Cet énième message me laisse complètement démunie. Je ne sais plus ce que je dois faire ou ne pas faire. Il est des choix cornéliens dans l’existence comme celui-ci, mais une chose est sûre, il en va de ma responsabilité. Je dois préserver mon mari, et me préserver aussi, car l’escalade de violence portée sur ses animaux ne peut plus durer. L’auteur du texto ne raconte pas de salades. Si je n’obtempère pas à son commandement de partir, Scott en pâtira… lui et ses bêtes.
Voilà une heure que je cogite, retournant tous les scénarios possibles et imaginables dans ma tête. J’en arrive à la même conclusion. Manifestement, ma seule option va dans ce sens. La fuite… encore ! Mais pour d’autres raisons. Je l’aime, je l’aimerai toujours, il ne peut en être autrement. Quoi qu’il se passe à l’avenir, je m’efforcerai de l’oublier, d’oublier l’amour que je ressens à ses côtés, j’oublierai ses bras chauds m’enlacer, sa bouche avide se poser sur moi, l’odeur de son cou quand, frémissante, j
Un lion en cage serait plus calme que moi à l’instant même. Runway fait ronronner son moteur et d’un signe de la main, me dit au revoir de la fenêtre. Je suis dans la merde, c’est la merde totale ! Comment ma vie a-t-elle dérapé de cette manière ? J’accable d’instinct Anaëlle sachant qu’elle n’a à sa charge qu’une partie de mes ennuis. Pourquoi s’évertue-t-elle à vouloir s’en aller ? Pour quelles obscures raisons renonce-t-elle à la fortune ? Et pourquoi renonce-t- elle à notre amour, bon Dieu ! Tic tac… tic tac… tic tac… tic tac… La comtoise me tape sur le système, et stupidement je bats la mesure avec elle du bout de ma botte. Minuit. L’heure du crime. L’heure pour moi de trancher, de mettre fin à ma relation avec Anaëlle ou pas. L’heure de poursuivre ceux qui m’ont agressé, et surtout, ceux qui s’en sont pris à la chair de ma chair, mes animaux. Quand je repense à mon varan occis, mutilé, des larmes de rage me piquent les yeux, je les refoule, fini l’attitude de m
Le hall de Jefferson County tourne au ralenti à cette heure de la nuit. Les bruits étouffés m’angoissent, les gens se déplacent à la vitesse d’un escargot tout autour, les pauvres pèlerins attendant leur avion sommeillent sur des bancs, et les employés de l’aéroport travaillent en traînant les pieds. Une indolence qui contraste avec mon état intérieur. Ce silence amplifie les sons ressortant de ma poitrine. Mon cœur implose devant le spectacle pathétique qui s’offre à moi.Mon monde s’écroule, je dévale les marches de la souffrance, et bientôt l’enfer va s’ouvrir sous mes pieds en les voyant s’embrasser. J’aimerais briser les vitres, dessouder leurs lèvres qui se joignent. Séparer mon mari des lèvres de cette femme et hurler qu’il m’appartient pour la vie, pour le pire et le meilleur. Ça me fout un coup de poignard dans le cœur. De savoir qu’il en aime une autre est une chose, de le constater de visu m’écœure. Et comme une maso, je jette un dernier coup d’œil. C’est malsain, mauv
Assis à même le sol, il semble qu’un aimant m’attire vers Anaëlle. Mes efforts pour garder une distance raisonnable s’apparentent à un défi que j’ai peur de perdre. Juste avant, je l’ai bercée, consolée, et jamais il m’a paru aussi limpide qu’elle et moi, nous ne faisons qu’un. Mes bras sont faits pour l’enlacer, ma bouche pour posséder la sienne. Là, je remue le couteau dans la plaie, et profondément en m’attardant. Mais c’est si compliqué de se résigner, de ne pas lui crier que ma souffrance égale la sienne. Si seulement je pouvais retourner la situation, lui expliquer ce qui s’est réellement passé, elle saurait que cette rouquine ne représente rien pour moi sauf le gage qu’elle reste en vie. Des épreuves, j’en ai surmonté, des petites, des grosses, des montagnes impossible &ag
Derrière le comptoir désertique, la jeune femme me tend le papier, voyant mon manque de réaction, elle redit mon nom plus fort.Je sursaute.Blatte.Ça sonne si faux, Anaëlle Blois sonne plus juste.J’aimerais crier que je porte le nom de mon mari, que je lui appartiens, qu’aucun autre ne saura sublimer mon corps, faire frissonner mon cœur, se loger dans mes pensées nuit et jour rien qu’à l’évocation de son prénom. La vie avec lui n’aura été qu’une flamme insaisissable, le début d’un brasier ardent étouffé avant son apogée. Tout à l’heure, j’ai crié ma rancœur dans la foule, hurlant mon désespoir à mon mari et fustigeant Sophie par un simple mot. Je me suis aussi mise à nu à cet instant, avec l’espoir d’un retournement de situation. Une maigre lueur au fond de moi a brillé, un brin de magie qui replacerait les choses dans leur contexte initial, soit Scott avec moi et elle, avec son notaire. Mais ils s’en sont allés, bras dessus bras dessous, soudés par leurs main
