LOGINL'amour, c'est le plus beau des sentiments qui puisse exister. Mais à ça s'ajoutent d'autres facteurs qu'on ne peut absolument pas mettre de côté.
Un enfant représente beaucoup pour un foyer. Ce lien indescriptible entre deux personnes… ce lien nous avait été refusé, et je m'en voulais de n’avoir pas pu combler mon foyer d’un être si merveilleux. Bryan voulait un enfant du plus profond de son cœur, mais je ne pouvais pas lui donner ce qu'il désirait tant ; j'en étais incapable. J'étais une femme, mais à moitié. Ce désir a eu raison de nous. Je n'avais pas besoin de l'entendre me le dire, je ressentais ses non-dits. L'espoir dans ses yeux s'éteignait petit à petit, et j'étais incapable de le rallumer. Nous partagions à présent la même maison, mais entre nous, la flamme s'était éteinte. Les tentatives, à maintes reprises, se soldaient par le même résultat. — Vous ne pourrez pas avoir d’enfant ! Il vous est impossible de porter une grossesse à terme ! Au début, je refusais de m'y résoudre. Je voulais un enfant. Bryan voulait un enfant. Notre amour avait besoin de cet enfant. Le jour où tout a basculé, je m'en rappelle comme si c'était hier. Nous rentrions désespérés après une énième tentative ratée, un énième résultat négatif, un énième espoir qui disparaissait. À la différence des tentatives précédentes, cette fois-ci, je vis dans le regard de Bryan l'espoir le quitter totalement. Nos mains, autrefois entrelacées, s’étaient séparées, et à aucun moment sa main n'avait frôlé la mienne. Un silence régnait à présent. J'avais besoin de son réconfort, mais je ne le trouvais plus. Bryan survivait, mais là, c'était de trop. Pour ne rien arranger, les visites de sa mère ne manquaient pas de me rappeler à quel point j'étais devenue « inutile » comme femme. — Tu ne mérites absolument pas mon fils. Libère-le, il mérite d'avoir une famille. Si tu n'en es pas capable, tu devrais le laisser refaire sa vie avec une femme qui en vaudra le coup ! Je me mettais dos à elle. Ses paroles retentissaient comme des coups de poignard, mais ce qu'elle disait n'était pas faux. C'était blessant, certes, mais c'était vrai. J'étais incapable de donner un enfant à son fils. Je le privais de ce droit. Et je comprenais que Bryan commençait à en avoir marre… Plus de : — Maman, ça suffit ! Ça arrivera au bon moment ! Laisse-nous du temps ! Carine, c’est la femme de ma vie et nous aurons nos propres enfants ! Tout ça n’existait plus et je ne pouvais pas lui en vouloir. Au contraire, je m'en voulais. Qu'avais-je fait pour ne pas mériter ce droit d'enfanter, moi aussi ? N'en étais-je pas digne, moi aussi ? Jamais je ne serais heureuse d'avoir mon enfant dans mes bras, de le bercer, de le nourrir et de lui dire à quel point sa naissance est la plus belle des choses qui me soit arrivée. Ce câlin magique qui me rassurait à chaque désillusion, je ne le recevais plus. Et à force, je ne le réclamais plus. Les repas refroidissaient sous l'attente interminable des soirées où je me retrouvais de plus en plus seule. Cette première fois où il a décidé de retrouver ses copains pour « une soirée », je m'en souviens encore aujourd'hui. — Bryan, le dîner est servi ! D’un regard en coin sur la table, il attrapa aussitôt son blouson et lança cette phrase : — Je ne dînerai pas à la maison ce soir. Je vais passer la soirée avec des potes ! — Bryan, ne… À peine avais-je commencé à parler que la porte se referma aussitôt derrière lui. En presque quatre ans de vie commune, Bryan n'avait jamais manqué un dîner. Ses copains, avec qui il préférait désormais passer ses soirées, étaient autrefois accueillis à la maison, et nous nous retrouvions autour de ce repas. Mais ce soir-là, il déclara ne pas le passer à mes côtés. Je m’appuyai contre la table, puis petit à petit je me résignai et m’assis. Face à moi, une chaise vide… celle qu’occupait Bryan, qui ne manquait pas autrefois de me prendre la main et de me rappeler à quel point j’étais la femme de sa vie et que nous aurions une belle et grande famille. Ce soir-là, je me retrouvai toute seule, et c'était le début d'une longue descente dans le néant. Il rentrait désormais tard, et mes remarques étaient plus insignifiantes les unes que les autres. J'avais l'impression de l'ennuyer. À peine je commençais à parler qu’il me tournait le dos, ou qu’il s’endormait sur le canapé du salon. Il n'allait plus