Émilie se tenait à la fenêtre de sa chambre, observant le village de Valmont s’éveiller sous les premiers rayons du soleil matinal. Les maisons en pierres apparentes, avec leurs toits en pente recouverts de tuiles brunes, s'intégraient harmonieusement dans le paysage verdoyant.
Elle se détourna de la vue et se dirigea vers son équipement, soigneusement disposé sur le petit bureau rustique en bois massif. L’appareil photo, son fidèle compagnon, semblait n’attendre qu’elle pour démarrer une nouvelle aventure. En tant que photographe naturaliste, elle avait prouvé son talent à travers des reportages captivants sur la faune et la flore. Cependant, ces derniers temps, elle faisait face à un profond manque d’inspiration. Les paysages qu’elle avait autrefois immortalisé avec passion lui semblaient désormais banals, et les histoires qu’elle voulait raconter lui échappaient.
Quelques semaines plus tôt, Claire, la rédactrice en chef du magazine Planète Vivante pour lequel elle travaillait, l’avaient contactée pour un projet de reportage animalier sur le retour du loup dans un territoire rural inattendu. Émilie avait toujours aimé les loups. Photographier cette espèce dans son habitat naturel constituait un beau défi. Ces animaux sauvages étaient à la fois farouches et méfiants envers les humains, ce qui rendait leur observation difficile. Peut-être était-ce exactement ce dont elle avait besoin ! Au téléphone, Claire avait semblé hésitante et quelque peu dubitative avant d’ajouter qu’un certain Alaric Voss avait contacté la rédaction du magazine pour évoquer de la disparition de sa sœur, cinq ans plus tôt, dans la forêt de Valmont, au cours d’une sortie scolaire. L’homme semblait convaincu qu’elle avait été victime d’une attaque par la meute de loups locale. Il avait même évoqué des histoires de créatures surnaturelles…
Émilie avait immédiatement compris l’hésitation de Claire à mentionner cette source. Planète Vivante était une publication à vocation scientifique, notamment réputée pour ses photographies époustouflantes et ses articles de référence, mettant en lumière des problématiques environnementales, des découvertes scientifiques et des observations sur la faune et la flore. Chez Planète Vivante, on ne s'intéressait pas aux enquêtes policières, au sensationnel, et encore moins au paranormal. Pour Claire, il était purement et simplement inenvisageable de baser ce reportage sur les élucubrations d'un homme rongé par la perte d’un être cher. Cependant, pour Émilie, l'histoire d'Alaric Voss ajoutait une dimension mystérieuse à cette enquête. Il n'en fallait pas plus pour raviver sa curiosité, et la convaincre d’accepter le projet.
C’est ainsi qu’elle avait débarqué à Valmont, son ordinateur portable sous le bras et son appareil photo en bandoulière, pour louer une petite chambre au-dessus de l’unique commerce du village, tenu par une certaine Hélène Clairmont. Cette femme blonde, replète et d'âge moyen, incarnait le parfait stéréotype de la commerçante de village : elle connaissait tout le monde, parlait sans relâche et se faisait un plaisir de partager les derniers potins avec quiconque voulait bien l'écouter. Son magasin était l'un de ces établissements polyvalents que l'on trouve uniquement dans les zones rurales isolées, faisant office d’auberge, de café, d'épicerie, de bureau de tabac, de point presse et de dépôt de pain, tout en proposant un modeste rayon de vêtements, notamment des tenues destinées à la chasse, la randonnée et le travail agricole.
Après avoir pris un moment pour se préparer, Émilie décida de descendre boire un café. Quel meilleur endroit pour rencontrer les habitants, et peut-être récolter quelques informations pour son reportage ? L’épicerie-bar Chez Hélène était un petit établissement accueillant, avec quelques tables en bois et des murs ornés d’étagères remplies de produits alimentaires. L’arôme du café fraîchement préparé et du pain chaud flottait dans l’air. Elle commanda un café et sortit son carnet, prête à prendre des notes, tout en observant le va-et-viens des clients qui entraient et sortaient. Un jeune livreur d’une vingtaine d’années, conduisant une camionnette fièrement décorée aux couleurs d’un domaine agricole local, démarra en trombe après avoir déposé quelques cagettes de produits frais sur le trottoir, destinés à approvisionner les rayonnages de l’épicerie.