Le parking dépassé, nous traversons un grand hall à l’allure d’un repaire pour millionnaire. Beaumont possède donc ce genre de bâtiment ! Les boîtes aux lettres alignées sur un pan de mur révèlent des noms en surbrillance qui me sont impossibles à déchiffrer d’où nous sommes. Je présume que les propriétaires entrent dans le lot des businessmans dont le pied-à-terre texan sert à la fois aux affaires et à la villégiature. Les New-Yorkais aiment se ressourcer sur nos terres, puis se vanter de leur périple auprès de leurs amis en se congratulant d’avoir vécu dans un pays hostile. Je suis mort de rire intérieurement.Lorsque mon sérieux revient, la réalité l’accompagne. Ce petit break mental m’a permis de relativiser. Plissard va en avoir pour son argent, dès que nous serons à l’abri des regards, mes poings joueront des castagnettes sur son minois de bourgeois. Je les suis sans broncher. Nous prenons l’ascenseur en compagnie d’une vieille dame. Son petit yorkshire dans les bra
Trente-six heures de vol, douloureux, angoissants et blessants. Baptiste a été le plus compréhensif des hommes, me consolant comme si nous nous étions connus depuis des lustres. Mieux, il m’a considérée comme sa fille, et c’est sur son épaule qu’exténuée, je me suis endormie durant la fin du voyage nous ramenant sur le sol français. À mon grand étonnement, nous avons atterri à Aulnat, l’aéroport proche de Beaumont. J’ai découvert un paysage citadin, entouré de montagnes verdoyantes malgré la chaleur. Les températures sont élevées, mais l’air y est moins suffocant qu’au Texas. L’heure tardive apporte un léger vent frais, assez pour respirer normalement et reprendre contact avec la vraie vie. Car le long courrier Beaumont-Aulnat m’a paru s’éterniser. Je ne sais plus quel jour nous sommes ni même quelle année tellement le jet-lag me déconnecte.— Nos chemins s’arrêtent ici, ma chère Anaëlle.Baptiste me regarde me décomposer, ma tête renvoie toutes mes inquiétudes. Où vais-je all
Je suis attaché à la chaise, n’ayant qu’une faible marge de manœuvre pour me détacher, mes tentatives deviennent hésitantes.Trop occupé à me narrer son projet du début à la fin, Plissard n’a pas jugé bon de me ligoter les jambes. Son plan est aussi aberrant qu’absurde. Il regarde trop de films !Voici un condensé de notre conversation avant qu’il n’aille s’envoyer en l’air.— Comment parviendrez-vous à récupérer légalement la somme que François m’a léguée ?— Facile, tu vois la caméra ? Nous allons jouer une partie de poker, toi, moi, Sophie et un quatrième qui nous rejoindra. Tu perdras tout, et me feras une reconnaissance de dette. C’est astucieux, n’est-ce pas ?Complètement débile me semble plus juste. Je ne connais pas la loi sur le bout des doigts, mais à moins de me tuer puis de faire disparaître mon corps, son idée semble sortie d’une tête de gosse attardé. Là où ma colère m’a rongé, c’est le moment où il m’a avoué qu’Anaëlle sera destituée de ses biens puisq
La petite boutique de Maryse, la femme d’Albert, se situe au centre de la ville de Beaumont. J’en ris encore, comme Baptiste. Ce rire n’enlève rien à mon chagrin, cependant, j’admets que le coup de pouce du destin m’a bien arrangée. Je travaille depuis deux semaines Aux mains d’argent, et réside au-dessus du magasin, dans un studio simple et fonctionnel. Malgré les efforts déployés par mes employeurs, l’étroitesse du lieu me rend claustrophobe, les grands espaces me manquent, le Texas me manque, Scott me manque plus que tout. Je passe mes soirées sur un divan convertible à regarder les photos de notre mariage en retombant amoureuse de lui sans cesse. Pourtant, la face de Sophie me revient comme si c’était tout de suite, je les revois à l’aéroport, son bras sous celui de mon mari, sa bouche collée à la sienne. Avec toutes les preuves du monde sous les yeux, il y a une chose que mon cœur n’accepte pas : le détester. Je l’aime quand même, mon être entier a envie de lui, de ses