bien, c'était évident. Et moi non plus. Mes pensées me hantaient. Je me sentais fautive. Je ne parvenais pas à devenir la mère de ses enfants tant attendus et espérés. Et ma jalousie envers les autres femmes s’intensifiait malgré moi. Je voyais la distance entre nous comme une trahison. À la moindre occasion, je fouillais son portable. Je ne trouvais rien, mais ça ne me rassurait pas non plus. — Carine, qu'est-ce que tu fais ? Tu fouilles dans mon portable ? Qu'est-ce qui t'arrive ? Rouge de colère, je ne tardai pas à exprimer ce que je ressentais. — Bryan, qu'est-ce qui nous arrive ? Je ne te reconnais absolument plus. Tu m'évites, tu ne me calcules plus du tout. Je suis devenue invisible, c'est ça ? Après tant d'années, c'est comme ça que tu me traites ? Il me regarda en silence. J'aurais préféré qu'il dise un mot. Mais non, il me fixait. J'avais besoin d'entendre sa voix, de l’entendre me rassurer, de croire que tout irait bien et que nous surmonterions cette épreuve ensemble, plus soudés que jamais. Mais non. Cette fois-ci, j'étais seule face à cette réalité qui me sautait au visage. Je ne pouvais pas être mère, et Bryan en avait marre d'attendre ce qui n’arriverait jamais. — Je sors, je vais prendre l'air. Ne m'attends pas ! Je ne devais plus l'attendre. Je ne devais plus m'inquiéter pour lui. C'est dur, pour une femme, de se rendre compte qu'elle n'est plus suffisante pour son mari. C'est très dur, même. Arriva ce fameux jour où j’ai ressenti le déclic. Je l’ai vu du haut de notre véranda. Il souriait avec une autre femme. Il lui tenait les mains, et je le voyais à nouveau heureux. À un moment, il leva la tête vers le balcon. Ma main s'agrippa à la porte et mon pied recula, mais il me vit… et je crois qu'il voulait que je le voie. Je sentis la tristesse et la douleur m’envahir tout entière. Mon cœur criait à l’aide sans que je ne puisse parler. Je saignais de douleur, et mes yeux rougissaient de désespoir face à cette scène. Était-ce vraiment la fin ? Si je voulais me voiler la face, la réalité, elle, était toute autre. Les appels nocturnes, les messages tard le soir, les sorties de plus en plus fréquentes, et cette froideur entre nous deux… Ses silences me tuaient à petit feu. Je devenais esclave de cette vie de couple qui n’était plus fondée sur rien. Une fin de journée, où Bryan n’était toujours pas là, je fis ce choix. Un choix lourd de conséquences. Mais à quoi bon, puisque je ne lui apportais plus rien ? À quoi bon, si je n’étais plus celle qui le faisait rire et avec qui il voulait passer ses journées ? Je me suis décidée, enfin. La main posée sur ma poitrine, les yeux inondés de larmes, je lui laissai cette lettre. Cette lettre qui marqua la fin du supplice que nous subissions tous les deux. Je quitte sa vie. Et avec moi, mon infertilité.— Anita ? l’interpella Lise, assise sur son lit, face à son ordinateur.— Oui ma ! répondit-elle en rentrant aussitôt.— Anita, est-ce que tout va bien ? Elle s’est déjà endormie ?— Oui ma. Elle a fini par s’endormir.— D’accord. Tu peux aller te coucher. Je resterai pour veiller.— D’accord ma. Bonne nuit, dit-elle.— Bonne nuit Anita, répondit Lise.Son regard crispé se détendit progressivement, devenant plus léger.Elle laissa s’échapper un soupir avant de se remettre au travail. Son regard, à nouveau posé sur l’écran de son ordinateur, se figea subitement. Ses doigts s’arrêtèrent d’écrire.Et son regard se crispa d’un coup. Petit à petit, elle leva la tête. Dans ses yeux, une lueur brillante s’y voyait. Ses traits de visage se tendirent.« Il t’a fait tellement de mal Carine. Tellement. J’espère qu’il souffre autant que tu as souffert », pensa-t-elle fortement.Tout à coup, elle regarda autour d’elle. Puis, elle prit son portable et composa précipitamment un numéro.— Bonsoir Doc
Une année plus tôt...— Carine, ma belle, que comptes-tu faire ? Veux-tu encore lui en parler ? demanda Lise, le visage marqué par l’inquiétude.Elle se rapprocha de Carine, s’assoyant près d’elle tout en lui tenant la main tendrement.Le regard fixé vers les vitres des fenêtres, Carine semblait ailleurs. Elle se tourna quelques instants plus tard face à son amie.Dans son regard vide et peu luisant, on y voyait de la tristesse dissimulée.— Je ne sais pas, Lise... je suis confuse. Est-ce qu’il le mérite vraiment ? répondit-elle d’une voix abattue et neutre.Le regard de Lise devint tout aussi triste ; elle lui recouvrit la main de son autre main, tentant de lui apporter un petit réconfort.— Je comprends, Carine... mais c’est tout de même le...Soudain, l’alarme retentit.Les deux femmes échangèrent un regard vif, toutes deux intriguées par cette visite si soudaine.— Mais qui ça peut être ? Et si c’était lui ?... s’exclama Lise.Le regard de Carine se figea tout droit vers le couloi
