Share

L'alcool

last update Dernière mise à jour: 2025-05-29 15:16:01

C’était la première fois que je me retrouvais aussi proche d’un homme depuis… depuis trop longtemps.

Son bras autour de ma taille, sa présence imposante si proche de moi, le contact inattendu…

Je sentis le rouge me monter aux joues. Mon cœur battait trop vite. Je n’arrivais pas à reprendre mon souffle.

— Tout va bien ? demanda-t-il, les sourcils légèrement froncés.

Il avait l’air presque amusé ou intrigué. Je n’en savais rien mais il ne me lâcha pas. Au contraire.

Je sentis ses mains glisser, doucement, le long de mes côtes, puis revenir se poser à ma taille. Il effleura ma hanche, comme s’il voulait en mesurer la finesse. Comme s’il m’analysait, me décortiquait, me comparait à je ne sais quelle autre femme mieux nourrie, plus vive, plus saine.

— Tu es si mince… murmura-t-il. On pourrait t’enserrer entre deux mains.

Je compris alors. Ce n’était pas de la tendresse. C’était un jeu. Peut-être même une moquerie bien déguisée sous un ton trop suave.

Mon estomac se noua. L’humiliation me frappa de plein fouet. J’étais une bête de foire, un fantôme qu’on effleure pour vérifier qu’il est réel.

Je reculai brusquement, comme si sa main me brûlait. Je le repoussai sans ménagement, sans même oser lever les yeux vers lui.

— Ne me touchez pas, soufflai-je d’une voix tremblante.

Puis je partis. Rapidement. Presque en courant.

Ma main serrait encore le seau d’eau, et chaque pas faisait cliqueter les produits dans mon sac. J’avais l’air misérable, mais je préférais fuir comme une lâche que de rester là une seconde de plus à me faire observer comme un objet.

Chambre 602. C’était tout ce qui comptait à présent.

Juste nettoyer. Juste respirer. Juste survivre.

En entrant dans la chambre 602, je fus immédiatement saisie par la lourdeur de l’atmosphère. L’air était saturé de parfum trop cher, d’alcool renversé et d’une tension crasse. La lumière était tamisée, presque étouffante. Une jeune serveuse se tenait au centre de la pièce, ses épaules secouées par des sanglots silencieux. Son maquillage avait coulé, trahissant la peur qu’elle tentait de ravaler.

Je m’arrêtai net, les mains crispées sur le manche de mon balai. Mon regard balaya la scène sans s’y attarder, par réflexe de survie.

Je déglutis, et d’une voix que je ne reconnaissais même plus, je murmurai :

– Je suis là pour le ménage.

Un homme, affalé sur un canapé de cuir, tenait une bouteille à moitié vide dans une main, un verre dans l’autre.

– Bois cette bouteille entière, et tu peux partir, dit-il à la jeune femme.

Sa voix était traînante, assurée. Comme s’il donnait un ordre banal.

– Je… je ne suis pas une prostituée, sanglota la serveuse. Je suis juste une serveuse…

Sa détresse me serra le ventre. J’aurais voulu m’avancer. Faire quelque chose. Mais je restai figée.

L’homme se leva, lentement, posant son verre avec soin sur la table basse.

– Dans ce lieu, je peux faire boire n’importe qui. Même une femme de ménage.

Je sentis mon cœur s’arrêter une seconde.

Je me tenais droite, les bras tendus le long du corps, mon uniforme légèrement trop grand collé à ma peau moite. Mes cheveux, que je gardais toujours sur le front, dissimulaient ma cicatrice. J’aurais voulu devenir invisible. Fondre dans le mur.

Mais leur attention me foudroyait.

–Je suis venue faire le ménage, rien d’autre.

Ma voix était cassée, mais stable. À l’intérieur, pourtant, tout tremblait.

Je me sentais comme un meuble. Un objet posé là, bon à être ignoré… ou utilisé. Incapable de protester, incapable même de bouger. C’était la prison, encore. Mais sans les barreaux.

La serveuse s'essuya les joues d’un revers tremblant, puis secoua la tête, comme si elle voulait m’épargner.

– Je vais boire… C’est bon. Je vais boire.

Sa voix était brisée, mais résignée.

