Chapitre 3

Mathis n’est pas rentré de toute la nuit, il lui a seulement envoyé un message à minuit en disant qu’il était occupé au bureau, lui demandant de prendre soin d’elle.

Clara a regardé ce message et l’a trouvé tout simplement ironique.

Mais elle a fini par comprendre : elle n’avait plus le temps de se soucier de l’histoire entre lui et Élise. Avant de partir, il lui restait une chose essentielle à faire.

C’était de réaliser le vœu de sa mère.

Quand elle est arrivée à l’entreprise, elle a remarqué que ses collègues la regardaient d’un air étrange.

« J’ai entendu dire que le résultat du projet SerraNova était sorti, mais la responsable n’est pas Mlle Dubois. »

« Pas Mlle Dubois ? Mais qui alors ? Tout le monde sait qu’elle travaille dessus depuis longtemps. Si elle l’apprend, ça risque de mal finir. »

« C’est pour une nouvelle collègue. Les dirigeants ont voté ce matin pendant la réunion. »

Quelqu’un a aperçu Clara à l’entrée, tous ont détourné le regard et sont rapidement retournés à leur poste.

Clara s’est approchée de son bureau pour découvrir que toutes ses affaires avaient été retirées.

Avant qu’elle ne puisse poser de question, une voix douce de femme s’est fait entendre.

« Clara ? »

En l’entendant, Clara s’est lentement retournée. Devant elle se tenait une femme fine, avec de longs cheveux, une robe blanche, des traits délicats et charmants, surtout des yeux semblables à ceux d’un faon effrayé, éveillant facilement l’instinct protecteur des hommes.

L’expression sur son visage s’est figée petit à petit.

C’était Élise !

Les lèvres roses d’Élise ont esquissé un sourire, ses oreilles sont devenues roses, « Clara, ça fait si longtemps ! Je suis ta nouvelle collègue. Ravie de collaborer avec toi. »

Clara a regardé la main tendue d’Élise, a jeté un coup d’œil au bureau qui lui appartenait auparavant, puis elle a tapoté la surface de la table.

« Qu’est-ce que cela signifie ? »

Élise l’a regardée avec un air innocent, les yeux brillants et pleins de tristesse, gesticulant maladroitement dans les airs.

« Clara, je suis vraiment désolée. Mathis sait que je suis allergique à la poussière, alors il m’a donné ton bureau. Si cela te dérange, on peut échanger à nouveau. Je vais tout de suite lui en parler. »

Clara a esquissé un sourire moqueur. Quelle plaisanterie : Élise craignait la poussière, et elle, alors ? N’avait-elle pas les mêmes problèmes ?

Après avoir parlé, Élise s’est tournée pour se diriger vers le bureau de Mathis.

« Ce n’est pas nécessaire. »

Clara l’a arrêtée.

Elle n’aimait pas forcer les gens. Si le cœur n’y était plus, à quoi bon faire semblant d’être gentille ?

Élise s’est retournée, un sourire difficile à cacher dans ses yeux.

« Je savais que tu étais généreuse, Clara. Mais ne te méprends pas à propos de Mathis : s’il m’a fait venir ici, c’est uniquement parce qu’il pensait que tu travaillais trop. Il voulait que je t’aide. »

Clara a replié ses doigts puis les a relâchés.

Elle a souri avec autodérision. Mathis l’aimait tellement. Il craignait qu’elle soit trop fatiguée, alors il avait fait venir son premier amour pour l’aider…

« Puisque c’est une décision de M. Blanchet, alors Mlle Moreau, fais de ton mieux. Ne déçois pas ses attentes. »

Clara a fini de parler et a dépassé Élise en se dirigeant vers le bureau de Mathis.

Elle a ouvert la porte sans hésiter, Mathis a entendu le bruit, a levé les yeux et l’a regardée pendant quelques secondes, puis Clara a soudain posé son regard sur les documents posés sur son bureau.

Elle a tendu la main et les a pris.

Une lueur de panique a brillé dans les yeux habituellement calmes de Mathis.

« Clara… »

Clara a regardé la décision du projet SerraNova dans sa main.

Il y était indiqué qu’elle avait obtenu dix votes, tandis qu’Élise en avait obtenu douze, et que Mathis avait donné la voix décisive à Élise.

Ahhh !

Il avait vraiment donné le vote le plus important à Élise.

Peut-être que le calme excessif de Clara avait rendu Mathis inquiet, il s’était approché et avait saisi son bras avec sa grande main chaude.

« Clara, c’est la direction qui a décidé de laisser Élise participer au projet, même si je suis le PDG, je n’ai pas pu m’y opposer. J’espère que tu comprendras ma position. »

Clara a ressenti une amertume dans la bouche, ses lèvres sont devenues blêmes.

Mais elle n’a pas crié ni pleuré, elle est restée étonnamment calme, elle seule savait que son cœur était déjà engourdi de douleur.

Clara a esquissé un sourire forcé en regardant Mathis, et les yeux qui autrefois la regardaient avec tant de tendresse lui ont paru soudain si étrangers.

Elle a pris une profonde inspiration et l’a regardé.

« Et si je voulais absolument réaliser le projet SerraNova moi-même ? »

En entendant cela, Mathis a légèrement haussé ses sourcils.

Il a enveloppé ses doigts glacés dans sa grande main chaude, essayant patiemment de la rassurer.

