Amara
Le combat est imminent. Nous nous tenons là, figés, face à la créature. Ses yeux brillent d’une lueur malsaine, des pupilles comme deux gouffres noirs, dévorant tout ce qui les entoure. Le vent se lève, sifflant à travers les arbres, secouant les branches comme si la forêt elle-même frémissait de peur. Pourtant, je ne bouge pas, mon regard ancré dans celui de la créature, un défi silencieux, un dernier acte de résistance avant le chaos qui s’annonce.
Eryx reste en retrait, son corps tremblant malgré lui, ses yeux fixés sur la silhouette noire qui s’avance. Il veut fuir, mais une force invisible le maintient là. Il le sait autant que nous : cette créature ne lui laissera pas cette chance. Elle est son passé, son fardeau. Il n’y a pas de fuite possible.
Selene se tient prête, son épée en main, le regard concentré. Elle sait que chaque mouvement doit être précis, qu'aucune erreur n'est tolérée. Elle peut tuer des hommes sans sourciller, mais ce qu’elle voit devant elle est bien plus qu'un ennemi. C’est une abomination, une entité qui semble défier toute logique. Elle sait que ce n’est pas un simple combat physique, que ce qui se joue ici dépasse largement la simple violence. C’est un combat pour l'âme d’Eryx, et par extension, pour toutes nos âmes.
Thalia serre son arc, prête à tirer à tout moment. Elle est calme, plus calme que d’habitude, comme si elle savait que chaque flèche qu’elle tirerait pourrait être la dernière. Elle est déterminée, mais je vois dans ses yeux une angoisse qui ne m’était pas familière. La créature est une menace surnaturelle, et même ses talents de guerrière ne seront pas suffisants si elle ne comprend pas ce qu’elle affronte.
Amara – « Ne laissons pas cette créature nous détruire. »
Je parle plus pour moi-même que pour les autres, mais le regard de Selene se pose sur moi, un regard déterminé, et je vois qu’elle est prête. Nous savons tous, au fond, que ce qui va se passer ici marquera un tournant, non seulement dans notre quête, mais dans la manière dont nous percevons tout ce qui est réel. Nous sommes sur le point de plonger dans l’inconnu.
La créature s’avance lentement, chaque pas mesuré, comme si elle savourait la tension qui flotte dans l’air. Elle émet un léger ricanement, une vibration basse et gutturale qui me fait frissonner. Ce n’est pas humain. Ce n’est pas même une simple monstruosité. C’est un être forgé de ténèbres, une entité née des pires peurs et des plus sombres regrets.
Eryx – « Il sait… il sait tout. Il a toujours su. »
Il parle à voix basse, mais je l’entends clairement. Il est au bord de l’effondrement. Je vois dans ses yeux qu’il a revécu des milliers de cauchemars en un instant. Ce n’est pas un combat physique qu’il craint, c’est la confrontation avec ce qu’il a fait. Ce qu’il a perdu. Ce qu’il porte en lui.
Lentement, je fais un pas en avant, mes mains tremblantes mais fermes sur mon épée. Je ressens le poids de l’instant, la lourdeur de la décision que je prends. Je sais ce que cela implique. Ce que cela coûtera. Mais j’ai accepté ce fardeau depuis que cette quête a commencé.
Amara – « Nous n’avons pas le choix, Eryx. Ce qu’il sait de toi, il ne peut pas le garder. C’est ton passé, mais aussi notre futur. On ne peut pas lui laisser le pouvoir sur nous. »
Je vois une lueur d’hésitation dans ses yeux, mais aussi une sorte d’acceptation, comme s’il savait, au fond, que cette confrontation était inévitable. Son fardeau ne sera jamais allégé tant qu’il n’affronte pas ce qu’il fuit. Et il le sait. Nous le savons tous.
La créature s’arrête finalement, à quelques pas de nous, sa silhouette noire se découpant contre la lumière mourante du crépuscule. Un éclat sinistre brille dans ses yeux, et il se penche légèrement, comme s’il scrutait nos âmes. Puis, il parle.
Créature – « Ah, Eryx… tu as toujours été si… faible. L’esclave de tes propres péchés. »
Sa voix résonne dans l’air, glaciale, comme si elle perçait nos cœurs. Eryx grimace, mais il serre les poings, prêt à riposter, bien que ses jambes vacillent. La créature ne cesse de se jouer de lui, de lui rappeler ses fautes, et je vois à quel point cela le ronge. Mais nous ne pouvons pas l’attendre indéfiniment. Nous devons agir. Maintenant.
