La porte d'entrée de la petite villa claqua, montrant que la propriétaire était de retour. Une jeune brune au teint parfaitement bronzé entra dans le salon. Elle retira les écouteurs de ses oreilles et enleva son débardeur mouillé par l'effort du footing qu'elle venait d'effectuer. Ce fut ensuite au tour de la culotte de sport qu'elle portait d'être ôtée et de rejoindre une pile de vêtements sur le fauteuil.
Un peu partout sur le carrelage, des habits traînaient dans la pièce. ‹‹ Il faut vraiment que je range tout ce bazar ›› se promit-elle intérieurement. Elle se demanda ce qu'aurait fait sa mère si cette dernière était là, et un sourire éclaira son visage. Sortant de ses pensées, elle prit la direction de la douche pour un bain. La jeune fille y était toujours lorsque dehors le vent se mit à souffler. Elle s'enroula rapidement dans une serviette et sortit fermer les fenêtres. Dehors, le ciel s'était obscurci. Debout derrière l'une d'elles, elle observait les éléments se déchaîner. Ses yeux bleus se teintèrent d'incompréhension. Elle vivait au Togo depuis son plus jeune âge et jamais en saison sèche n'avait vu d'orage. Ce n'était pas normal. Soudain, un éclair déchira le ciel, suivi d'un bruit assourdissant. Elle ressentit un picotement venant de la tache noire en forme d'éclair qu'elle avait depuis sa naissance sur son avant-bras droit. En baissant son regard, elle remarqua que cette dernière s'illuminait. Sans qu'elle ne s'y attende, une vague de frissons déferla dans ses veines en partant de sa main pour se répandre dans tout son corps. Elle tomba sur ses genoux. Sa respiration se fit saccadée, et elle pencha sa tête vers l'arrière. Des flashs d'images lui apparurent. L'Université de Lomé. La résidence réservée aux étrangers. Une villa, où sur la terrasse étaient assises deux filles de son âge. Une blonde et une autre aux cheveux noirs. À leur vue, son cœur fut ébranlé par la douce fraîcheur des frissons. Ce fut comme une explosion dans tout son être, comme si elle flottait en apesanteur. Cela dura quelques secondes puis, petit à petit, les sensations se dissipèrent. Elle rouvrit brusquement les yeux et respirera de façon à pouvoir retrouver son souffle. Malgré son état, elle se mit à rire et à pleurer à la fois. - C'est enfin l'heure, maman. Le destin nous a réunies comme tu le disais, s'adressa-t-elle à un cadre photo posé sur une table à côté de la télévision. C'était celle d'une femme brune à la peau blanche comme la neige. Ses beaux yeux bleu cyan rendaient son regard doux, et un merveilleux sourire illuminait son visage aux traits fins. Le coeur lourd, la gorge nouée et la tête bourrée de souvenirs, l'adolescente rampa jusqu'à la table. Elle prit le cadre entre ses mains et le serra très fort contre son opulente poitrine, tout en laissant ses larmes couler. Tant de fois, elle avait pleuré depuis que sa mère l'avait quittée. Malgré les mois, la douleur de sa perte était présente au plus profond de son cœur. En fuyant sur Terre, cette dernière avait perdu le don de longévité dont étaient dotés les Mirabelliens. Au fil des années, la femme avait été rattrapée par l'âge et avait rendu l'âme. Elle avait cependant pu transmettre à sa fille tout ce qu'elle devait savoir sur son origine, mais aussi sur son futur avenir de gardienne. Lorsqu'elle se fut un peu calmée, l'adolescente reposa la photo à sa place. Elle essuya ses larmes et alla enfiler des vêtements dans sa chambre. Une fois cela fait, elle s'allongea sur son lit et se mit à réfléchir. Le lien de gardienne venait d'être tissé comme l'avait prédit sa mère. Cela signifiait que la vie tranquille qu'elles avaient vécue jusque-là allait prendre fin. ‹‹ Bonjour, les ennuis ›› songea-t-elle. Au moins, maintenant, elle comprenait d'où venait cette pluie en pleine saison sèche. Une telle explosion de magie ne pouvait être sans conséquences. Si elle l'avait sentit en dépit du fait qu'elle habitait à l'autre bout du pays, les personnes dont