Home / Loup-garou / Les trois reines sauvages / Chapitre 5 – Le Visage du Péché

Share

Chapitre 5 – Le Visage du Péché

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-03-28 22:50:33

Amara

Le silence est devenu oppressant, comme une chape de plomb tombant lentement sur nous. Le vent ne souffle plus, la forêt est figée. Chaque pas résonne de manière inquiétante sur le sol couvert de feuilles mortes, comme un écho annonciateur d’une menace invisible. L’air devient plus lourd, chargé d’une énergie sombre et palpable, et je sais que ce n'est qu'une question de temps avant que quelque chose ne vienne briser cette lourde tranquillité.

Selene serre son poing sur le manche de son épée, prête à dégainer, tandis que Thalia se positionne à ma gauche, son regard scrutant chaque recoin de la forêt. L’atmosphère est électrisée. Nous attendons, les muscles tendus, la menace imminente suspendue dans l’air. Et puis, un bruit, léger mais distinct, brise le silence. Un craquement. Une branche cassée sous le poids d’un corps.

Je vois les yeux de Eryx se plisser, son corps se tendant dans une vigilance parfaite, mais je note quelque chose de nouveau dans sa manière de se comporter. Il n'est pas seulement prêt à se battre ; il est terrifié. Ce n'est pas un simple instinct de survie, non, il connaît cette terre. Il a déjà ressenti cette présence.

Amara – « Eryx, qu’est-ce qui se passe ? »

Je n’ai même pas le temps d'ajouter quoi que ce soit que Selene réagit. Ses yeux se durcissent alors qu’elle tourne lentement la tête pour se concentrer sur Eryx. Elle semble comprendre avant même qu’il ne réponde.

Eryx – « C’est… c’est lui. »

Un frisson de terreur m’envahit, une angoisse profonde que je n’arrive pas à saisir pleinement. Eryx n’a pas besoin de dire de qui il parle. Je sais qu’il fait référence à l'entité qui a hanté son passé, ce spectre du péché qu’il porte sur ses épaules, cette créature qu’il fuit depuis si longtemps. Je peux voir la peur se peindre sur son visage. Il a toujours été un homme impitoyable, mais cette peur-là, je ne l’avais jamais vue.

Selene – « Nous devons partir, maintenant. »

Mais il est trop tard.

Du fond de la forêt, un murmure étrange, une voix faible mais métallique, parvient à nos oreilles. Ce n'est pas une langue que nous comprenons, mais la résonance du son frappe d'une manière étrange, comme un appel. Eryx s’immobilise, ses yeux écarquillés par une terreur palpable. Je vois une lutte se jouer dans son regard, une partie de lui désirant fuir, une autre part l’incitant à avancer.

Eryx – « Nous ne pouvons pas… il va nous rattraper. »

Ses mots tombent lourdement dans l’air, et je les sens comme une sentence. Un poids qui nous écrase tous. La créature, ce "lui", est plus proche qu’on ne le pense. Et le pire, c’est qu’il semble attendre quelque chose. Nous.

Je lève la main, une tentative d’apaisement, mais le vent commence à souffler de nouveau, comme pour nous avertir du danger imminent.

Amara – « Il faut tenir. Pas de fuite. On doit l’affronter. »

Thalia, toujours aussi déterminée, hoche la tête.

Thalia – « Je suis prête. Peu importe ce que c’est, on ne se laissera pas avoir. »

Selene, quant à elle, fait un signe de la tête, et je peux voir dans ses yeux qu’elle ressent aussi l’intensité du moment. Ce n’est pas seulement un combat physique qui nous attend, c’est aussi un combat mental, psychologique. La créature qui s’approche n’est pas simplement un ennemi : elle incarne tout ce que nous avons peur d’affronter. Nos démons. Nos échecs. Nos péchés.

Puis, au loin, une silhouette émerge lentement de l’ombre des arbres. Une forme floue, comme une ombre mouvante, qui semble se fondre dans la forêt elle-même. Il est grand, imposant, une silhouette noire contre l’obscurité qui semble engloutir le paysage. Son visage est presque impossible à distinguer, mais il émane de lui une aura de malveillance pure, une aura qui fait frissonner même les arbres.

Eryx – « C’est lui… »

La voix d’Eryx tremble cette fois. Il s’effondre presque sous le poids de la révélation. Il connaît cette créature, il sait ce qu’elle peut faire, et la terreur qu’il ressent est palpable, contagieuse.

Selene, avec une froideur calculée, dégainé son épée. Son regard reste fixé sur la silhouette, et je sais qu'elle est prête à tout, même à sacrifier une partie d'elle-même pour détruire ce qu'elle voit comme une abomination. Mais moi, je ne peux m'empêcher de me demander : est-ce vraiment la solution ? Combien de sacrifices devons-nous faire avant d’avoir droit à la rédemption ?