« Je sais que ce projet est important pour toi, c’est le souhait de notre mère, mais penses-y autrement : tant qu’il réussit, elle pourra le voir de là-haut, et ce sera bien. »

En entendant cela, elle a souri.

Elle avait cru que tout ce qu’elle voulait, il le lui offrirait immédiatement, maintenant qu’elle voulait quelque chose, il la repoussait à cause d’une autre femme.

Ce n’était pas seulement son corps, son cœur n’était plus là non plus.

Elle a reniflé, la voix un peu rauque.

« Puisque peu importe qui le fait, pourquoi ne pas me laisser le faire ? Mon plan n’est pas moins bon que celui d’Élise. »

Mathis a eu l’air un peu gêné, il a serré fort la main de Clara, caressant le dos de sa main avec ses doigts chauds dans un geste apaisant.

« Clara, Élise vient juste de rentrer au pays. Sans un bon projet à son actif, elle ne trouvera même pas de travail. Ses parents sont malades, on ne sait pas combien de temps il leur reste… En tant qu’ancienne camarade, et toi qui as toujours été si gentille, tu ne lui en voudras pas, n’est-ce pas ? »

Clara a failli éclater de rire face à ses belles paroles, mais elle n’a ressenti qu’un goût amer.

Elle avait toujours cru que Mathis n’était bon qu’avec elle, mais elle a compris maintenant que sa gentillesse pouvait être offerte à n’importe qui.

Il s’inquiétait des allergies d’Élise à la poussière, mais il avait oublié que pour elle, la poussière pouvait provoquer des crises respiratoires graves, voire mortelles.

Voyant Clara si calme, Mathis s’est senti de plus en plus mal à l’aise, il a réfléchi un moment et lui a dit :

« Clara, sinon… »

« Laisse tomber, je ne veux plus de ce projet. Tu viens de prendre tes fonctions, tu n’as pas encore le pouvoir réel, et il y a beaucoup d’actionnaires, tu ne décides pas tout seul. »

Elle a feint d’être compréhensive et a retiré sa main sans faire de bruit, avec une pointe de lassitude dans la voix.

Quand quelqu’un ne t’aimait plus, il trouverait des milliers d’excuses pour se convaincre lui-même, même si on restait là à le supplier, misérablement.

Il ne te donnerait plus jamais ce projet, alors à quoi bon insister ?

Mathis a cru qu’il avait réussi à calmer Clara et a poussé un soupir de soulagement.

« Bon, je me souviens que tu voulais le collier Cœur Éternel à la vente aux enchères, non ? Dans deux jours, je vais l’acheter pour toi. »

Clara a esquissé un sourire figé en le regardant.

« D’accord, mais j’ai entendu dire qu’il est très cher. »

De toute façon, elle allait partir. Elle ne voulait plus de cet homme, mais l’argent restait utile. Personne n’était assez stupide pour refuser de l’argent.

« Tant que tu le veux, peu importe le prix, ça vaut le coup. »

Voyant qu’elle avait accepté, Mathis a souri doucement, a tendrement pincé sa joue et s’est penché vers elle.

La porte du bureau s’est soudain ouverte, et Élise a dit prudemment depuis l’entrée :

« M. Blanchet, la direction vous presse déjà, pourriez-vous monter s’il vous plaît ? »

La main que Mathis avait posée sur l’épaule de Clara la seconde d’avant s’est aussitôt retirée.

« J’arrive. »

À ce moment-là, Élise s’est avancée timidement, elle a mordu sa lèvre, ses yeux se sont soudain remplis de larmes, et elle a fait maladroitement des gestes simples, comme un lapin effrayé.

« M. Blanchet, Clara, est-ce que vous vous êtes disputés à cause du projet SerraNova ? Si Clara veut ce projet, ça ne me dérange pas, je peux le céder. »

En entendant cela, Clara a froncé légèrement les sourcils et a regardé Élise en disant :

« Non merci, je n’aime pas prendre ce que les autres ont utilisé. M. Blanchet tient à l’amitié de promotion, Mlle Moreau, tu dois absolument bien réaliser ce projet SerraNova. »

Après que Clara avait dit cela, les yeux d’Élise sont devenus plus rouges.

Elle a timidement tendu la main pour tirer le coin de la veste de Mathis.

« M. Blanchet, je pense que Clara a peut-être un malentendu à mon sujet, pourriez-vous lui expliquer ? Si Clara est la concurrente, je peux céder ce projet. »

Le regard de Clara est tombé sur la main d’Élise qui tirait la veste de Mathis.

Mathis n’a jamais aimé que les autres le touchent.

Élise a semblé s’apercevoir que ce n’était pas approprié, elle a immédiatement relâché sa main, et Clara a retiré son regard.

Mathis a couvert sa bouche et a toussé légèrement, « Clara a déjà accepté tout à l’heure, elle n’est pas quelqu’un de mesquin. »

Puis Mathis s’est tourné vers Clara en lui faisant un geste.

« Après la réunion, je viendrai te chercher, ce soir nous irons manger dans ton restaurant préféré. »

Il a levé le pied, est passé devant Clara et est parti avec Élise hors de la salle de réunion.

Au moment où la porte du bureau s’est refermée, Clara a pris le projet d’Élise sur la table, l’a regardé et a soudain éclaté de rire avec sarcasme.

Élise n’a même pas corrigé les fautes d’orthographe.