voulaient les protéger leurs mères en fuyant Mirabel devraient aussi l'avoir ressenti. La princesse était en danger. Réalisant ce que cela signifiait, elle se releva brusquement de son lit et courut préparer un petit sac de voyage. Sa décision était prise. Elle devait les retrouver, et ceci avant leurs ennemis. Après avoir consulté les horaires de départ des bus de la poste de Kara, elle vit que le prochain était prévu dans une heure. Malgré la pluie, la jeune brune décida de se rendre à la banque retirer un peu d'argent de son compte. Elle remercia intérieurement sa génitrice d'avoir pensé à tout. Par chance, aussitôt sortie de la maison elle trouva un taxi qui la conduisit à l'UTB (l'une des banques du pays). Le parcours et le temps d'effectuer ses transactions lui avaient pris trente minutes. Une fois terminée, le même conducteur l'emmena à la gare postale. ★ Lentement, Lidya ouvrit les yeux. La chambre était illuminée par les rayons soleil qui passaient par la fenêtre. Avec la pluie de la veille, elle avait dormi comme un paresseux. Toujours somnolente, elle descendit de son lit et se dirigea vers la douche pour sa toilette matinale. Après s'être brossé les dents, elle se déshabilla pour prendre son bain. La jeune fille tourna le pommeau du robinet et passa en-dessous. Les yeux fermés, elle attendit l'impact de l'eau sur sa peau mais rien ne se produisit, juste un silence inquiétant. Elle senti des frissons lui parcourir le corps et ses poils se hérisser. Intriguée, elle ouvrit les yeux et ce qu'elle vit la laissa bouche bée. Des milliers de gouttelettes d'eau flottaient autour d'elle. Avec l'effet des rayons solaires, on aurait dit qu'elle était entourée d'une myriade d'étoiles. En quelques secondes, elle passa de l'étonnement à l'émerveillement, puis de l'émerveillement à la peur. Toute tremblante, elle hurla et cela brisa l'enchantement. Alertée par le cri de sa fille, Arielle se précipita dans la chambre de celle-ci. Elle entra en hâte dans la douche et vit cette dernière affaissée sur le carrelage et légèrement étourdie par la quantité d'eau qu'elle venait de recevoir sur sa tête. - Que se passe-t-il, chérie ? Je t'ai entendue hurler. Mais que fais-tu dans cette position ? s'enquit, toute inquiète, la mère de famille. - L'ea...eau... L'eau, il y avait des gouttelettes d'eau qui flottaient autour de moi, e...et ... bégaya Lidya en s'accrochant à sa mère pour se relever. - Des gouttelettes d'eau qui flottent ? interrogea Arielle. Tu en es sûre ? fit-elle en jetant un regard circulaire dans la douche. - Oui, maman. On aurait dit des milliers de perles, continua la jeune fille sous le regard éberlué et inquiet de sa mère. - Calme-toi, chérie. Tu as dû te cogner la tête en glissant, essaya de la raisonner Arielle. - Je sais ce que j'ai vu, maman, se défendit la jeune fille. Elle se mit sur ses pieds et s'enroula dans une serviette. Comprenant que sa mère ne la croiyait pas, elle n'insista pas, de peur d'être prise pour une folle. - Tu as sûrement raison, maman, accepta-t-elle. - Allez, dépêche-toi de t'habiller. Le petit déjeuner sera bientôt prêt, chérie, suggéra Arielle. Lidya opina de la tête et sortit de la douche. Une fois l’adolescente partie, Arielle sonda encore une fois la salle pour s'assurer que tout était normal. Rassurée, un croissant de lune déforma ses lèvres. Elle referma la porte derrière elle et retourna dans la cuisine. Une fois dans sa chambre et habillée, Lidya s'assit sur son lit et se mit à réfléchir. Elle était sûre de ce qu'elle avait vu, mais ne comprenait pas comment cela pouvait être possible. Une idée germa dans sa tête. Ce qui était arrivé la veille sur la terrasse des Butter. ‹‹ Cela aurait-il un lien ? ›› se demanda-t-elle. Toute angoissée et troublée, elle décida d'en parler avec Laurine. Peut-être qu'elle en saurait quelque chose, espéra-t-elle. Elle releva ses cheveux noirs en un chignon pas très réussi, revêtit une robe plutôt simple et descendit rejoindre sa