L’ombre se déplace, ses mouvements lents mais mesurés. À chaque pas qu’il fait, l’air semble se charger de plus en plus d’une énergie malsaine, comme si l’atmosphère elle-même se déformait sous son pouvoir. La lumière vacille autour de nous, la forêt elle-même semblant retenir son souffle.

Amara – « Il faut frapper maintenant ! »

Selene – « Attends… il est plus puissant que tout ce que nous avons affronté jusqu’à présent. Il va falloir utiliser plus que la force brute. »

Eryx fait un pas en arrière, puis un autre, comme si la simple idée de s’approcher de la créature était une trahison envers sa propre âme. Mais il sait aussi qu’il n’a pas le choix. Il a vécu dans l’ombre de cette créature trop longtemps pour ignorer l’inévitable.

Eryx – « Il… il sait tout de moi. Il… il ne me laissera pas partir. »

Sa voix est brisée, pleine de douleur et de résignation. Je comprends alors. Ce n’est pas simplement un monstre que nous devons combattre. Ce n’est pas un simple ennemi. Cette créature est l'incarnation de la faute d’Eryx, de tout ce qu’il a perdu, de toutes les vies qu’il a détruites dans sa quête de pouvoir et de vengeance. Il ne peut pas simplement la tuer. Il doit d'abord la regarder dans les yeux. Il doit confronter son propre passé pour pouvoir avancer.

Le vent se lève à nouveau, plus fort, comme un signe de la confrontation imminente. Nous n’avons plus le temps de tergiverser. C’est un choix. Un choix que nous devons faire maintenant.

Amara – « Nous devons l’affronter. Ensemble. Il n’y a pas de retour en arrière. »

Les ombres se resserrent autour de nous, et je sais que ce que nous sommes sur le point de faire pourrait tout changer. Nos vies, nos âmes, tout ce que nous avons construit, tout ce que nous avons perdu, va se jouer dans cette confrontation. Et je ne sais pas si nous en sortirons vivants. Mais nous n’avons pas le choix.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Les trois reines sauvages    Chapitre 101 — Là où brûle le souvenir

    Intérieur : Refuge du Nord : InconscienceLe drap est rêche contre sa peau. Sa respiration est lente, presque inaudible. Le souffle d’un corps vivant, mais absent. Les soigneuses, en l’observant, ont cru à une syncope, à une fatigue extrême, à ce que l’on nomme parfois le contrecoup celui qui frappe après la peur, après la fuite, après l’horreur. Elles ne savent pas que ce n’est rien de cela. Que ce n’est pas une absence. Que c’est une immersion.Elle ne dort pas.Elle ne rêve pas.Elle traverse.Et au fond du passage, il y a une porte. Et derrière cette porte, un nom qu’on avait arraché. Une vérité qui brûle.Car elle n’est pas seule.Et ce qu’elle rejoint, ce n’est pas un souvenir.C’est un monde enseveli sous les siècles et vivant encore.Intérieur : Temple du Feu-Mémoire 178 cycles plus tôtLe vent souffle sur les dômes noirs du Temple, transportant les cendres des offrandes passées, les cendres des serments tus, les cendres des vérités trop lourdes pour être portées à la lumière.

  • Les trois reines sauvages    Chapitre 100 — Là où la braise veille 

    Intérieur : Refuge du Nord : AubeLa lumière est pâle.Elle glisse entre les pierres, effleure les visages, n’éclaire rien. C’est une aurore sans chaleur, un matin sans promesse. Un entre-deux.Naëra n’a pas dormi.Ses pas sont lents. Précis. Elle avance entre les corps endormis, ses mains effleurant parfois une couverture, un front fiévreux, une cheville maigre. La salle aménagée pour accueillir les enfants est à peine fonctionnelle : une succession de matelas tordus, de chandelles presque consumées, de silences feutrés.Les plus jeunes ont fini par sombrer dans une torpeur presque animale. Les autres… écoutent. Guettent. Retiennent leur souffle.Et deux ne ferment jamais les yeux.Elle les repère aussitôt.Un garçon et une fille. Peut-être dix ans. Trop calmes. Trop nets. Trop éveillés.Le garçon fixe le plafond. Le visage parfaitement lisse, comme vidé. La fille, elle, observe Naëra.Pas avec peur.Pas avec hostilité.Avec une patience ancienne.Un regard de marbre.Un regard de se

