Il a laissé un silence planer, me scrutant avec une intensité calculée, comme s’il évaluait la meilleure façon de détourner la conversation.
Puis, d’un ton presque nonchalant, il a soufflé : — Elle a décrit des comportements précis, bien sûr… — Mais rien de plus que ce qui ne sort de son imagination. Il s’est légèrement redressé, décroisant les jambes avant de poser un coude sur l’accoudoir, son index effleurant son menton dans un geste pensif. — Mais dites-moi, docteur… Sa voix s’est faite plus douce, mais ce n’était qu’une façade. Derrière ce calme apparent, je percevais une intention claire. Il voulait reprendre le contrôle. — Êtes-vous mariée ? J’ai soutenu son regard, impassible. — Pardon ? — Divorcée, alors ? Je n’ai pas répondu. Il a esquissé un sourire fugace, un de ces sourires qui n’avaient rien d’innocent. — Intéressant. Il m’a observée un instant, détaillant chaque infime mouvement, chaque respiration, comme s’il cherchait une faille. — Avez-vous un quelconque problème obsessionnel, docteur ? Il avait lancé cela avec une légèreté apparente, mais je savais exactement ce qu’il faisait. Il tentait de me renverser, de prendre l’ascendant en me forçant à être celle qui devait se justifier. Une diversion. Une attaque déguisée. Je suis restée silencieuse une seconde de plus, notant mentalement la direction qu’il essayait de prendre. — Pourquoi cette question, Xavi ? Mon ton était posé, professionnel, dénué de toute émotion. Il a haussé les épaules, inclinant légèrement la tête d’un air faussement détaché. — Simple curiosité. Il a marqué une pause, son regard s’attardant sur moi un peu plus longtemps que nécessaire. — Vous semblez fascinée par la notion d’obsession. Ses doigts ont effleuré l’accoudoir, un geste discret, mais révélateur. — Peut-être que cela vous concerne plus que vous ne voulez l’admettre. Il voulait me tester, voir jusqu’où il pouvait pousser. C’était une tentative évidente de me déstabiliser. J’ai pris mon carnet, notant rapidement quelques mots sans me précipiter, avant de relever les yeux vers lui. — Vous aimez poser des questions, Xavi. J’ai refermé mon carnet d’un geste brusque, tout en croisant doucement les jambes. — Mais vous n’aimez pas y répondre… Je lui ai souri. — Vous détournez aussi la conversation, Xavi. — Pourquoi avez-vous tant de mal à répondre ? Son sourire en coin s’est légèrement effacé. Il m’a observée un instant, comme s’il évaluait ma réaction, cherchant une faille à exploiter. — Je ne détourne rien. — Je suis simplement curieux. A-t-il répondu d’un ton faussement détaché. — Et moi, je suis là pour poser les questions, pas pour y répondre. Il s’est redressé légèrement, croisant les bras sur sa poitrine. — Vous êtes perspicace, Docteure. — Mais insister sur le passé ne le change pas. — Pourtant, vous avez esquivé ma question, Xavi. Il a pris une inspiration, presque agacé, avant de laisser échapper un léger rire. — Mon ex-femme aimait l’idée d’être traquée. — Peut-être que, dans son esprit, cela l’excitait d’être la victime d’une obsession imaginaire. J’ai relevé les yeux, l’analysant attentivement. — C’est intéressant. — Parce que, jusqu’ici, vous n’aviez jamais nié l’obsession. — Seulement la manière dont elle était perçue. Il a haussé un sourcil, mais n’a rien dit. — Revenons aux faits, Xavi. — Qu’est-ce que votre ex-femme appelait du « contrôle » ? Un muscle de sa mâchoire a tressailli, signe que je l’avais touché encore une fois. J’ai attendu sa réponse, sans détourner le regard. Un silence court s’est installé entre nous, et, comme à chaque fois depuis son arrivée dans mon bureau, il n’a pas répondu à ma dernière question. À la place, son regard s’est fait plus dur, plus froid, comme s’il venait de refermer une porte à double tour. — Cette histoire est loin derrière moi. A-t-il fini par lâcher d’une voix basse, maîtrisée. J’ai noté la formulation. « Loin derrière moi. Pas fausse, pas inventée. Juste… derrière. » — Je suis ici pour prouver que tout cela n’était que manigances, que je n’ai aucun problème. A-t-il poursuivi, d’un ton calme mais tranchant. Il a croisé les bras sur son torse, adoptant cette posture défensive que j’avais déjà observée plusieurs fois. J’ai attendu, laissant planer à nouveau un silence volontaire. Il voulait s’en tenir à cette version, mais son langage corporel me criait autre chose. J’ai penché légèrement la tête, le détaillant. — Aucun problème, donc ? — Aucun. A-t-il affirmé sans hésitation. — Dans ce cas, pourquoi êtes-vous là, Xavi? Un éclair d’irritation a traversé ses traits, fugace mais perceptible. — Parce que je n’ai pas eu le