ThaliaLe matin arrive sans prévenir. Ni lever de soleil éclatant, ni chants d’oiseaux. Juste une clarté pâle, timide, qui s’immisce entre les toiles du camp. Je n’ai pas dormi. Pas vraiment. Mon corps s’est reposé, peut-être, mais pas mon cœur. Trop de battements dans ma poitrine. Trop de chaleur dans mes veines. Et pourtant, je suis calme. Un calme étrange, presque sacré. Comme si tout en moi s’était enfin accordé, comme si les nœuds, un à un, s’étaient dénoués.Eryx dort encore. Ou fait semblant. Sa main reste contre mon ventre, paume ouverte, ancrée, vivante. Il ne presse pas. Il ne réclame rien. Il écoute. Je crois qu’il écoute même en dormant. Comme s’il entendait déjà ce que moi seule ai senti. Comme si, en un contact, tout avait été dit.Je me penche vers lui, mes cheveux glissent sur sa joue. Mon souffle touche sa tempe. Je murmure :— Tu peux respirer. Ce n’est plus un secret.Ses paupières frémissent. Il rouvre les yeux. Lentement. Des yeux trop pleins pour le jour qui comm
ThaliaLe cercle s’est défait. Les chants se sont tus. Il ne reste que le bruissement des feuilles et le craquement discret des braises qui s’éteignent. Chacun est retourné à ses veilles, à ses songes, à ses espoirs voilés de fatigue. Mais moi, je reste là. Immobile. Assise contre une racine noueuse, les jambes ramenées contre moi, le dos en feu, les tempes battantes.Et dans mon ventre… ça bouge.Ce n’est pas un simple frisson. Ni une illusion née de l’émotion de cette nuit. C’est réel. Une présence ténue. Un rythme qui n’est pas le mien. Un petit pied, peut-être. Un coude discret. Un appel.Un écho minuscule dans ce corps que je croyais éteint à certaines tendresses.Je pose les mains sur mon ventre. Je ferme les yeux. J’écoute.Je sens. Je sens tout. Le monde ancien. Le monde à venir. Le souffle oublié des dieux. Le battement de cette vie, plus fort que mes craintes.Et lui. Ou elle.Une étincelle vivante dans l’ombre de mes silences.Je n’ai rien dit à Eryx. Pas encore.Je pourrai
TousUn arbre ancien se redresse, ses feuilles vibrant d’un vert éclatant. Une pierre oubliée se réchauffe, gravée de runes désormais lumineuses. Un ruisseau silencieux se met à couler, fredonnant un air que seule la terre connaît. Et dans nos cœurs, une même pensée s’impose, douce, impérieuse, indestructible :Ce n’est plus la fin. C’est le premier souffle.Le chant s’estompe, mais sa résonance demeure en moi. Un silence chargé de sens retombe sur le cercle, et pourtant, tout semble parler. La terre, le ciel, nos souffles. Une harmonie naissante, fragile, mais indéniable. Je ne veux pas qu’elle se brise.EryxJe reste là, immobile, le regard perdu dans les vagues d’herbe qui frémissent sous le vent nouveau. Une voix me sort de ma torpeur.Lys— Tu crois vraiment qu’on peut bâtir quelque chose sur autant de cendres ?Il est là, en retrait, les bras croisés, le regard dur. Mais sa voix tremble, juste un peu. Je m’approche. Lentement.Eryx— On ne bâtit rien sur des cendres, Lys. Mais o
EryxLe vent se lève, chargé de l’odeur âcre des cendres mêlée au parfum salé de la mer. Il me traverse tout entier, comme s’il cherchait à emporter les dernières traces de ce que nous étions avant. Un instant, je ferme les yeux. Ce souffle n’est pas un simple courant d’air. Il est mémoire. Il est passage. Il parle une langue ancienne que seul le cœur peut comprendre. Dans ce murmure, j’entends les voix de ceux qui ne sont plus. Ils ne sont pas partis. Non. Ils sont là, dans la mémoire du sol, dans le chant du vent, dans le battement même de mon cœur. Ils marchent avec moi, invisibles mais présents, porteurs de notre promesse. Ils me rappellent que rien ne meurt vraiment.Je me tourne lentement vers le groupe réuni autour des ruines. Thalia. Amara. Selène. Et d’autres encore, blessés, éreintés, mais vivants. Les survivants. Les fragments d’un monde qui ne demande qu’à renaître. Chacun est marqué, abîmé, mais debout. Il n’y a plus de soldats ni de civils, plus de castes ni de frontière
EryxLa lune, haute dans le ciel, semble veiller sur la terre. Elle éclaire les ruines autour de nous, dessinant des ombres longues, déformées. La mer, en contrebas, s'agite dans une danse sans fin, déchaînée, comme pour rappeler l’instabilité de notre monde. Pourtant, même dans ce tumulte, il y a quelque chose de calme, un murmure que seul le silence de la nuit sait offrir. C’est à cet instant précis que je prends pleinement conscience de la profondeur de ce que nous avons traversé et de ce qui reste à venir.Je suis là, à la lisière de l’ancien et du nouveau, me tenant entre les ombres du passé et la lumière du futur. Chaque pas, chaque décision, chaque sacrifice m’a mené ici. Loin de l’idée d’un chef qui impose sa volonté, je suis devenu celui qui guide sans vraiment savoir où il va. Ce n’est pas la certitude qui nous mène, mais cette énergie collective qui grandit en nous, cette flamme partagée.À mes côtés, Thalia marche lentement, presque en silence. Sa présence est à la fois do
ThaliaLe vent de la mer s'est levé, portant avec lui un parfum de sel et de liberté. Je me tiens sur la jetée, les pieds fermement ancrés dans les planches usées, regardant l'horizon. Loin, là-bas, là où le ciel se confond avec la mer, il y a quelque chose de plus grand. Un avenir incertain, mais aussi une promesse. Celle que, même dans l'immensité de l’océan, nous trouverons notre place. Je ferme les yeux, me laissant caresser par la brise. C’est une sensation familière, réconfortante. Une sensation de renouveau.Il y a eu des pertes, bien sûr. Des voix qui se sont éteintes dans le tumulte de nos batailles. Mais il y a aussi eu des renaissances. Des cœurs qui, brisés, ont retrouvé la force de battre à nouveau. La souffrance n’a pas disparu. Elle ne disparaîtra jamais complètement. Mais, aujourd'hui, elle se fait plus douce. Plus supportable. Parce qu'il y a l’espoir de quelque chose de plus grand. De quelque chose de meilleur.Le bruit des vagues se brise contre les rochers en bas,