mère à la cuisine. - Tu n'as pas bonne mine, remarqua aussitôt la jeune femme. Tu es sûre que ça va ? Lidya avait un visage anxieux. À force de tellement réfléchir, elle commençait à ressentir une migraine. - Oui oui, je vais bien. T'inquiète pas, maman, la rassura-t-elle. - Ok. Je ne pourrai pas te tenir compagnie ce matin. Je risque d'être en retard sinon, lui annonça la praticienne. - Ça ira, maman. J'ai prévu de faire visiter la résidence à Laurine aujourd'hui. Je ne serai pas seule, répondit Lidya d'une voix rassurante. Le visage d'Arielle s'illumina d'un magnifique sourire. Elle était heureuse pour sa fille. Cette dernière s'était enfin trouvée une amie. - Je suis rassurée. À ce soir, reprit la femme d'une voix enjouée et en lui donnant une bise sur la joue. Elle prit ensuite son sac posé sur la table et sa blouse, puis s'en alla. Lidya regarda la Peugeot cendrée de sa mère s'éloigner de la villa par la fenêtre. Lorsque la voiture eut disparu de son champ de vision, elle se concentra sur son déjeuner. Dans la villa voisine, Laurine venait de se réveiller. Elle avait passé la nuit précédente à réfléchir sur ce qui leur était arrivé à sa nouvelle amie et elle. Après ce contact, elle avait sentit que quelque chose avait changé en elle, mais elle n'arrivait pas à mettre la main sur quoi. Elle descendit de son lit, habillée de son pyjama rose préféré, et se dirigea vers la fenêtre pour l'ouvrir. Une fois fait, les deux rouges-gorges de la veille qui avaient leur nid dans l'oranger du jardin s'envolèrent pour se poser sur ses épaules en quête de caresses. La jeune fille leur en donna et, à sa grande surprise, elle entendit deux petites voix au lieu de gazouillements. - Je l'adore, cette petite, dit l'une d'elles. - Elle est bien la seule à nous traiter ainsi dans ce quartier, attesta l'autre voix. La jeune blonde n'en revenait pas. ‹‹ Je dois sûrement rêver ›› essaya-t-elle de se convaincre tout en laissant fuser un rire nerveux.Au sol, le jeune rebelle se tortillait de douleur et essayait tant bien que mal de stopper le sang qui coulait à flots de sa blessure. Lidya descendit précipitement de sa monture et courut auprès d'Igor. Elle s'agenouilla et plaqua de toutes ses forces ses mains contre celles du jeune homme qui lui dédia un sourire qui se termina en une grimace.- Tiens bon, Igor, ne nous abandonne pas, ordonna-t-elle, ses yeux commençant à rougir. Je t'en prie. Ça va aller.Léa, Laurine, Gaël et Carlos avaient également accouru auprès du jeune homme. Albierik s'accroupit et d'un geste précis retira la flèche. Celle-ci n'avait pas touché par chance le cœur de son collègue. Il ne restait plus qu'à espérer que l'arme n'était pas empoisonnée. Le visage teinté d'angoisse, il déchira un bout de la chemise d'Igor et le plaqua sur sa blessure. Des craquements de branches aux alentours attira leur attention. Tous se relevèrent et se mirent en position de défense, sauf Lidya qui était restée auprès d'Igor p
Le repas terminé, ils sortirent faire le tour de la ville. Gaël en profita pour trouver de nouveaux chevaux.Pendant ce temps, accompagnées de Carlos et Igor les filles décidèrent de faire un peu de tourisme. La promenade les mena devant le château ancestrale des Medox. En voyant l'immense bâtiment en marbre blanc, ses tours magestueuses, et les toits dorés Laurine en fut totalement subjuguée. À travers la grille de fer entourant le château, elle vit de multiples fleurs, le gazon qui était parfaitement taillé, des arbres fruitiers, et une fontaine située en plein centre du jardin. C'était juste magique. De la joie, voilà ce que inspirait le lieu. Laurine se surprit à imaginer ce que serait la vie au sein du château. Elle s'imagina entrain de pique-niquer avec sa vraie mère dans cet endroit paradisiaque, au milieu des fleurs, assise sur la pelouse. Son cœur se rechauffa et gonfla d'allégresse. Elle leva les yeux vers les différentes fenêtres du château et une vérité la frappa. L'une