Bryan s’avançait tout droit. Son regard semblait vide, comme si plus rien n’avait d’importance pour lui.Il marchait à pas mesurés. Chaque pas paraissait transporter un poids.Il marchait suivant un cheminement dont lui seul connaissait l’itinéraire.Tout à coup, il vira vers une ruelle. Aussitôt, ses yeux se dirigèrent juste en face.Ses yeux brillaient, comme s’ils allaient laisser s’échapper des larmes. Une brise de vent intense souffla brusquement, faisant couler ses yeux qui s’emplissaient déjà de larmes.— Carine…, souffla-t-il.On aurait dit qu’il la voyait, que son souvenir venait de lui réapparaître. Ses yeux figés vers cette ruelle, Bryan avança d’un pas, puis d’un deuxième, jusqu’à ce qu’il y soit déjà.Il s’enfonça dans cette ruelle tout droit devant lui.Soudain, son regard parcourut autour de lui. Cette même atmosphère chaleureuse qu’il retrouvait, l’odeur de café qui s’intensifiait. Ses mains se rapprochèrent du mur. Tout était pareil, rien n’avait changé. Les pierres s
— Bryan, il est temps que tu partes… Le taxi t’attend. Pas besoin de me remercier, répéta de nouveau Lise sur un ton assez ferme.Bryan se redressa progressivement, sa main passa sur son visage, essuyant les larmes apparentes dans ses yeux.S’appuyant sur le fauteuil, il se releva et se retourna face à Lise, et lui dit d’une voix assez rauque mais emplie d’un grand chagrin :— J’espérais venir ici pour obtenir une réponse… Carine était la femme de ma vie et je n’ai jamais cessé de l’aimer, malgré tout ce qu’elle et toi auriez pu penser.Puis, il se tourna vers la boîte. Il rangea les lettres, referma la boîte et la prit avec lui, se tournant à nouveau vers Lise dont le regard en disait long sur la colère qu’elle-même ressentait.— Je ne voulais pas que ça se termine comme ça. Carine était ma moitié. Notre rupture n’a été qu’une foutue erreur. Et toi, tu aurais dû être là pour nous aider, pas être uniquement présente à ces derniers instants. C’était ma femme, même si nous ne l’étions p
Plusieurs années plus tôt,— Oh chérie, j’ai vu Cathy aujourd’hui au marché, dit Carine en apprêtant le dîner.— T’en es certaine chérie ? Aux dernières nouvelles, elle est censée rentrer de ses vacances le week-end prochain, répondit Bryan, tout en regardant la télévision.Carine plissa légèrement les yeux.— Chéri, le dîner est prêt, annonça-t-elle.Elle s’avança vers la table dressée de couverts et y déposa la première partie du repas.Bryan se leva aussitôt du canapé, son visage illuminé d’un sourire tendre et affectueux.— Mais chérie, ça sent tellement bon, dit-il en se rapprochant d’elle.Il l’embrassa tendrement et les deux s’échangèrent un regard amoureux.— Tu sais que je t’aime de tout mon cœur, murmura Carine.— Moi encore plus. T’es l’amour de ma vie et je ne t’échangerais pour rien au monde, répondit Bryan qui l’embrassa une nouvelle fois.— Maintenant, asseyons-nous, le dîner risque de refroidir Bryan, le repoussa-t-elle tout doucement.Bryan ne détourna pas son regard
Le poing de Bryan se serra plus fort encore. Son visage était marqué par la colère et une profonde tristesse. Son regard assombri ne fixait que cette lettre qui venait de lui révéler cette désillusion qu’a ressentie Carine en le voyant avec une autre femme.Sa gorge et sa mâchoire se resserraient, ses yeux avaient déjà bien rougi à force de pleurer.Au fond de lui, quelque chose s’était brisé. Et à cause de lui, Carine n’avait pas pu être comblée jusqu’à ses derniers jours.Brusquement, il se leva de son siège, plia les lettres et les remit dans le coffret. Cette fois-ci, il ne la rangea pas dans le tiroir. Il la couvrit de sa veste et s’en alla.Lise referma tout doucement la porte de sa chambre. Une fois dehors, ses yeux brillaient et, d’un revers de la main, elle nettoya les larmes qui s’apprêtaient à sortir.Puis, elle descendit jusqu’au salon, s’asseyant face à son ordinateur afin de se plonger dans le travail. Elle se passa nerveusement les mains sur ses cheveux. Ensuite, elle s







