UN

Cette histoire de « débarquer en trombe et prendre le royaume des Vampires » ne se passait pas si bien pour moi.

Mes yeux sortaient de leurs orbites tandis que la pièce s'assombrissait. Enfin, plus qu'elle ne l'était déjà, vu que j'étais dans un donjon souterrain. Ce qui expliquait pourquoi la quantité de sang et de pourriture dans cet endroit me brûlait les yeux et commençait à me piquer les narines.

Des yeux qui brûlent étaient le cadet de mes soucis.

— Va te faire foutre, ai-je articulé du mieux que je pouvais, considérant que je n'étais toujours pas en pleine possession de mes moyens. Les mots ne sont pas sortis aussi fort que je le voulais, ni de manière aussi terrifiante. Ç'aurait été difficile de faire l'un ou l'autre vu que le Roi des Vampires avait toujours sa putain de main autour de ma gorge dans une étreinte qui rivaliserait avec celle d'un boa constrictor.

— Oh, j'y songerai. Ne sois pas si pressée, ma petite.

D'un mouvement brusque du bras, il m'a jetée sur le côté. Mon corps est retombé au sol comme une poupée de chiffon privée d'oxygène. J'ai grogné lorsque mon corps a heurté le sol froid et dur en marbre. Du marbre recouvert de sang, tandis que d'autres gouttes froides de ce que je ne pouvais qu'imaginer être du sang tombaient sur moi. Mes yeux se sont tournés vers le plafond. Bordel, c'était du sang qui gouttait du plafond. Plusieurs corps y étaient épinglés, façon grenouille de biologie.

Écœurant.

— Maintenant que tu as retrouvé tes esprits et que tu t'es sacrifiée, que devrions-nous faire de toi ?

Plusieurs des sbires sous le contrôle d'Hector ont retenu leur souffle comme s'ils étaient des enfants qu'on venait de surprendre avec de nouveaux vélos. Hector a immédiatement tourné son regard sombre vers eux.

— Tiens, tiens, je me suis mal exprimé. Que vais-je faire d'elle ? N'oubliez pas votre place.

Les gardes ont paru visiblement déçus en fixant le sol. L'un d'eux est devenu encore plus pâle. Des picotements ont parcouru mon corps tandis que la gravité de ma situation me submergeait.

Merde, j'avais vraiment fait fort cette fois-ci.

Tant pour mon super plan.

J'ai essayé de croiser les jambes comme si cela pouvait empêcher sa promesse de futurs ébats, mais j'ai oublié que mes membres étaient encore sans vie et engourdis à cause du sérum que m'avaient administré les connards numéro un et deux alors que je pénétrais bêtement dans le royaume des morts-vivants. Morts-vivants ? Remorts ? Presque morts ?

Autant que je détestais l'admettre, mes compagnons avaient raison.

Je n'aurais pas dû venir ici.

— Je suis partagé, pour être honnête, a dit Hector en se tapotant le menton de l'index et en commençant à faire les cent pas.

Une fille mince et frêle s'est approchée, un petit carnet et un crayon à la main. Je ne savais pas ce qu'elle pensait faire avec ces fournitures scolaires imbibées de sang, mais quoi que ce fût, elle le faisait uniquement par peur. Ses yeux sombres étaient rivés sur Hector. On aurait dit une sorte de secrétaire.

Il ne semblait même pas la remarquer, il me fixait toujours, se léchant les lèvres.

— Tu es vraiment délicieuse, n'est-ce pas ? Il a posé la question comme un gémissement sexuel. Bon sang, s'attendait-il vraiment à ce que je réponde à ça ? C'est là le nœud du problème. Oh, j'ai eu des projets pour toi depuis que j'ai été informé de ton existence et maintenant, je me retrouve submergé.

Mes entrailles ont palpité tandis qu'il commençait à sautiller sur la pointe des pieds, applaudissant et riant comme un fou. Il a rejeté la tête en arrière en ricanant, le mouvement dévoilant ses crocs étincelants et son cou taché de sang. Pas son propre sang, bien sûr, le sang d'innombrables autres.

Je ne savais pas si je devais être effrayée ou dégoûtée. Mon estomac se tordait dans une saine combinaison des deux.

— Comme c'est fou. Moi, en proie au conflit. Cela ne m'était pas arrivé depuis des années.

Hector prenait un réel plaisir à échafauder ses nombreux plans pour moi et à choisir lequel mettre en œuvre en premier. À ce stade, je voulais juste qu'il choisisse mon sort et qu'il en finisse une bonne fois pour toutes. Ce n'est pas comme si je pouvais faire quoi que ce soit pour le combattre, même si j'avais terriblement envie de lui donner un coup de pied dans les parties.

— Ta mère était incroyable, dit-il en se léchant à nouveau les lèvres. Oui, j'avais vraiment envie de lui botter les fesses. — Mais je n'aurais jamais imaginé que tu serais encore plus magnifique qu'elle. Elle était mon joyau précieux. Je l'aurais chérie pour toujours. Mais il a fallu qu'elle s'enfuie... et qu'elle rencontre ce père canin qui est le tien. Un grognement siffla de sa poitrine et je tressaillis. Enfin, j'aurais tressailli si j'avais pu bouger.

— Elle était à moi ! rugit-il en se retournant vers moi avant de recommencer à faire les cent pas. Elle m'appartenait et vénérait le sol sur lequel je marchais. Rien ne pouvait nous séparer. Il s'arrêta un instant, son expression passant de la rage à quelque chose de plus proche de... constipé ? Ce n'était pas possible. Quoi qu'il en soit, il souffrait. Tant mieux. Il méritait de souffrir un peu.

— Peut-être qu'elle m'aimait après tout. Peut-être savait-elle que sa trahison temporaire m'offrirait ta présence. Son regard se fixa sur moi. Ma poitrine me faisait l'effet d'avoir été transpercée de flèches au niveau du sternum.

— Oh, les possibilités. Tu as tant de pouvoir sous cette peau qui est tienne. Tant de pouvoir, qui n'attend que moi. Plus de puissance et une vie meilleure pour les vampires se trouvent là, dans ton pouls battant, dans ton sang. Je peux te sentir d'ici, cette richesse. Oh, ça me fait saliver et me donne soif.