Mon cœur se serra. J’avais envie de crier, de lui dire de ne pas le faire mais je savais que ça ne changerait rien.  Je me tournai lentement, prête à quitter la pièce sur la pointe des pieds, me fondre dans l’oubli mais une voix glaciale surgit de l’ombre, au fond de la pièce :

– Retourne-toi.

Mon sang se figea. Mon souffle s’étrangla.

Mes jambes vacillèrent. Mon balai tomba sur le sol avec un bruit sec, mais je ne le ramassai pas. Je restai là, paralysée. La pièce était silencieuse, tous les regards suspendus. Je n’osais pas me retourner.

Je connaissais cette voix. Je la connaissais trop bien. Elle avait vécu dans mes cauchemars pendant trois ans.

Continuez à lire ce livre gratuitement
Scanner le code pour télécharger l'application

Latest chapter

  • Le Regret du PDG : reviens, mon amour   Non, j'en ai besoin.

    Je quittai le bureau à midi.Rachel me lança un regard surpris au moment où je passai devant elle, ma veste sur l’épaule et les traits tirés.— Vous partez déjà, monsieur Withemore ? demanda-t-elle, hésitante.Je m’arrêtai. Lentement, je tournai la tête vers elle.— Est-ce que j’ai besoin de votre autorisation, Rachel ?— N-non, bien sûr que non, je…— Alors contentez-vous de faire votre travail.Elle baissa les yeux, les joues rouges. Je n’avais pas la patience pour les questions inutiles. J’avais dans la main le roman de ma mère.En montant dans la voiture, mon téléphone vibra.— Dante ? fit la voix de ma mère. Mon livre est toujours avec toi ?— Oui.— Peux-tu me le rapporter, chéri ? J’aimerais le lire ce soir surtout si tu penses que c’est ton histoire.— Non.Un silence se fit.— Pardon ?— J’ai dit non. J’en ai besoin.Et je raccrochai.Je n’avais pas envie d’entendre sa voix mielleuse aujourd’hui.Une fois rentré chez moi, je jetai ma veste sur le canapé et allai directement s

  • Le Regret du PDG : reviens, mon amour   Comment ça a commencé ?

    La porte venait à peine de se refermer derrière sa mère que Dante s’effondra dans son fauteuil, le regard perdu sur le livre abandonné.Il n’eut pas le temps de se replonger dans ses pensées que Luke frappa doucement avant de repasser la tête dans l’entrebâillement.— Je viens d’avoir une idée. Si cette Lyvia Hale est réelle, je peux contacter un ami à moi en Islande. Il bosse dans l’édition là-bas. Peut-être qu’il a déjà entendu parler d’elle.Dante leva les yeux, un mince espoir traversant enfin son regard.— Fais-le. Tout de suite.Luke s’installa sur le canapé, sortit son téléphone et composa un numéro international.— Hé, Ásgeir ? C’est Luke. Dis-moi, tu peux m’aider ? Je cherche des infos sur une auteure de chez vous, Lyvia Hale. Tu connais ?De l’autre côté du fil, on entendait un léger rire étouffé.Luke fronça les sourcils.— Quoi ? Pourquoi tu rigoles ?Une voix grave et rieuse lui répondit en islandais, que Luke traduisit à Dante au fur et à mesure.— Il dit que bien sûr qu

  • Le Regret du PDG : reviens, mon amour   Idiot

    Dante n’avait pas attendu que sa mère raccroche.À peine la communication terminée, il se jeta sur son ordinateur et tapa frénétiquement sur le clavier :« Lyvia Hale auteure Les cendres de l’amour ».Rien.Aucune photo, aucune biographie, pas même une trace sur les réseaux sociaux.— C’est pas possible… murmura-t-il entre ses dents serrées.Il recommença la recherche, vérifia les maisons d’édition, le dépôt légal, les forums de lecture.Toujours rien.Plus il creusait, plus une certitude glaçante s’enracinait en lui.— Luke…Dante attrapa son téléphone, les doigts tremblants.— Luke, viens tout de suite à mon bureau. Maintenant. Pas dans dix minutes. Tout de suite.Le ton ne laissait aucune place à la discussion.Trente minutes plus tard, la porte s’ouvrit à la volée. Luke entra, essoufflé.— Qu’est-ce qui se passe, Dante ? T’as une tête de mec qui vient de voir un fantôme.Dante fit quelques pas dans la pièce avant de se retourner brusquement vers lui, les yeux brûlants.— Où en es-

