Le matin arriva plus vite que Rosette ne l’aurait voulu.
Malgré la nuit agitée qu’elle avait passée, elle se força à se lever comme si de rien n’était. Elle se prépara rapidement, attrapa son sac et sortit de chez elle sans même prendre de petit-déjeuner. Elle n’avait plus envie de se torturer l’esprit avec ces histoires étranges. Elle en avait assez. Assez de ces avertissements cryptiques, assez de ces tensions incompréhensibles avec Alex, assez de cette sensation oppressante qui lui collait à la peau depuis son arrivée à Saint-Célestin. Je ne veux plus me mêler de ça. À partir d’aujourd’hui, elle se concentrerait uniquement sur ses cours. Sur son avenir. Pas sur des mystères absurdes qui ne la concernaient pas. Elle arriva au lycée et entra en classe, ignorant les regards curieux et les murmures autour d’elle. Elle s’installa à sa place et ouvrit son cahier, bien décidée à se plonger dans le cours d’histoire qui allait commencer. Mais alors que le professeur expliquait un passage sur les guerres médiévales, un cri perçant retentit à l’extérieur. Un cri de terreur. L’atmosphère dans la salle changea instantanément. Les élèves se figèrent, leurs stylos arrêtés en plein mouvement. Un autre cri s’éleva, suivi d’un bruit sourd. Comme quelque chose… non, comme quelqu’un qui s’écrasait violemment contre le sol. Un silence de plomb tomba sur la classe. Puis ce fut le chaos. Les élèves se levèrent brusquement, certains se précipitèrent vers les fenêtres, d’autres échangèrent des regards paniqués. — Quelqu’un est tombé du toit ! hurla une voix. Le professeur se rua hors de la salle pour voir ce qui se passait. Rosette, elle, resta figée. Ses doigts se crispèrent sur son bureau alors qu’un frisson glacé parcourait son échine. Non… ce n’est pas possible… À l’extérieur, les sirènes commençaient déjà à retentir. Quelques minutes plus tard, la nouvelle tomba comme une enclume. Une élève venait de se suicider en sautant du toit. Et le plus terrifiant… C’était qu’elle avait confié à certaines personnes qu’elle était menacée. Que quelqu’un l’avait poussée à bout. Rosette sentit son sang se glacer. Son désir de rester en dehors de tout ça venait d’exploser en mille morceaux. bruit des chaises raclant le sol, les cris des élèves affolés et les pas précipités vers la sortie emplissaient la salle de classe. Tout le monde voulait voir ce qui venait de se passer. Mais au moment où Rosette s’apprêtait à suivre le mouvement, une main puissante s’empara brusquement de son bras et la tira en arrière. — Qu’est-ce que— ?! Avant qu’elle ne puisse protester, une force implacable la plaqua contre le mur, la coupant du tumulte autour d’elle. Alex. Son regard était plus sombre que jamais, brûlant d’une intensité effrayante. — Je t’avais prévenue. Son ton était bas, menaçant, tranchant comme une lame. Rosette tenta de se dégager, mais il resserra son emprise sur son poignet. — Lâche-moi ! siffla-t-elle entre ses dents. Mais il ne bougea pas. Il se contenta de la fixer, son visage impénétrable. — Tu vois ce qui arrive quand on se mêle de ce qui ne nous regarde pas ? murmura-t-il. Son souffle glacial effleura sa peau, déclenchant un frisson involontaire le long de sa nuque. — Elle a sauté du toit, Alex. Son cœur battait à tout rompre. C’est… c’est horrible ! — Elle n’a pas sauté. Rosette sentit son estomac se tordre. — Quoi ? souffla-t-elle, la gorge nouée. Alex se pencha légèrement, réduisant encore plus l’espace entre eux. — Elle a été poussée. Un silence pesant s’abattit sur eux. Tout autour, les voix affolées des élèves résonnaient encore dans les couloirs. Mais Rosette n’entendait plus rien. Juste le bruit sourd de son cœur cognant dans sa poitrine. Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Alex la relâcha soudainement, mais son regard restait aussi tranchant que ses paroles. — Si tu ne veux pas être la prochaine, reste en dehors de ça. Et sans attendre sa réponse, il tourna les talons et disparut dans la foule. Rosette, elle, resta figée contre le mur. Un frisson glacial lui parcourut l’échine. Elle a été poussée… Et si c’était vrai ? Si ce n’était pas un simple suicide ? Un frémissement de peur et de doute s’immisça en elle. Elle avait voulu renoncer à ces mystères. Mais maintenant, elle n’en était plus si sûre Rosette resta figée un long moment, son dos toujours plaqué contre le mur, son esprit embrouillé par les mots d’Alex. “Elle a été poussée.” Elle aurait voulu croire qu’il mentait, qu’il essayait juste de lui faire peur… mais tout en elle lui criait qu’il disait la vérité. Elle inspira profondément, tentant de calmer le tumulte dans son esprit. — Rosette ! Elle sursauta légèrement en entendant une voix familière. Orchidée fendit la foule agitée et s’arrêta devant elle, l’expression inquiète. — Je te cherchais ! T’as vu ce qui s’est passé ? C’est dingue… Rosette hocha lentement la tête. — Oui… j’ai entendu… Orchidée secoua la tête, comme si elle essayait elle-même de digérer l’information. — C’est horrible. Franchement, j’ai besoin de me changer les idées, et je pense que toi aussi. Ça te dit qu’on sorte un peu en ville ? On va boire quelque chose, faire un tour, peu importe, mais il faut qu’on pense à autre chose. Rosette hésita. Elle avait encore cette boule au ventre, cette sensation étrange de malaise. Elle aurait peut-être dû rentrer directement chez elle, s’enfermer dans son cocon et tenter d’oublier cette journée cauchemardesque. Mais en même temps… rester seule avec ses pensées n’arrangerait rien. Elle releva les yeux vers Orchidée. Son amie lui lançait un regard encourageant, un petit sourire en coin, comme pour la convaincre. — D’accord… allons-y. Orchidée s’illumina. — Génial ! On va à la Place Centrale, il y a un café sympa là-bas. Sans attendre, elle l’attrapa par le bras et l’entraîna hors du lycée, loin du chaos et des murmures pesants qui flottaient encore dans l’air. Rosette se laissa guider, espérant que, ne serait-ce qu’un instant, elle pourrait oublier l’ombre grandissante qui semblait planer sur Saint-Célestin. Le café où Orchidée avait emmené Rosette était un véritable bijou niché au cœur de la Place Centrale. Avec ses grandes baies vitrées, son ambiance tamisée et ses fauteuils en velours, il dégageait une élégance feutrée qui impressionna immédiatement Rosette. Elles prirent place à une table près de la fenêtre, et une serveuse vint rapidement prendre leur commande. Orchidée opta pour un chocolat chaud avec de la crème fouettée, tandis que Rosette, un peu hésitante, demanda un simple cappuccino. Quand leur commande arriva, Rosette observa sa tasse avec une certaine appréhension avant d’y tremper les lèvres. La chaleur du café et sa légère amertume se mêlèrent à la mousse onctueuse, la surprenant agréablement.Un silence glacial tomba dans la pièce.Monsieur Will et Monsieur Graham se regardèrent, comme s’ils évaluaient la menace. Puis, le directeur reprit d’un ton plus posé :— Très bien, Alex. Puisque tu sembles tant tenir à elle, nous allons lui laisser du temps. Mais elle devra nous rendre ce livre et assister aux réunions.Il se tourna vers Rosette.— Quant à toi… Ne t’avise pas de jouer à la plus maligne. Tu es déjà marquée.Rosette déglutit, incapable de prononcer un mot.— On y va, murmura Alex en lui prenant le bras.Elle se leva et le suivit sans un mot, le cœur battant à tout rompre.Elle était loin d’être tirée d’affaire.En sortant du bureau, Alex continuait à tenir fermement le bras de Rosette. Elle le sentait tendu, prêt à l’arracher de cet enfer, mais quelque chose en elle refusait d’accepter son aide.Elle s’arrêta brusquement dans le couloir et se dégagea violemment.— En sortant du bureau, Alex continuait à tenir fermement le bras de Rosette. Elle le sentait te