choix. — C’est un début d’aveu , Xavi ? Ai-je noté en griffonnant quelques mots dans mon carnet. Il a soufflé un rire bref, sans joie. — Ne jouez pas à ça avec moi, je n’avoue rien, je réponds simplement à vos questions. J’ai levé les yeux vers lui, laissant planer un instant de réflexion. — Vous dites ne pas avoir le choix, mais personne ne vous a menotté pour vous traîner ici ? N’est-ce pas ? Il n’a pas réagi immédiatement, mais j’ai remarqué le léger raidissement de ses épaules. — Officiellement, vous êtes ici pour un contrôle de la colère, c’est ce que vous m’avez dit en poussant la porte de mon bureau. — Mais… officieusement, parce que votre ex-femme vous accuse d’avoir une emprise malsaine sur elle. — Deux réalités qui s’opposent l’une à l’autre. J’ai noté son silence et l’infime crispation de sa mâchoire. Il ne contestait pas mes propos, mais refusait de les approuver. — Pourtant, vous persistez à dire que vous n’avez aucun problème. Il a esquissé un sourire, un de ceux qui n’atteignent jamais les yeux. — Parce que c’est la vérité. J’ai laissé mon stylo glisser entre mes doigts avant de le reposer sur mon carnet. — Xavi… Vous contrôlez tout, n’est-ce pas? — Vos mots, votre posture, vos réactions. — Vous jouez avec les apparences, et vous voulez diriger cette conversation comme vous l’entendez. Son regard s’est légèrement plissé. Il analysait, évaluait, calculait. — C’est ce que font les gens intelligents, non ? A-t-il rétorqué. — Ou ceux qui ont peur de perdre pied. Ai-je répondu. Sa respiration s’est faite plus lente. Il a inspiré profondément, comme pour contenir quelque chose. — Je n’ai peur de rien. — Alors, pourquoi êtes-vous toujours sur la défensive ? — Comme maintenant ? Il s’est redressé sur son siège, croisant les bras à nouveau, le regard brillant d’une lueur indéfinissable. — Je vous l’ai dit, cette histoire est derrière moi. — Et je vous le répète, cette histoire est derrière moi. — Derrière vous, oui, peut-être… — Mais pas effacée. Il n’a pas répondu. Mais son silence parlait pour lui. J’ai griffonné quelques mots sur mon carnet: : Déni. Contrôle. Peur sous-jacente ? — Je pense que vous souffrez plus que vous ne voulez l’admettre, Xavi. Il a ricané, secouant légèrement la tête. — Vous croyez vraiment pouvoir me cerner en une seule séance ? — Non. — Pas en une seule. — Mais je crois que vous vous cernez très bien vous-même. — Vous savez ce qui vous ronge, vous savez pourquoi vous êtes là… et pourtant, vous vous enfermez dans ce rôle de l’homme qui maîtrise tout. Il a levé les yeux vers moi, silencieux. Mais cette fois, ce n’était plus de la confiance. C’était autre chose. Une faille. Petite, infime. Mais bien présente…Ma poitrine se soulève irrégulièrement.Tout devient lourd.Trop lourd.L’air m’écrase.Je n’en peux plus.Et si j’en finissais là ?Maintenant.Tout de suite.J'ai tellement mal.Je souffre.Je suis à l'agonie.L’idée me traverse comme un éclair.Comme un désir.Comme une foutue évidence.Un poison doux.Un murmure traître.Je ferme les yeux.Secoue la tête.— Non.— Non, stop, il n’aura pas ça.— Il ne gagnera pas comme ça.Je serre les dents, ma respiration s’accélère.Il faut que je fasse quelque chose.Mais je suis seule, et impuissante.Alors, je prends une décision.Je vais consulter.J’ai un très gros problème.Et j’ai besoin d’aide avant qu’il ne soit trop tard.Trois jours plus tard.J’ai rendez-vous.J’hésite jusqu’à la dernière minute.Appeler.Annuler.Faire demi-tour.Mais finalemenr, je suis là.À l'heure.Devant une porte discrète, une plaque en métal vissée sur le mur.Dr Elias Douglas – Psychologue Clinicien.Un indépendant.Pas de secrétaire.Pas de salle d’attente
Je m’endors.Contre lui.Dans ses bras.Dans une dernière étreinte.Douce.Réconfortante.Affectueuse même.Et mon cœur s’apaise.Et mon esprit avec lui.Et puis…J’ouvre les yeux.Quelques heures plus tard.Et le constat est brutal.La vérité amer.Il n’est plus là.Le drap à côté de moi est froid.Je suis seule dans mon lit.La chambre, vide.— Non ?Je secoue la tête.Ce n'est pas possible.Il n'a pas pu me faire ça.Le choc me frappe en pleine poitrine.Mon cœur bat extrêmement fort.Encore.Et encore.Chaque battement est une torture.Mes mains se mettent à trembler.Je me lève d’un bond.Titube.Trébuche même en courant vers le salon.Je me stoppe.Balaie l’endroit des yeux.— Xavi ?Je l'appelle.Je crie son nomRien.Il n’est pas là.La porte est bien fermée.Pas de trace de lui.Aucune.Je suis seule.Complètement seule.Je titube jusqu’à la table.Mon cœur se serre.Je comprime violemment ma poitrine.Je ressens comme une lame qui transperce lentement.Comme d'une trahison.