Une journée plus tard, ils entraient sur le territoire des Medox. Ayant été forcés de terminer le reste du trajet à pied à cause de la fuite des chevaux, leurs vêtements étaient poussiéreux et humides à cause de la sueur ; ils avaient les cheveux emmêlés, ce qui ne les aidaient pas à passer les rues de la ville en toute discrétion. La petite troupe marchait de plus en plus lentement à cause de la fatigue qui commençait à les gagner. Lidya qui détestait être un centre d'attention gardait la tête baissée espérant que ses cheveux lui cachent le visage. Elle avait mal aux pieds à cause du chemin parcouru. Ajouté à cela, elle avait honte de l'état de ses habits. Intérieurement, elle pria pour qu'ils puissent trouver rapidement un endroit où se reposer.Elle osa relever un tout petit peu la tête pour observer Gaël, Carlos et Igor. Ces derniers tenaient une discussion très animée. En prêtant l'oreille, elle put saisir quelques bribes de leur conversation. Ils se racontaient des anecdotes d
- Quoi encore ? marmonna Léa en essayant de rester droite sur ses pieds. Autour, les arbres bougeaient sous impacte des tremblements.- Restez sur vos gardes, avertit Gaël aux aguets.Les secousses s'amplifiaient de plus en plus et se rapprochaient dangereusement. Brusquement, tout devint calme. Plus rien ne se fit sentir, laissant les six compagnons de voyage pantois. Ceux-ci se lancèrent des regards interrogateurs teintés d'angoisse. Puis, sans qu'ils ne s'y attendent, un vers géant sortit du sol creusant à son passage un gros trou de la forme d'un cratère. Il avait la peau aussi noir que celle de la furie. De sa bouche remplis de dents affûtées coulait une bave de couleur verte. Une goutte du liquide tomba sur une touffe d'herbe et celle-ci se fana instantanément. Ses trois yeux jaunes et sauvages fixaient chacun des jeunes gens comme s'il avait l'embarras du choix. - Ne bougez surtout pas, restez calme ordonna en murmurant le chef rebelle. Carlos, reste... Non, tu restes où tu
Deux heures plus tôt, ils avaient quitté le Camp. Accompagné de Carlos qui leur servait de guide, le petit groupe avançait dans la forêt de Syrte en direction de la frontière de Valladium, territoire des Medox, situé au Nord-Ouest d'El-Dorado. Autour d'eux, un silence apaisant régnait, troublé par les chants d'oiseaux, le bruit d'une rivière un peu plus loin, et par les pas des chevaux. Il faisait mi-sombre malgré l'heure avancé de la journée. Ils empruntaient une piste sablonneuse qui serpentait à travers les bois, tracée au fil du temps, à force d'y marcher et galoper.Encore novice, Laurine essayait tant bien que mal de rester droite sur sa monture. Carlos trottait à ses côtés lui donnant quelques conseils de temps à autre. Lidya, elle, galopait sur le même alignement que Gaël. Léa et Igor venaient après. - Dans deux jours au plus, si tout va bien, nous serons à Valladium, annonça gaiement Carlos. - J'ai hâte d'y être, s'enthousiasma Lidya. Il paraît que la ville n'est pas enco
Le noir total. Autour d'elle, tout n'était qu'obscurité et silence. Lidya était apeurée. De petites gouttes salées perlaient sur son front, sa peau était couverte de chair de poule à cause du froid, et ses doigts tremblaient révélant son agitation intérieur. Elle jetait des regards inquiets aux alentours. Où était-elle ? Comment avait-elle atterri dans ce tunnel sombre et humide ? Était-ce de la réalité ou un rêve ?Soudain, au loin, elle aperçut une lumière violette et se dirigea vers la source avec appréhension. Lorsqu'elle y arriva, elle se retrouva devant une cellule. À l'intérieur, sur un lit de pierre, était allongée une femme. Cette dernière portait une longue robe noire qui couvrait son corps menu et fragile. Malgré cela, elle tremblait de froid. Lidya reconnut sa mère et en eut le cœur brisé. Faisant fi de toute vigilance, elle se précipita vers les barreaux et tenta d'ouvrir la serrure, en vain. Alertée par le raffut, Arielle se retourna avec difficulté. Les joues creuses,