Selene – « Ne le laisse pas t’atteindre, Eryx. Nous sommes avec toi. »
Elle fait un pas en avant, son épée scintillant dans la lumière de plus en plus faible. Elle n’a pas peur, et c’est dans cette détermination froide qu’elle puise sa force. Thalia, de l'autre côté, tend son arc, prête à décocher la première flèche.
Amara – « Nous le vaincrons ensemble. »
Je me tourne vers Eryx, mes yeux cherchant les siens. Ce n’est pas seulement un combat physique. C’est un combat pour son âme. Si nous voulons gagner, il doit être prêt à se libérer de son passé, à accepter ses erreurs et à les surmonter.
La créature rit, une ricanade effrayante qui résonne dans la forêt, emplit l'air d’une angoisse palpable.
Créature – « Vous êtes tous si naïfs. Vous pensez pouvoir m'arrêter ? Vous n’êtes que des pions dans un jeu plus grand, plus ancien. »
Son rire s’intensifie, mais cette fois, Eryx n’est pas effrayé. Une étincelle de rébellion brille dans ses yeux. Il n’est plus cet homme brisé, torturé par ses démons. Il est prêt à affronter la créature et à se libérer du fardeau de son passé.
Eryx – « Tu as tort. Ce n’est pas toi qui me définis. »
Il se jette en avant, une rage contrôlée dans chaque geste, et je le suis immédiatement. Selene et Thalia se lancent également dans la bataille, et je sens l'énergie qui nous traverse tous, comme une vague déchaînée. La créature n’est pas seule. Elle est entourée de créatures sombres, nées de l’ombre et du désespoir, mais nous ne reculerons pas.
L’air se remplit de bruits métalliques, de coups d’épée et de flèches qui s’enfoncent dans la chair de l’ennemi. Je frappe, chaque mouvement accompagné de la colère et de la douleur que je ressens dans mon âme. Nous sommes prêts. Ce ne sera
pas facile, mais nous devons aller jusqu’au bout.
THALIAÀ toi qui liras ces mots,je veux que tu saches que chaque souffle de paix qui t’entoure a été gagné par des pas tremblants, par des veilles sans sommeil, par des mains qui ont refusé de lâcher.Il y a eu des nuits sans lune où nous pensions ne jamais revoir le matin, des soirs où la peur se glissait sous les portes comme un souffle glacé.Mais nous avons tenu.Parce que nous savions qu’au-delà des ombres, une lumière nous attendait.Parce qu’il fallait que quelqu’un croie encore en la vie, même quand tout vacillait.Ilian dort près de moi. Son souffle paisible emplit la pièce comme une promesse d’avenir. Quand je le regarde, je vois dans ses yeux clairs un ciel qui ne connaît pas les tempêtes que nous avons traversées.Un jour, il lira peut-être ces lignes. Un jour, il marchera dans ces champs où le vent danse aujourd’hui sans peur.Et je lui dirai je vous dirai que la paix n’est jamais acquise, qu’elle se protège comme un feu fragile, qu’elle se nourrit des mains qui savent t
THALIALe jour s’élève avec un éclat tendre, comme une caresse. La lumière s’étire sur les collines encore humides de rosée, s’attardant sur chaque branche, chaque pierre, comme si le monde entier voulait nous dire : vous avez survécu.Quand j’ouvre la porte de la cabane, un souffle tiède m’accueille. Le parfum de la forêt me saisit un mélange de pin, de mousse et de terre humide, ce parfum qui dit la vie qui recommence.Ilian s’agite dans mes bras, ses paupières encore lourdes. Je le berce doucement, respirant l’odeur chaude et pure de son corps de bébé.Eryx est là, appuyé contre le cadre de la porte, son regard balayant l’horizon. La nuit a marqué ses traits d’une fatigue sévère, mais je vois aussi autre chose dans ses yeux : un éclat apaisé, presque fier.— C’est fini, murmure-t-il. Le vent a changé. Plus rien ne rôde.Je hoche la tête. Ce n’est pas la première fois qu’il me rassure ainsi, mais ce matin, je le crois. Pas parce que je suis naïve, mais parce que ses mots portent le
SOLÈNELa maison respire lentement.Chaque craquement du bois, chaque soupir des murs me rappelle que la nuit est vivante, qu’elle nous écoute. Les braises dans la cheminée se consument en un rouge sombre, comme un dernier battement avant le silence total.Je ne trouve pas le sommeil.Les empreintes dans la terre me reviennent sans cesse. Ces pas humains, trop précis pour être un hasard. Je ne sais pas si c’est un intrus ou un souvenir trop lourd qui a pris corps dans l’ombre, mais quelque chose rôde.La porte s’ouvre sans un bruit. Élie.La lumière pâle de la lune caresse ses épaules larges, descend sur les cicatrices de son torse. Elles me fascinent, comme si chaque marque racontait une bataille qu’il avait gagnée, une douleur qu’il avait choisie de taire.— Tu ne dors pas, murmure-t-il.— Non.Sa voix est grave, basse, comme un murmure de feu. Il s’approche, s’assoit au bord du lit. Ses yeux plongent dans les miens.— Je repensais à ces traces, dit-il. À ce bruit. Je n’aime pas ça.