  • Les trois reines sauvages    Chapitre 99 : Là où les cendres parlent

    Intérieur : Refuge du Nord : Grand HallLe silence est presque sacrilège.Ils sont revenus.Pas tous indemnes.Mais tous vivants.Enfin… ceux qui avaient encore un souffle.Eryx titube entre deux sentinelles, le flanc bandé, la chemise collée au sang séché. Selène avance sans un mot, la mâchoire serrée, le regard fixé devant elle comme si s’arrêter, ce serait se briser. Thalia serre toujours la main de la petite fille. Sa torche est éteinte, mais sa main tremble encore.Et Naëra, au centre.Elle marche en dernier.Pas en guide.Pas en reine.En témoin.Et peut-être, déjà, en coupable.Derrière elle, les enfants.Une cinquantaine.Certains marchent seuls. D’autres s’accrochent. Quelques-uns fixent le sol, les dents serrées comme s’ils attendaient encore un ordre, une punition, un cri.Mais il n’y a que le silence.Et l’odeur.Celle de la pluie sur les cendres.De la suie sur la peau.Du sang sur les bottes.Du feu qui s’accroche aux chairs même éteint.Ils franchissent le seuil du Refu

  • Les trois reines sauvages    Chapitre 98 : Là où les flammes prennent

    Extérieur : Vallée d’Eraz : lisière du bois noirLa pluie ne tombe pas.Elle mord.Fine. Acide. Silencieuse.Elle griffe la peau, ronge les paupières, s’insinue dans les failles. Une pluie née de la guerre, de l’air vicié par des siècles d’offrandes humaines et de cendres dissimulées sous les autels.Chaque goutte semble dire : Il est trop tard.Mais ce soir, ils veulent lui répondre : Pas encore.Eryx rampe. Lentement. Une silhouette maculée de boue, de sang séché et de colère. Il ne pense pas à la douleur dans son flanc, ni aux débris qui s’enfoncent dans ses paumes. Il pense aux visages. À ceux qu’on va chercher. À ceux qu’on a déjà perdus.Il murmure :— À droite. Une brèche. Moins gardée. On entre par là. On ressort vivants. Tous.Thalia est juste derrière lui. Sa respiration est maîtrisée, mais son poignet tremble. Toujours ce même tressaillement. Elle pourrait le contenir, le contraindre… Mais ce soir, elle le laisse vibrer. Elle n’a plus besoin de se cacher.Elle le regarde, p

  • Les trois reines sauvages    Chapitre 97 — Là où le feu s’organise

    Intérieur : Refuge du Nord : Salle des Anciennes VeillesLe feu crépite, mais ce n’est plus un feu de survie.C’est un feu de guerre.Un feu ancien.Un feu neuf.Autour de la grande table de pierre, des silhouettes se rassemblent. Lentement. Solennellement. Comme si chaque pas vers cette table était un adieu au silence, à la peur, à l’abandon.Thalia s’avance la première. Son visage encore pâle d’émotion, mais ses traits sont tendus, affutés. Sa voix a retrouvé sa force, mais elle porte encore la trace du bouleversement.— Nous n’avons plus le luxe d’attendre. Plus le droit de nous cacher. Elle est revenue. Et avec elle, le monde exige un choix.Selène est à sa gauche. Droite comme un arc bandé. Ses épaules raides. Son souffle maîtrisé. Elle n’a pas dormi, et ça se voit, mais elle n’en montre rien.Eryx, debout à l’autre bout, ne parle pas encore. Il jauge. Évalue. Ses yeux vont d’un visage à l’autre, comme s’il cherchait déjà les failles et les forces de chacun. Il observe aussi Naër

  • Les trois reines sauvages    Chapitre 96 — Là où l’oubli recule

    Extérieur : Forêt d’Askal, au sud des Hauts-FeuxLe vent change de direction.Pas un vent normal.Un vent ancien. Un souffle oublié. Celui qui portait autrefois les noms interdits, les chants interdits, les vérités noyées.Les arbres, pourtant immobiles depuis des siècles, frémissent comme sous une caresse. Leurs feuillages s’agitent sans bruit, comme pour murmurer entre eux.Les plus vieux parmi eux ceux dont les racines touchent les eaux profondes, les nappes anciennes où sommeillent les souvenirs du monde s’inclinent. Lentement. Presque en prière.Les animaux cessent de fuir. Les bêtes carnivores baissent la tête. Les proies s'arrêtent de trembler.Et tous, d’un même mouvement, regardent le Nord.Dans la clairière au centre, là où la lumière n'entrait plus depuis la Guerre des Couronnes, le Gardien de Bois s’éveille.Une créature immense, faite d’écorce vivante, de mousse et de silence. Ses yeux de sève liquide s’ouvrent lentement, douloureusement, comme s’il avait dormi trop longt

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status