Émilie fut sortie de sa bulle par la voix nasillarde de la commerçante. Avec ses quatre cent cinquante habitants, Valmont ne devait pas voir passer beaucoup de nouveaux visages. La femme semblait avide de partager quelques commérages avec ses habitués, au sujet la nouvelle venue.
« Alors comme ça, vous êtes journaliste ? » demanda-t-elle, avec un intérêt non dissimulé, jetant un œil à son carnet de notes et à son appareil photo, négligemment suspendu au dossier de sa chaise.
« Photographe naturaliste. » répondit aimablement Émilie avec un souri poli.
« Et ça consiste en quoi, exactement ? » s’enquit Hélène Clairmont.
« Il s'agit essentiellement de photographier la nature : des paysages, des animaux et des plantes dans leur milieu naturel, pour réaliser des reportages sur la faune et la flore. Je travaille pour le magazine Planète Vivante. » expliqua patiemment Émilie, en observant son interlocutrice, qui semblait plus du genre à lire Voici et Public que son illustre employeur. Jetant un coup d’œil en direction du rayon presse, elle remarqua la présence du dernier numéro de Planète Vivante. « Je viens peut-être de conquérir une nouvelle lectrice ? » songea-t-elle avec amusement.
Gabriel referma la porte derrière lui dans un silence pesant. Son regard croisa celui de Béatrice, puis de Jacques, avant de se poser sur Émilie, qui tripotait encore son fichu collier d’un air complètement absent. Son cœur se serra en repensant à la jeune femme passionnée qu’elle était à son arrivée à Sombreval : son enthousiasme, sa détermination et même ses colères légendaires lui manquaient. Elle semblait éteinte, déconnectée de la réalité, depuis qu’elle portait le bijou sans jamais le retirer.— Quelque chose ne va pas ? demanda Béatrice sans détour en voyant le visage grave de l’Alpha.Gabriel hocha la tête, la m&aci
La forêt était baignée d’une lueur blafarde, les rayons de la lune s’accrochant aux branches nues des arbres, projetant des ombres mouvantes sur le sol gelé. Alba et Lucas se fondaient dans le paysage, deux silhouettes furtives aux yeux brillants, évoluant en silence sous leur forme de loups. La morsure du froid n’avait aucune prise sur eux ; ils n’étaient que souffle et muscles tendus, à l’affût du moindre mouvement, du moindre son anormal dans l’épaisse nuit hivernale.C’était Lucas qui avait suggéré cette promenade nocturne. Depuis quelques jours, il ressentait une nervosité grandissante, une impression diffuse d’être observé lorsqu’il travaillait sur le domaine. Alba, toujours prompte à suivre son frère de cœur, avait accepté sans hésiter. Elle aussi avait perçu cette sensation étrange, ce frisson d’alerte qui courait sous sa peau sans raison apparente. Ce soir, ils voulaient en avoir le cœur net.Il
Un vrai matin d'hiver s'éveillait sur les terres enneigées du domaine, et le froid mordant s’infiltrait jusque dans les os. En temps normal, Émilie serait restée bien au chaud, pelotonnée au coin du feu avec un bon livre et un café bien chaud. Elle n’aurait pas dû mettre le nez dehors par un temps pareil, mais une impulsion inexplicable l’avait poussée à quitter la maison. Un vent glacial faisait voler ses cheveux autour de son visage rougi par la bise, mais elle n'avait pas froid.Elle marchait lentement à travers la cour, sans vraiment prêter attention à son environnement. Ses pensées étaient accaparées par une sensation nouvelle, une pulsation étrange qui émanait du collier contre sa peau. Ce n’était pas douloureux, ni même désagréable, mais cela la
