Léna
Vraiment dangereux.
Et le pire ?
C’est que je ne veux pas arrêter.
La provocation continue
Le lendemain matin, je me prépare avec un soin particulier.
Un chemisier blanc, légèrement entrouvert.
Une jupe crayon qui épouse parfaitement mes formes.
Des talons qui me font gagner quelques centimètres et un rouge à lèvres carmin.
Prête à jouer.
Quand j’arrive au bureau, Blackwood est déjà là.
Plongé dans un dossier, concentré, le front légèrement plissé.
Parfait.
Je me dirige vers lui avec une démarche assurée et dépose une tasse de café devant lui.
Il lève à peine les yeux.
— Vous essayez de m’acheter avec du café ?
Je souris.
— J’essaie d’adoucir votre humeur.
Il referme son dossier d’un geste lent et me fixe enfin.
— Et pourquoi voudriez-vous adoucir mon humeur, Léna ?
Je m’appuie contre son bureau, bras croisés.
— Parce que vous avez l’air… tendu.
Ses yeux sombres descendent sur moi, s’attardent légèrement sur l’ouverture de mon chemisier avant de remonter à mon visage.
— Et vous pensez que c’est à cause de vous ?
Je fais mine de réfléchir.
— Probablement.
Un silence.
Puis, un rictus léger sur ses lèvres.
— Vous avez raison.
Oh.
Je ne m’attendais pas à ça.
Il se lève lentement, contourne son bureau et s’appuie contre le bord, à quelques centimètres de moi.
— Vous êtes un problème, Léna.
Mon cœur rate un battement.
— Un problème ?
Il incline légèrement la tête.
— Un problème que j’ai envie de résoudre.
Sa voix est plus basse, presque un murmure.
Bon sang.
Il joue aussi.
Et le pire ?
Il est en train de gagner.
La tension monte
La journée passe entre regards volés, frôlements accidentels et une tension qui devient insupportable.
Je veux le pousser à bout.
Je veux voir jusqu’où il est capable d’aller avant de craquer.
Alors, pendant une réunion, je décide de m’amuser un peu.
Je croise lentement les jambes sous la table, juste assez pour que le mouvement attire son attention.
Je fais glisser un stylo entre mes doigts, l’effleurant distraitement contre mes lèvres.
Et je parle, enroulant ma voix de douceur, jouant avec les mots comme une danseuse sur un fil.
Je le sens se tendre.
Son regard devient plus sombre, ses doigts se crispent sur l’accoudoir de sa chaise.
Il est sur le point d’exploser.
L’explosion
La réunion terminée, il ne me laisse même pas le temps de quitter la salle.
En une seconde, il m’attrape par le poignet et me plaque doucement contre la porte.
— Léna.
Son souffle est brûlant contre ma peau.
— Oui ?
Il me fixe intensément.
— Arrêtez.
Je bats des cils, faussement innocente.
— Arrêter quoi ?
Un sourire en coin.
— Vous savez très bien ce que vous faites.
Je soutiens son regard, sentant la tension électrique entre nous.
Puis, lentement, je murmure :
— Et si je n’ai pas envie d’arrêter ?
Son regard s’assombrit encore.
Son poing se serre légèrement contre la porte.
Un silence.
Une seconde interminable où tout peut basculer.
Puis il recule, brisant la bulle d’intensité entre nous.
— Vous aimez jouer, Léna.
Il ajuste son costume, l’air impassible, avant de me lâcher une dernière phrase :
— Mais faites attention. Parce qu’un jour, c’est moi qui gagnerai.
Et il s’éloigne.
Léna
J’aurais dû arrêter.
J’aurais dû comprendre que je jouais avec le feu.
Mais non.
Je continue.
Parce que c’est trop bon.
Cette tension entre nous, ce jeu dangereux, cette attirance qui s’étire et se tord sans jamais céder.
J’ai envie de voir jusqu’où je peux aller.
J’ai envie de le voir craquer.