  • Le Regret du PDG : reviens, mon amour   Le pouvoir des mots

    Je restai figé, le livre à la main, le cœur battant à tout rompre.Chaque ligne me revenait comme une gifle.La douleur.Les dialogues.Même la manière dont le personnage principal appelait l’heroine du roman.C’était nous.C’était moi.Impossible.Impossible qu’un écrivain ait pu deviner ça.À moins que…Je saisis mon téléphone, tremblant de rage et de panique, et composai le numéro de ma mère.Elle répondit aussitôt, joyeuse et légère.— Mon chéri ! Je venais justement de parler de toi à Patricia, tu devineras jamais—— Maman, où es-tu ?Elle marqua un temps d’arrêt, surprise par mon ton.— Eh bien… au restaurant la Plantation avec Patricia, pourquoi ?— J’ai besoin que tu me dises ce qui se passe après le premier chapitre de ton foutu livre.Un petit silence, puis un éclat de rire.— Attends… quoi ? Depuis quand tu t’intéresses aux bouquins ? Toi qui m’as dit il y a dix minutes de le jeter à la poubelle ?Je passai ma main sur mon visage, tentant de garder mon calme.— Maman, je t

  • Le Regret du PDG : reviens, mon amour   C'est quoi cette plaisanterie ?

    L’appartement que la maison d’édition avait réservé pour nous donnait sur la Seine. Une vue splendide, des murs immaculés, un mobilier design… le rêve de beaucoup. Mais pas le nôtre.Léna et Mila restaient plantées au milieu du vaste salon, le nez froncé.— C’est trop blanc ici, murmura Mila. On dirait un hôpital.— Et ça sent pas la mer, ajouta Léna, déçue.Je souris doucement.— Je sais, mes chéries. Ce n’est que pour un moment. Promis, on rentrera vite à la maison.Elles hochèrent la tête, sans grande conviction.Je leur caressai les cheveux, me promettant intérieurement de ne pas les laisser s’enraciner dans ce monde clinquant.La sonnerie retentit.Je sursautai.Un homme en costume noir, sourire figé, se tenait sur le seuil.— Bonjour madame Hale, je suis le chauffeur. Madame Green m’a demandé de conduire les jeunes demoiselles à l’école.— L’école ? Déjà ?Il hocha poliment la tête.Je n’eus pas le temps d’argumenter que Léna poussa un cri de joie :— Maman, regarde !En bas, su

  • Le Regret du PDG : reviens, mon amour   Paris

    Je n’avais pas rouvert l’ordinateur depuis la veille.Mais ce matin, alors que j’ouvrais ma boîte mail, une notification apparut dans le coin de l’écran : “Dante Withemore fait encore parler de lui.”Mon cœur manqua un battement.Je cliquai, malgré moi.Cette fois, la photo n’était pas celle du club.On y voyait Dante sortir d’un hôtel parisien. Il portait un manteau long, les cheveux courts, et un air si… beau.Je restai figée quelques secondes, avant de refermer brusquement l’onglet.Pourquoi je faisais ça ? Pourquoi je m’infligeais encore ça ?Je fermai l’ordinateur, inspirai profondément et chassai la douleur comme on repousse un mauvais rêve.Les filles avaient besoin de moi.Plus tard dans la matinée, Mila et Léna étaient assises à table, dessinant des ballons et des gâteaux pour leur fête d’anniversaire.Leur rire emplissait la pièce — un son pur, léger, presque magique.Je les regardais, et malgré tout, un sourire m’échappa.— Maman ? demanda Léna sans lever la tête.— Oui, ma

Plus de chapitres
Découvrez et lisez de bons romans gratuitement
Accédez gratuitement à un grand nombre de bons romans sur GoodNovel. Téléchargez les livres que vous aimez et lisez où et quand vous voulez.
Lisez des livres gratuitement sur l'APP
Scanner le code pour lire sur l'application
DMCA.com Protection Status