L'hiver avait pris ses quartiers à Sombreval. La neige recouvrait les toits et les sentiers, assourdissant les bruits du quotidien. Le vent sifflait entre les branches nues, et le domaine semblait figé dans une torpeur hivernale. Pourtant, la vie continuait, lentement, avec cette étrange sensation de flottement laissée par le départ de Jacques.Il ne leur manquait pas vraiment. Ses sarcasmes agaçants ne résonnaient plus dans le salon, et son air condescendant ne venait plus troubler les discussions. Mais son absence créait tout de même un vide, une sensation étrange de déséquilibre. Après tout, il faisait partie du paysage ces derniers temps. Gabriel avait fait une remarque laconique sur le calme revenu, et Pierre s'était contenté d'un haussement d'épaules. Béatrice, elle, n'avait rien dit. Peut-être que l'absence de son fr&
Le lendemain matin, la bonne humeur était revenue dans la pièce à vivre de Sombreval, autour de l’imposante cheminée, tandis que Lucas racontait à Alaric et Alba les événements de la nuit précédente avec son enthousiasme communicatif.«Pourquoi Flash Girl?» demanda Alba à Jacques avec des yeux rieurs, lorsqu’il eut terminé son récit. Toute trace d’animosité entre eux avait disparu.«Au départ, c’était une version super-héro de La Fille à l’Appareil Photo, ce qui était ironique, dans la mesure où elle était la seule à ne pas avoir de supers-pouvoirs!&
La nuit était tombée sur la forêt, enveloppant les arbres d’une obscurité épaisse. Gabriel, Jacques et Béatrice se tenaient côte à côte en bordure de la clairière. Face à eux se tenait le vieux chêne aux amoureux, ses branches tordues s’élevant vers le ciel étoilé, tel un témoin silencieux de l’affrontement à venir. Pierre et Lucas, dissimulés dans le sous-bois sous leur forme de loup, attendaient patiemment, les sens aux aguets. L’air se chargea de tension lorsque le vent apporta avec lui un parfum d’encens et d’herbes aromatiques, mêlé à une odeur qu’ils reconnurent tous: Émilie!«On a un problème…» murmura Gabriel, les mâchoires serrées, une lueur mordoré s’allumant au fond de ses yeux bleus. Les autres acquiescèrent, leurs muscles tendus, prêts à intervenir.Au centre de la clairière éclairée par la
L’imprimante du bureau de Gabriel fonctionnait à plein régime depuis plusieurs minutes. Jacques avait reçu par E-mail la liste des objets achetés sur Internet par Marie Laveau, avec les photos et les capacités de chaque objet. Béatrice prétendait que sa famille était une véritable bibliothèque du surnaturel. Visiblement, elle avait raison. Gabriel, n’y tenant plus, attrapa la première page de la pile et commença sa lecture:L'Œil de l'Aurore: Une amulette qui protège des cauchemars et apporte des rêves lucides.Le Cœur de l'Éther: Un talisman qui renforce les pouvoirs psychiques et la connexion spirituelle.Le Cristal de l'Harmonie: Une amulette qui équilibre les émotions et favorise la paix intérieure.
Pierre déposa Émilie Chez Hélène en même temps que sa livraison du matin. La commerçante était toujours avide de potins, et contrairement à son habitude, Émilie décida d’entrer dans son jeu.«Bonjour Hélène!» lança-t-elle joyeusement en apercevant la commerçante. Elle balaya la salle d’un rapide coup d’œil et repéra Marie Laveau, attablée devant une tasse de thé fumante. Elle ne passait pas inaperçue avec son turban multicolore et le cliquetis des ses innombrables bijoux, s’entrechoquant à chacun de ses mouvements.Hélène surprit son regard et leva les yeux au ciel pour montrer ce qu
Lucas et Alba étaient montés se coucher, Alaric se retrouva seul avec ses pensées. Il se remplit une tasse de café chaud, attrapa une boite de cigarillos qu’il conservait dans un tiroir du buffet. Il fumait occasionnellement, essayant de ne pas en faire une habitude, mais la journée avait été suffisamment riche en émotions pour qu’il s’autorise ce petit plaisir. Il s’installa sous le porche et savoura l’association agréable du breuvage amer avec les saveurs du tabac. Une étrange silhouette se dégagea soudain de l’obscurité, une femme, engoncée dans des jupons à volants et des foulards multicolores, avançait dans sa direction.«Bonsoir Mr Voss!» lança l’étrange femme en arrivant à sa hauteur. «Je suis Marie Laveau, je vous ai contacté par message privé suite à votre problème de loup-garou.»Le cœur d’Alaric