Après avoir quitté Alex sans un mot de plus, Rosette traversa le couloir d’un pas rapide. Son cœur battait encore fort dans sa poitrine, mais elle refusait de se laisser troubler par lui. Elle avait besoin de réponses, et la seule personne à qui elle pouvait encore parler… c’était Orchidée.Elle la repéra près des casiers, en train de discuter avec une autre élève. Dès que leurs regards se croisèrent, Orchidée sembla hésiter avant de s’approcher.— Tu vas bien ? demanda-t-elle d’une voix douce.Rosette ne savait même plus si elle pouvait croire à son inquiétude. Mais malgré tout, elle avait besoin d’en savoir plus.— Tu fais partie de cette organisation, n’est-ce pas ? lança-t-elle à voix basse.Orchidée écarquilla les yeux, surprise par la question directe.— Rosette, écoute…— Ne me mens pas.Orchidée baissa les yeux, visiblement mal à l’aise. Son silence en disait long.Rosette sentit un frisson lui parcourir l’échine.— Depuis quand tu es impliquée là-dedans ?Orchidée
Ce soir-là, alors que le silence s’installa dans les couloirs vides, Rosette comprit que son chemin venait de se diviser. Elle ne pouvait plus ignorer la vérité qui se cachait derrière ces masques et ces alliances. Elle devait désormais agir, et découvrir la véritable nature de ceux qui régnaient dans l’ombre du lycée Saint-Célestin.Rosette était rentrée chez elle après une journée de cours, l’esprit toujours envahi par le tumulte des événements récents. Elle s’était jetée dans une routine mécanique, mangeant sans appétit, juste pour combler un vide qu’elle ne comprenait pas encore totalement. Les images du baiser d’Alex et Sacha, l’étrangeté de l’école, la menace de l’organisation pesant sur elle — tout cela se bousculait dans son esprit, mais aucune réponse ne semblait à portée de main.Alors qu’elle se dirigeait vers sa chambre, prête à s’effondrer sur son lit et à tenter de se vider l’esprit, un léger coup frappé à la porte la fit sursauter. Elle n’attendait personne. En fronça
Rosette se rendit à l’école en compagnie d’Alex, mais l’atmosphère entre eux était différente. Tandis qu’ils traversaient le hall principal, les regards des autres étudiants se posaient sur eux, certains curieux, d’autres ouverts à la moquerie. Alex, impassible, avançait avec cette confiance arrogante qui semblait l’accompagner à chaque pas, mais Rosette se sentait mal à l’aise. Elle n’aimait pas cette attention, et plus encore, elle ne comprenait plus pourquoi elle se retrouvait à marcher aux côtés de cet homme.Dès qu’ils arrivèrent devant les portes de la salle de classe, elle s’arrêta brusquement. Alex ne sembla même pas remarquer l’hésitation de Rosette. Ses yeux étaient rivés sur elle, mais il ne dit rien. Il attendait, comme toujours, qu’elle suive sans poser de questions. Mais cette fois-ci, elle ne pouvait plus.— Je dois… je dois aller seule. Sa voix était faible, mais décidée. Elle se détourna de lui, évitant son regard. Les étudiants qui les observaient semblaient inte
Alex conduisit Rosette à l’étage supérieur de sa maison, où une porte en bois sculpté menait à une chambre d’amis décorée avec goût. Le lit à baldaquin, drapé de rideaux en lin blanc, invitait au repos. Sur la commode, une lampe à huile diffusait une lumière tamisée, créant une atmosphère apaisante.— Voici ta chambre pour la nuit, dit Alex d’une voix douce. Fais comme chez toi. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à me le faire savoir.Rosette acquiesça, reconnaissante, mais son esprit était tourmenté par les révélations de la soirée. Tandis qu’Alex s’éloignait pour se rendre dans sa propre chambre, elle se laissa tomber sur le lit, le regard fixé sur le plafond.Les événements des derniers jours défilaient dans son esprit comme un film en accéléré. Le livre mystérieux à la bibliothèque, les sacrifices, les pactes, les secrets enfouis de l’école… Tout cela semblait irréel, comme un cauchemar dont elle ne pouvait se réveiller.Elle pensa à Orchidée, cette camarade qui