SOLÈNEJe ne sais pas qui a eu l’idée la première moi ou Amara.Peut-être que c’était inévitable.Peut-être que nos âmes, encore étonnées de battre plus fort, avaient besoin de se retrouver dans ce souffle neuf, dans cette joie simple qui nous surprend comme une aube après une nuit trop longue.Nous voulions partager ce qu’on croyait perdu : la simplicité d’un bonheur qui commence, fragile, lumineux.Alors ce soir, nous sommes là, à quatre, dans le petit jardin derrière la maison.Un feu de bois crépite au centre, jetant sur nos visages des éclats dorés, des ombres mouvantes. La nuit descend lentement, tiède et parsemée d’étoiles. Le vent transporte des odeurs de terre humide, d’écorce et de pain chaud.Élie est assis à côté de moi, les mains croisées autour d’un mug fumant. Il ne parle pas beaucoup, mais ses silences ont la douceur des caresses. Ses doigts effleurent parfois les miens, comme pour vérifier que je suis bien là, réelle.Adrien, lui, est tout l’inverse. Sa voix grave s’é
SOLÈNEJe croyais que mon cœur était un désert.Un espace aride, brûlé par des promesses qui s’étaient effondrées comme des châteaux de sable sous la marée. Pendant des années, je n’ai entendu que l’écho d’un amour passé, un écho sec, douloureux, qui me rappelait que je m’étais trop brûlée pour retenter ma chance.J’avais aimé une fois.Trop fort.Trop vite.Et le jour où cet amour s’est éteint, j’ai juré que je ne tendrais plus jamais la main vers un rêve fragile.Pourtant, il est là.Élie.Avec ses yeux couleur de brume, d’un gris changeant qui semble se remplir de lumière chaque fois qu’il me regarde.Il a ce sourire fatigué qui ressemble au mien, un sourire qui a connu la douleur, les pertes, les nuits sans horizon. Un sourire qui porte les mêmes cicatrices et les mêmes promesses brisées.Je me souviens de notre première rencontre.Au marché.Je n’y allais plus que par nécessité, le cœur absent, le regard perdu. Lui, il était là, penché sur des vieux livres qu’un antiquaire vendai
THALIAIlian n’a jamais vu le ciel autrement que par les fenêtres de la cabane.Rien que d’y penser, j’ai une boule dans la gorge. Cet infini bleu, gris ou orageux qui s’étire au-dessus de nous, je l’ai trop souvent pris pour acquis. Lui, non. Pour lui, il n’est qu’un mystère impalpable, une lumière lointaine, comme un rêve qu’il n’aurait jamais touché.Ce matin, quelque chose m’y pousse.Une urgence. Une promesse.Je veux qu’il sente l’air, le vrai. Qu’il voie le monde au-delà des murs qui nous ont protégés, mais qui deviennent parfois des barreaux invisibles.J’ouvre la porte.Le battant grince doucement, comme un souffle ancien.L’air froid nous enveloppe aussitôt : vif, presque coupant, saturé de mousse, de sève et d’humus. Il porte l’odeur des pluies passées, un parfum de terre vivante et de vent libre.Eryx se tourne vers moi, un sourire un peu nerveux au coin des lèvres.— Tu es sûre ?— Oui. Il faut qu’il sente la lumière. Qu’il la touche.Ilian est tout petit dans mes bras, u