Et, plus que tout…
J’ai envie de voir ce qu’il se passe après.
La provocation recommence
Le lendemain matin, j’arrive au bureau en retard.
Exprès.
Quand j’entre dans son bureau, Blackwood est déjà là.
Assis derrière son immense bureau en acajou, les doigts croisés sous son menton.
Son regard est noir.
Je referme la porte derrière moi, lentement.
— Vous êtes en retard.
— Vous m’avez manqué ?
Son expression ne bouge pas.
Mais son regard oui.
Un éclair de quelque chose.
Un soupçon de frustration.
Ou de désir ?
— Asseyez-vous, Léna.
Je m’exécute, croisant les jambes avec une lenteur calculée.
Son regard glisse une fraction de seconde.
Touché.
Il prend un dossier et me le tend.
— Vous allez travailler là-dessus aujourd’hui. C’est prioritaire.
Je prends le dossier sans le quitter des yeux.
— Vous me donnez des ordres maintenant ?
— Depuis le début.
Je souris.
— Et si je n’obéis pas ?
Il se lève, contourne lentement son bureau, et s’appuie dessus, juste en face de moi.
Son parfum me frappe de plein fouet.
— Vous voulez vraiment tester mes limites, Léna ?
Mon cœur s’emballe.
Il ne plaisante pas.
Son regard est brûlant, sa posture tendue.
Je l’ai poussé trop loin.
Ou peut-être pas assez.
Une soirée à haut risque
Le soir, nous avons un événement d’entreprise.
Un gala.
Tenue de rigueur, champagne, et un Adrian Blackwood en smoking.
Je m’étais promis de garder mes distances.
Vraiment.
Mais quand je le vois…
Je sais que c’est foutu.
Il est là, au milieu des invités, un verre à la main, échangeant des banalités avec un investisseur.
Et moi, je suis incapable de détourner les yeux.
Je sens son regard me chercher.
Et quand il me trouve, son regard devient plus sombre.
Il s’excuse auprès de son interlocuteur et traverse la salle.
Droit vers moi.
Je n’ai même pas le temps de fuir.
Il s’arrête juste devant moi, son regard rivé au mien.
— J’ai un problème.
Ma gorge se serre.
— Ah oui ?
Il hoche lentement la tête.
— Oui. Vous.
Oh.
Je n’ai pas le temps de réagir qu’il me tend une coupe de champagne.
— Buvez.
— Pourquoi ?
— Parce que sinon, je vais faire quelque chose que je ne devrais pas.
Sa voix est rauque.
Ma respiration se bloque.
Je prends la coupe, mais mes doigts tremblent légèrement.
Et je sais.
Je sais que ce jeu va trop loin.
Et pourtant…
Je n’ai aucune envie d’arrêter.
Danse avec le diable
La soirée avance et la tension devient insoutenable.
Puis, la musique change.
Un morceau lent.
Un tango.
Et Blackwood…
Me tend la main.
— Dansez avec moi.
Je le fixe, hésitante.
— Pourquoi ?
— Parce que je veux voir si vous mentez aussi avec votre corps.
Oh.
Il sait.
Il sait que je mens tout le temps, que je joue, que je provoque.
Et il veut voir si, dans une danse, je suis capable de tricher.
