Le lendemain matin, à 10h précises, Samira se retrouva devant le bureau de Franck Palenfo. Elle frappa doucement et attendit. À l’intérieur, Franck lui fit signe d’entrer sans un mot. L’espace, vaste et épuré, respirait la puissance. Pourtant, malgré le mobilier luxueux et les touches d’art africain contemporain disséminées çà et là, l’endroit dégageait une froideur calculée. Rien ici ne semblait laissé au hasard, pas même la photo de famille encadrée sur le bureau.
Il la scruta un instant, comme s’il jaugeait son aplomb, avant de désigner le siège en face de lui. Samira s’installa avec assurance, refusant de se laisser impressionner par son mutisme pesant.
— Samira, commença-t-il enfin, sa voix neutre, presque détachée.
Il ne prenait même pas la peine de feindre la cordialité.
— L’appel à candidature pour le poste de Directeur d’exploitation s’ouvre dès aujourd’hui. C’est un poste clé. Le titulaire aura la gestion de toutes nos agences en sous-région, notamment celle du Togo. Vu que tu y as vécu et travaillé pendant plusieurs années, tu ferais une candidate idéale. Tu es ambitieuse et tes résultats depuis ton arrivée à la BSA sont remarquables. Je te sais très ambitieuse et je pense que ce poste t’ira comme un gant.
Elle retint son souffle. Elle savait qu’un poste d’une telle envergure exigerait des années d’expérience en interne. Pourtant, son travail et son ambition parlaient pour elle.
— Merci, Franck. Ce poste m’intéresse énormément. Comment se déroule la sélection ?
Elle s’efforçait de garder un ton maîtrisé, mais il était difficile de masquer totalement son enthousiasme.
— Du calme. Le comité va examiner ton profil ainsi que ceux de tes concurrents. Ensuite, nous retiendrons les meilleurs candidats pour un entretien devant la direction générale et le PCA. Tu en sauras plus dans les prochaines semaines.
— C’est bien noté.
Il s’appuya contre son fauteuil, croisant lentement les mains.
— Cependant…
Le ton avait changé. Plus bas, plus incisif.
— J’ai entendu dire que tu étais proche d’Abel-Malick Touré.
Samira ne broncha pas, même si elle s’attendait à ce que le sujet soit abordé tôt ou tard.
— Je connais Malick depuis l’enfance, répondit-elle posément. Mais il n’y a rien à en dire.
Franck la fixa, cherchant la moindre faille dans son regard.
— Tu devrais éviter toute implication avec lui.
Il marqua une pause, puis ajouta, chaque mot pesé :
— Il a beau avoir un bureau ici, mais il s’est toujours tenu à l’écart des affaires de la banque. Je tiens à ce que cela reste ainsi. Et je ne veux pas que quelqu’un de MON équipe soit trop proche de lui.
L’accent mis sur ce Mon était un avertissement. Une mise en garde à peine voilée.
Samira soutint son regard, comprenant que cette hostilité cachait quelque chose de plus profond qu’une simple précaution professionnelle.
— Je suis ici pour mon travail, Franck. Pas pour jouer à des jeux de famille.
Un rictus étira imperceptiblement ses lèvres.
— Tu n’as pas l’air de comprendre, Samira. Dans cette banque, on ne se contente pas de travailler. On choisit son camp. Et je ne suis pas certain que tu sois du bon côté.
Elle sentit une bouffée d’agacement monter. Ces pressions, ces manipulations déguisées, elle les connaissait. Elle en avait vu d’autres.
— Je suis ici pour performer, répondit-elle calmement. Je n’ai pas l’intention de m’engager dans des batailles de clan, rétorqua-t-elle, et je ne prendrai pas de décisions basées sur des querelles familiales. Je suis ici pour réussir dans mon domaine, Franck. Si tu veux que j’apporte des résultats à cette banque, il va falloir me juger sur ce que je fais, et non sur les rumeurs ou les relations personnelles.
Il la regarda longuement, puis un sourire fugace passa sur son visage.
— Très bien. On verra bien. Mais sois prudente, Samira. Chez nous, les amitiés peuvent se transformer en failles.
Le message était clair : il ne lui ferait aucun cadeau.
Avant qu’elle n’ait le temps de répondre, il tourna son regard vers les papiers devant lui, signifiant ainsi que la conversation était terminée.
Samira se leva lentement, son esprit en proie à un tourbillon de pensées. Elle savait qu’elle venait de passer un test. Et bien que Franck ait voulu la mettre en position de faiblesse, il avait sous-estimé sa détermination.
Pourquoi cette obsession pour Abel-Malick ? Et surtout… pourquoi avait-elle l’impression que ce poste ne se jouerait pas uniquement sur ses compétences ?
L’air frais du matin caressa son visage tandis qu’elle s’éloignait du bâtiment. Ce qui était sûr, c’est qu’elle voulait ce poste. Et elle se battrait pour l’obtenir.
