
— Voici la salle de réception— annonce Tasha. À l'intérieur, trois personnes sont réunies autour d'une grande table. Elle me présente rapidement chacun d'eux.
— Sarah, Julien, Léa, je vous présente Cassy!
Chacun me sourit, accueillant. Combien de personnes vivent ici? C’est étrange. On continue à marcher, les pièces défilant rapidement. Une cuisine moderne, une salle de jeux avec des instruments de musique, une terrasse donnant sur un jardin luxuriant. Chaque espace a son ambiance, chaque objet raconte une histoire. Nous empruntons l’escalier magistral direction le premier étage.
— Voilà ta chambre — dit Tasha en ouvrant une porte au fond du couloir.
Je passe la tête. La pièce est spacieuse, décorée avec goût. Il y a un grand lit habillé d’une parure de lin rose poudré, un fauteuil confortable, un bureau et une grande fenêtre qui donne sur la roseraie du jardin. Mon regard se pose sur la porte légèrement entrouverte juste en face de la mienne.
— C'est celle de Logan — ajoute Tasha avec un sourire complice. Je te laisse te rafraichir? Le diner sera servi d’ici 30 min dans la salle à manger ! Ne sois pas en retard, me dit-elle en s’éloignant.
Je m'installe sur le lit, respirant profondément. L'atmosphère est apaisante, un contraste avec l'agitation de mon esprit. Je sens une lueur d'espoir. Je sors mon téléphone et j’écris un sms rapide à Charlotte pour lui dire que je suis bien arrivée. Dimitri a tenté de me joindre. Je le rassurerai plus tard. Je me regarde dans le miroir. Mon reflet semble plus serein, prêt à affronter ce qui m'attend. Mais les bruits de la maison me rappellent que je ne suis pas seule. J’ai tant de question. Pourquoi Loghan hante t’il mes rêves depuis des semaines? Cela ne peut pas être du au hasard. La façon dont il m’a lui-même regardé… Je dois savoir ce qui se passe ici.
Le jour déclinait sur Chartres Street. Une lumière dorée habillait les balcons en fer forgé, et l’air sentait le sucre chaud, le jazz et les regrets. Je m’étais installée seule à la terrasse d’un café discret, un de ceux que seuls les locaux connaissent, avec vue sur le monde sans y appartenir. Je venais souvent ici.C’est elle que j’ai vue en premier.Une petite fille, d’environ 6 ans, qui trottinait sur les pavés, rieuse, déguisée en pirate avec un bandeau rose. Elle s’est arrêtée net devant moi, comme si elle m’avait reconnue.Mais c’était impossible. Elle a penché la tête, intriguée.— T’es une fée ?J’ai souri, surprise.— Pourquoi tu dis ça ?— T’as des yeux qui brillent. — Peut-être que je suis une fée. Mais chut, c’est un secret. Que fais-tu toute seule?Elle a ri, puis elle a tendu la main vers ma joue.— Je ne suis pas seul je suis avec mon papa. Il t’aimerait bien.J’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Quand je l’ai entendu. Sa voix.— Ésmée viens ici. N’importune
Cassy Les jours ont passé. Lents, gris, sans lumière. Des jours qui n’avaient ni fin ni commencement, comme suspendus dans un temps qui n’était plus vraiment le mien. Depuis mon retour, j’évite Loghan. Je m’efface dans les couloirs, je détourne le regard, je fuis sa voix. Il me cherche parfois, son regard accroche le mien avec une douceur qui me transperce, mais il ne dit rien. Peut-être sent-il, dans mes silences, que quelque chose en moi est mort. Ou peut-être croit-il simplement que je me remets. Comme une humaine. Mais je ne suis plus humaine. Je passe mes nuits avec Vernius. Pas dans ses bras, non, mais dans cette proximité étrange, magnétique, organique. Comme si mon corps se souvenait qu’il m’a ramenée. Il me guide, me forme, m'apprend à dompter la soif, à percevoir l’aura des vivants, à contrôler mes pensées. Je le déteste pour ce qu’il a fait. Et pourtant, je ne peux plus m’éloigner de lui trop longtemps. Il est mon ancre, mon poison, mon reflet. Alors que j’admirais la lune