De retour chez Alex, Rosette, encore sous le choc des révélations, se tourna vers lui, l’inquiétude marquant ses traits.— Pourquoi ne pas en parler à la police ? demanda-t-elle, espérant une solution simple à cette situation cauchemardesque.Alex eut un rire amer avant de répondre :— La police ? dit-il en secouant la tête. Tu ne comprends pas, Rosette. Saint-Célestin n’est pas une école ordinaire. C’est l’établissement le plus prestigieux du pays, classé parmi les dix meilleurs au monde. Accuser ses dirigeants sans preuves solides serait non seulement futile, mais aussi dangereux.Rosette fronça les sourcils, tentant de saisir l’ampleur de ses paroles.— Mais si des crimes y sont commis, ils doivent être dénoncés ! insista-t-elle.Alex soupira, son regard se perdant dans le vide.— Dans un monde idéal, oui. Mais ici, les apparences sont trompeuses. Les scandales dans les écoles prestigieuses ne sont pas rares, mais ils sont souvent étouffés pour préserver leur réputation. Il
Elle hésita à faire un pas de plus, mais Alex referma la porte derrière eux, la plongeant dans un silence pesant.— Assieds-toi. ordonna-t-il d’une voix calme.Elle obéit et s’installa sur un canapé en cuir noir. Son corps était encore tendu par l’angoisse, mais son regard restait rivé sur lui.Alex s’approcha d’un meuble et sortit une bouteille d’eau qu’il lui tendit.— Bois.Rosette le regarda avec méfiance, mais la soif l’emporta sur la peur. Elle but quelques gorgées avant de reposer la bouteille sur la table basse.— Maintenant, explique-moi ce qui se passe. exigea-t-elle.Alex croisa les bras et la fixa longuement avant de soupirer.— Tu n’aurais jamais dû ouvrir ce livre.Son ton était froid, presque accusateur.— Alors ce livre est bien réel ? Il parle vraiment du lycée ?— Oui. Et ce n’est pas qu’une légende.Rosette sentit son cœur rater un battement.— Explique-moi.Alex s’adossa au mur, les yeux plongés dans l’ombre.— Le lycée Saint-Célestin a une histoire q
Une fois rentrée chez elle, Rosette referma précipitamment la porte derrière elle et s’adossa contre celle-ci, tentant de calmer les battements affolés de son cœur. La conversation avec Alex l’avait profondément troublée, mais ce qui l’inquiétait encore plus, c’était ce livre qu’elle portait toujours dans son sac.Elle se dirigea vers son bureau, alluma sa lampe et sortit l’ouvrage. La couverture en cuir sombre semblait plus ancienne qu’elle ne l’avait remarqué la première fois. Un symbole étrange était gravé au centre, presque effacé par le temps.Prenant une profonde inspiration, elle ouvrit le livre à la page où elle s’était arrêtée plus tôt. Les écritures anciennes étaient difficilement lisibles, mais elle pouvait distinguer quelques phrases qui lui firent froid dans le dos :“Ce pacte lie l’âme du porteur au secret de Saint-Célestin. L’initié doit verser son propre sang sur ces pages pour que la vérité lui soit révélée.”Rosette déglutit. Ses doigts tremblaient légèrement alo
Elle se perdit dans les allées de livres poussiéreux, effleurant leurs couvertures à la recherche de quelque chose qui pourrait lui donner des indices. Ses pensées vagabondèrent quelques instants jusqu’à ce qu’un livre, caché derrière un autre, attire son regard. C’était un ouvrage ancien, relié en cuir brun, presque abîmé par le temps. Aucune inscription visible sur la couverture, juste un symbole étrange gravé en relief, comme un sceau.Son cœur s’accéléra. Ce livre, il avait quelque chose de particulier. Instinctivement, elle le saisit et l’ouvrit lentement. La première page était en grande partie usée, mais des mots étaient encore visibles, écrits dans une langue étrange, accompagnés de symboles qu’elle ne comprenait pas. Elle tourna les pages avec précaution, chaque feuille semblait émettre une sorte de vibration. Plus elle avançait dans la lecture, plus un sentiment de malaise grandissait en elle.Le livre parlait d’un pacte ancien, fait entre les fondateurs de l’école et une