Trois semaines...Trois longues semaines d’obsession.Trois semaines d’attente.D’angoisse.De paranoïa.Trois semaines où il s’est effacé.Comme s’il n’avait jamais existé.Et puis…Avant de me coucher.*Toc, toc !Quelqu’un frappe à ma porte.Je sursaute.Mon cœur s’arrête.Un coup.Deux coups.Trois coups.Il cogne avec une force qui me rend presque nauséeuse.Je ne bouge pas.Je fixe la poignée, paralysée.*Toc, toc, toc.Ça frappe à nouveau.Plus fort.J’avale ma salive, inspire profondément.— Arf.Approche lentement.Puis j’ouvre.Xavi.Droit, imposant, froid.Il me fixe droit dans les yeux.Sans un mot.Sans une expression.Et pourtant, il sait.Il sait ce qu’il m’a fait.Il sait à quel point il m’a brisée.À quel point je me suis perdue sans lui.Et ça l’amuse.Je le sais.Un pas en avant.Un pas en arrière.Il avance.Je recule.Il domine.Je cède.La porte se referme derrière lui.Mon souffle est court.Mon ventre se serre.Je voudrais lui hurler dessus.Lui cracher au visa
Le lendemain matin, je me réveille difficilement.Mon réveil hurle dans mes oreilles.Résonne dans ma tête.Et me frappe de plein fouet.— Arf…Je soupire.La soirée a été intense.La nuit trop courte.Et ma matinée bien trop chargée.Je sors du lit, mais mes jambes flanchent.Je titube et me rattrape comme je peux.J’ai mal.Partout.Même à l’âme.Je traîne des pieds jusqu’à la salle de bain, ouvre le robinet, et me passe de l’eau glacée sur le visage.L’impact est brutal.Je ferme les yeux, souffle plusieurs fois.Je vais avoir besoin de courage.Beaucoup de courage.Pour affronter ma journée.Pour rester concentrée face à mes patients.Je dois me reprendre.Ne pas laisser ma vie personnelle empiéter sur ma vie professionnelle.Encore.Mais je ne me mens pas à moi-même.Je sais que ça va être compliqué.Je le sais.Je le sens.Et…Je ne me trompe pas.La semaine s’écoule sous mes yeux.À une lenteur inimaginable.J’y assiste en spectatrice.Je suis là.Mais sans vraiment l’être.J’a
Je me faufile dans mon lit.Attrape mon traversin et le serre contre moi.Je soupire.— Xavi.Un homme.Un prénom.Quatre petites lettres.Mais une complexité à m’en rendre malade.Il est mauvais.il me pousse dans mes retranchements.Il me fait douter de tout.Et encore…Et toujours…Toutes mes questions ne tournent plus qu’autour de lui.Pourquoi ?Malgré tout ça…Je me sens attirée par ce tourbillon de violence et de désir ?Je sais que Xavi n’est pas comme les autres hommes que j’ai connus.Non, lui…Il est brut.Crû.Sans faux-semblants.Il fait ce qu’il veut.Quand il veut.Il prend ce qu’il veut.Sans se soucier des conséquences.Ses gestes sont fermes.Ses paroles comme des ordres.Et pourtant…Je les ai acceptées.Est-ce qu’il savait que j’étais prête à me soumettre?Pourquoi ai-je accepté tout ça ?Quand je repense à ce qu’il a fait, à ses gestes durs et sauvages, je ne sais pas si je devrais être dégoûtée ou fascinée.Pourquoi ai-je laissé un homme comme lui me traiter ains
Le retour à la maison a été long.Épuisant.Brutal.En entrant chez moi et en verrouillant la porte derrière moi, une sensation bizarre m’envahit immédiatement.Je me sens sale.Un peu comme si je venais d’être violée.Mais avec mon propre consentement.Et je ne peux pas m’empêcher de foncer sous la douche.Peut-être que je veux tenter d’effacer toutes les marques qu’il a laissées sur moi.Les traces physiques.Les traces psychologiques.Mais la douche n’apaise pas mes pensées.Au contraire.Elle les accentue.L’eau chaude qui coule sur ma peau n’efface rien.Elle ne fait qu’intensifier la brûlure.Chaque goutte qui tombe sur mon corps me rappelle chaque geste.Chaque souffle.Chaque frôlement de ses mains sur moi.Les traces de ses doigts.De ses morsures.Des claques qui résonnent encore dans mes oreilles.Pourquoi ai-je accepté tout ça ?Pourquoi ai-je laissé mon corps se soumettre à lui sans aucune résistance ?Il a eu ce pouvoir sur moi.Et je l’ai laissé faire.Xavi.Il savait c