IsabelaIl marche à côté de moi.Silencieux.Comme un homme enchaîné à ses propres fautes.Je sens son trouble, son hésitation.Mais je ne tends pas la main pour le rassurer.Je ne suis pas celle qu’on console.Je suis celle qui décide.Celle qui tient.Ma paume repose contre mon ventre.C’est presque inconscient, ce geste.Instinctif.Animal.Comme si mon corps savait déjà qu’il n’y a plus qu’un seul être à protéger.Moi.Et cet enfant.Je sens son regard parfois.Il le laisse glisser vers moi, puis le détourne.Comme s’il n’avait pas le droit de me regarder.Comme s’il avait peur de ce qu’il pourrait y lire.Le silence entre nous pèse.Il est lourd, lourd de non-dits et d’histoires suspendues.Léna.Ce prénom me brûle encore la gorge quand j’y pense.Il m’a laissée dans l’ombre de ce qu’il aurait pu être.Là, sous son regard fuyant, je me fais une promesse.Ce n’est plus une question d’amour.C’est une question de pouvoir.Et je ne serai jamais celle qu’on oublie.Adrian n’est pas l
AdrianJe marche sans but dans la ville encore endormie.Le vent du matin gifle mon visage, mais je ne sens rien.Plus rien.Elle l’a choisi.Et moi… j’erre. Comme un chien qu’on a chassé.Les rues sont vides, le ciel d’un gris sale, et l’asphalte encore humide d’une pluie tombée trop tard.Chaque pas que je fais me ramène à elle.À Léna.Ses rires étouffés. Ses mains tremblantes contre ma peau. Ses silences pleins de colère et d’amour.Je l’ai perdue.Parce que je croyais pouvoir jouer à l’équilibriste sur le fil du destin.Parce que je pensais qu’aimer pouvait être simple, même pour un homme comme moi.Je ne devrais pas revenir.Je ne devrais même pas penser à elle.Mais je sais déjà que je le ferai.Encore. Toujours.J’ai cru pouvoir l’aimer sans conséquences.J’ai cru que ce qu’on partageait pouvait exister dans un monde fait de chaînes et de sang.Mais ce n’est pas ainsi que les histoires se terminent dans notre univers.Ici, chaque choix a un prix.Et celui de mon amour… c’est l
AdrianJe marche sans but dans la ville encore endormie.Les lampadaires meurent lentement, un à un, comme des étoiles trop fatiguées pour continuer à briller.Le vent du matin gifle mon visage, mais je ne sens rien.Plus rien.Elle l’a choisi.Elle a choisi lui, ce frère qui m’a tout pris, jusqu’à mon souffle.Et moi… j’erre. Comme un chien qu’on a chassé.Pas même un chien de guerre. Juste un animal inutile, trop marqué par ses fautes pour encore mordre.Je ne devrais pas revenir.Je ne devrais pas même penser à elle.Mais je sais déjà que je le ferai. Encore. Toujours.Chaque fois que je ferme les yeux, c’est son visage qui revient.Son rire qui s’éteint.Sa voix qui me hante.J’ai cru pouvoir l’aimer sans conséquences.J’ai cru que ce qu’on partageait pouvait exister dans un monde fait de chaînes et de sang.Mais ce n’est pas ainsi que les histoires se terminent dans notre univers.Pas dans le nôtre.Pas avec un nom comme le mien.Un cri fend l’air.Un son trop réel. Trop brutal.
LénaJe ne dors pas.Même après lui.Même après la chaleur, le silence, les soupirs mêlés et la certitude d’avoir franchi une frontière sans retour.Je ne dors pas.Parce que son souffle dans mon cou est trop calme.Parce que mon cœur, lui, bat encore à contre-temps.Parce que je sens, au fond de moi, que quelque chose approche.Quelque chose d’immense. D’inévitable. D’irréversible.Je fixe le plafond.La lumière grise du matin filtre à peine à travers les rideaux lourds.Le monde semble suspendu. Comme si l’univers retenait son souffle.Comme si lui aussi savait.Je pense à tout ce que j’ai perdu.À tout ce que je suis en train de devenir.Je pense à Adrian, à Alejandro, à moi, quelque part entre les deux, coupée en deux parts inconciliables.Je me lève. Pieds nus sur le marbre froid.Je m’habille lentement, comme si chaque geste pouvait me protéger de ce que je pressens.Je tire sur ma chemise. J’attache mes cheveux. J’efface les traces. Mais à quoi bon ?Ce qu’il a imprimé en moi n