Après un weekend si mouvementé, Samira se sentait rassuré derrière son ordinateur à la BSA. "Il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier". Pour briser le plafond de verre au dessous de sa tête elle avait décidé de proposer un projet majeur à la direction générale. Elle comptait sortir des sentiers battus et ainsi les convaincre de ses aptitudes à occuper un poste de direction. Il s'agissait d'accroître les ressources en intégrant le secteur informel dans la bancarisation. C'était risqué, mais elles avaient faits des simulations, et cela en valait la peine. Pour avoir la validation du comité exécutif, son projet doit d'abord avoir l'accord de sa supérieure hiérarchique directe, Inès Kpan, et elle appréhendait sa réaction. Samira relut une dernière fois son mail, attacha le document du projet en pièce jointe, puis l'envoya. Il fallait qu'elle en discute avec Inès afin de la convaincre du bien fondé de son projet. Elle inspira longuement et se leva de son fauteuil. Le b
De retour chez lui Malick retrouva le calme légendaire de son appartement. Il soupira en refermant la porte, jeta un regard à sa chienne qui était à ses pieds. Elle tourna en rond, jappa légèrement, et renifla le tapis en soie comme si elle s’apprêtait à y marquer son territoire. — Tu n’as pas intérêt à bousiller ce tapis, murmura-t-il. Il coûte plus cher que ta gamelle pour l’année. Elle répondit par un jappement joyeux, remuant la queue. Malick roula des yeux. Il s’accroupit, l’observa un instant. Son poil était soyeux, ses yeux d’un noir brillant, pleins d’espièglerie. — Bon… il te faut un nom. Il hésita un moment, avant de murmurer : — euh Toupie. Ouais. Toupie, ça te va bien. Vu comme tu gigote dans tous les sens Elle jappa, ravie de son baptême. Il esquissa un sourire. Pendant qu’il allait chercher une vieille couverture pour lui faire un coin dans le salon, l'interphone sonna. Le concierge lui annonça une visite surprise. Il fronça les sourcils. Personne ne venait che
Ce week-end là, Samira avait donné rendez-vous à Malick, chez elle à sa résidence. Lorsqu'il reçut son message,dans une enveloppe noir avec à l'intérieur un mot et un pion blanc de jeu d'échecs : La dame.Le message disait ceci: 'Pour ce début de cette aventure, je t'ouvre les portes de mon intimité. Une surprise t'attend Tu ne me verras pas venir . Tu devras mettre la main à la pâte.S.A" Malick en était tout émoustillé. Elle voulait le recevoir chez elle, elle voudrait sans doute sortir le grand jeu de séduction. Ces derniers jours il partageait son temps entre Mami Chantal et son boulot. Il avait bien besoin d'une bonne partie de jambes en l'air, puisqu'il était devenu abstinent à cause du pacte qu'il y avait entre Samira et lui. Mais oserait il se laisser aller avec Samira ? Le gardien lui ouvrit la porte, et l'installa dans le séjour. Il y avait une musique entraînante. Il se demandait bien quelle tenue sexy, elle avait prévu pour se mettre en avantage pour ce premier rencard
Elle avait connu Elias, son ex époux à l'université. Elle était étudiante à l'Institut polytechnique et lui fraîchement sorti de cette brillante institution, revenait y donner une conférence. Ils avaient tout de suite accroché. Elias avait tout pour lui plaire: beau, attentionné, avenant. Il filait le parfait amour quand après deux ans, une belle opportunité professionnelle s'offra à lui, lui permettant de regagner son pays afin d'y occuper un poste influent. Il demanda Samira en mariage. Celle ci n'hésita pas une seconde à tout laisser tomber pour le suivre au Togo: ses propres ambitions professionnelles, ses amies, sa famille. Le mariage se fit rapidement et Samira et Elias s'installèrent à Lomé. Quelques mois plus tard Samira trouva un emploi dans une banque de la capitale Togolaise. Le couple filait le parfait amour. Samira s'adapta tant bien que mal à la famille ainsi qu'à l'entourage d'Elias. Durant la deuxième année de leur mariage le couple décida d'avoir un avis médical, puis
Le jardin du restaurant sur les hauteurs de Cocody baignait dans une lumière dorée. Le soleil amorçait sa descente, laissant sur les feuilles des arbres des reflets chauds et apaisants. Tout était calme, presque trop calme.Samira sirotait une eau gazeuse, la gorge un peu serrée. Face à elle, Abel-Malick, vêtu d’une chemise en lin couleur crème, la regardait avec cette intensité déconcertante qu’il maîtrisait à la perfection.—Alors, murmura-t-il en posant ses lunettes de soleil sur la table, on le signe, ce pacte ?—Pas un pacte, corrigea-t-elle. Un contrat. Avec des règles. Précises.Il sourit, amusé.—Très bien. Madame veut jouer aux dames ? Ou aux échecs ?—Aux échecs, répondit-elle sans hésiter. Chaque mois, je t’annonce qui je serai à l’aide d’un pion et d’un mot. Rien d’autre. À toi d’interpréter.—Et si je ne devine pas ?—Alors, tu perds l’avantage. Et moi, je gagne du terrain. Répondit-elle ,un sourire malicieux aux lèvres.Malick s’inclina légèrement, faussement solen
Il avait quitté sa maison cette nuit-là, hagard, le cœur serré, les souvenirs d’enfance resurgissant comme une tempête.À sept ans, il avait perdu sa mère. Une femme douce, lumineuse, dynamique qu’un accident de voiture avait emportée trop tôt. Il ne se souvenait que de son parfum et de la chaleur de ses câlins. Son père, effondré, avait rapidement épousé Hélène, croyant bien faire. Ce fut une erreur. Hélène n’était ni mère ni marâtre, elle était un poison lent, subtil, perfide.Elle lui infligeait des humiliations constantes, le punissait sévèrement pour des broutilles. L’enfermait dans le placard de la buanderie, l’obligeait à manger à part. Sonia et Franck, ses enfants à elle, régnaient dans la maison comme des petits rois, tandis que lui, l’héritier, le sang des Touré, grandissait comme un intrus dans sa propre demeure. Son père, lui était souvent absent, trop obsédé consolider le rêve professionnel qu’il avait chéri avec sa defunte épouse : la BSA. Le rêve d’être à la tête du ba