CassyJe marchais pieds nus sur une herbe douce, presque tiède, d’un vert que je n’avais jamais vu. L’air sentait la lumière, si léger que j’en avais oublié la pesanteur de mon corps. Ils étaient là.Mon père, son sourire tranquille, les mains ouvertes. Ma mère, belle comme une étoile, me tendant les bras. Henry, solide, bienveillant, la voix douce. Je me sentais entière, légère, libre. Aucune douleur. Juste la paix. J’ai voulu aller vers eux, mais un souffle, un grondement, est monté de sous mes pieds. Comme un orage. Tout s’est mis à trembler. J’ai tendu la main vers eux, suppliée qu’on me retienne. Henry a reculé, son regard soudain voilé.— Cassy, tu dois repartir.— Non !La terre s’est ouverte. Quelque chose m’a happée. Une force brutale, déchirante, m’a arrachée à cette lumière, à ce bonheur trop pur. Je me suis sentie chuter, aspirée par un gouffre noir, glacé, sans retour.Une brûlure, un incendie dans mes veines, un cri muet planté dans ma gorge. Mon corps refusa de rester m
CassyLa lune est ronde, prête à m’engloutir. Et moi, j’attends, comme une proie résignée. Kael est entré dans ma chambre sans frapper, ses pas lourds de certitudes. Dans ses bras, une robe noire, fine, brodée de dentelle, presque irréelle.— C’est pour toi, souffla-t-il, et il y avait dans sa voix une tendresse perverse, un amour maudit.J’ai accepté la robe. Par stratégie. Par nécessité. Des sorcières sont venues ensuite. Leurs mains avides de pouvoir ont coiffé mes cheveux, tracé sur mes paupières un fard sombre, ourlé mes lèvres de carmin. Je ressemblais à une mariée funéraire. À la poupée d’un monstre. Quand elles ont reculé, j’ai croisé mon reflet dans un miroir terni.Je ne me suis pas reconnue. Kael me tendit la main.— Viens. Il est temps.J’ai posé mes doigts dans les siens, et mon estomac s’est retourné. Sa peau était glacée, comme la mort elle-même. La salle résonnait de chants anciens, la dalle de marbre noir luisait d’un éclat humide, presque vivant. Les runes me semblai
CassyLe temps est devenu une chose étrange, ici. Les heures se déforment, s’étirent, se rétractent comme la respiration d’une bête endormie. Kael vient me voir chaque soir, avant que la lune ne grimpe trop haut. Il me parle, il me frôle, il me regarde comme s’il pouvait me dévorer et m’adorer dans le même geste. Et moi, je joue la proie docile.Je mange. Je dors. J’obéis.Mais en moi, la tempête grandit.Ils préparent le rituel. Les sorcières s’affairent dans la grande salle, gravant des runes dans le marbre, peignant mon futur cercueil avec des encres noires. Je les observe parfois à travers l’entrebâillement de la porte, fascinée malgré moi par cette chorégraphie macabre.La pleine lune approche. Deux nuits. Deux misérables nuits.Cette nuit-là, Kael est resté plus longtemps. Il a posé ses doigts sur ma nuque, les a laissés remonter le long de ma mâchoire, si lentement que j’ai cru m’embraser.— Tu te fais à ta prison ? a-t-il murmuré.J’ai soutenu son regard, sans trembler.— Je m
CassyJe l’ai suivi. Sans discuter, sans lutter, parce que tout mon plan exigeait cette soumission feinte. Kael ouvrait la marche, silhouette découpée dans l’obscurité comme une promesse de damnation. Et moi derrière, j’avançais, résignée, le pas lourd, mon cœur cognant la mesure d’une sentence à venir.La forêt avalait notre silence, comme si elle nous interdisait jusqu’au murmure. Seules les branches mortes craquaient sous mes pas, et parfois, dans la pénombre, j’avais l’impression d’entendre la voix d’Henry, un écho qui me suppliait de revenir en arrière. Trop tard.Son sanctuaire surgit au détour d’un sentier, griffé par le temps, monstrueux de puissance oubliée. À première vue, on aurait cru les ruines décharnées d’un vieux château, éventré par les siècles, ses pierres à demi englouties par le lierre et la moisissure. La forêt le rongeait comme un cancer. Mais à peine eus-je franchi l’arche fracturée qu’un voile sembla se lever. Mon souffle s’arrêta net. Devant moi s’étendait un