LénaJe suis restée dans ses bras longtemps après.Le souffle en miettes.La peau marquée.L’âme secouée.Ses doigts s’étaient refermés autour de mes poignets avec une telle précision que même maintenant, en silence, je les ressens encore.Comme des chaînes de velours.Comme un serment.Alejandro ne parle pas.Mais je le sens.Je le connais trop, maintenant.Il n’a pas calmé la tempête.Il l’a contenue.Et elle gronde encore sous sa peau.Ses muscles sont tendus contre moi.Son torse se soulève lentement.Il respire comme un homme qui lutte contre lui-même.Et moi, je reste là.Nue.Brisée.Vivante.— Tu vas encore me punir demain ? je souffle, la voix rauque.Un murmure. Un défi. Une supplique.— Non.Pause.— Demain, je vais te rappeler pourquoi tu ne peux pas partir.Ses mots me frappent plus fort que ses gestes.Parce qu’il ne ment jamais quand il parle ainsi.Parce que je sais qu’il a raison.Parce que c’est là, entre nous.Cette chose féroce, dévorante, qu’on appelle l’amour qua
AlejandroJe n’ai rien dit.Je ne l’ai pas arrêtée.Je l’ai laissée redescendre les marches, le port altier, la nuque droite, comme si rien n’avait existé.Mais je l’ai vue.Son regard.Sa brûlure.Ce vertige au bord des lèvres quand elle parlait à cet homme qui ne mérite même pas de prononcer son nom.Je ne suis pas un imbécile.Ni un martyr.Je suis patient.Mais pas aveugle.Et ce soir, elle a franchi une limite.Silencieuse.Tranchante.Dévastatrice.Alors je l’attends.Dans notre chambre.Là où elle sait qu’elle devra faire face.Là où je la veux.Entière. Nue. Sans masque.Quand elle entre, je ne bouge pas.Je suis debout, face à la fenêtre.Le nœud de ma cravate défait.La mâchoire tendue.Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir que son souffle est court.Que son cœur bat plus vite.Elle sait.Elle sait que le silence, chez moi, est un prélude à la tempête.— Ferme la porte, dis-je.Elle hésite.Je sens le tremblement, à peine perceptible, dans sa respiration.Elle le fa
LénaLe bal suit son cours.Les violons pleurent des notes trop polies.Les sourires sont taillés dans le marbre.Et moi, je suffoque derrière mon masque.Je suis l’élégance. La retenue. La femme qu’on regarde avec admiration, sans jamais vraiment la voir.Les conversations s’enchaînent.On me complimente.On me jauge.On m’étiquette.Je souris comme on brandit une arme.Mon rire est une parure.Ma robe noire, une déclaration de guerre muette.Alejandro est là, toujours. À une distance parfaite, comme un souverain qui protège sa reine sans l’enfermer.Il ne m’enferme pas.Il m’élève.Et pourtant… je suis ailleurs.Il me connaît.Il sait que j’ai besoin d’espace pour respirer.Mais il ne sait pas ce que je cherche à fuir.Il ne devine pas les ombres dans ma cage thoracique.Je m’approche du balcon.Je laisse le vent fouiller mes cheveux, gifler mes joues.J’aurais voulu fumer. Hurler. Disparaître.Devenir autre chose qu’un fantôme élégant qui flotte entre les éclats de cristal et les f
AdrianJe l’ai vue bien avant qu’elle n’entre.Je l’ai sentie, plutôt.Comme une brûlure dans la gorge.Une lame dans le ventre.Une mémoire qu’on ne peut pas effacer.Léna.Elle traverse la salle comme un incendie contenu.Et Alejandro… Alejandro ne bouge pas.Il l’attend, bras tendu, regard fixe, comme s’il savait qu’elle viendrait. Comme s’il avait parié sa vie sur ce moment.Et elle est venue.Je serre les dents.Mon bras enlace la taille d’Amalia, douce, fragile, irréprochable.Ma femme.La petite sœur d’Alejandro.Un nom trop lourd. Un lien trop pur pour la saleté que je porte encore en moi.Elle sent mon corps se raidir.Elle penche la tête vers moi, voix douce :— Tu vas bien ?Je mens.— Oui.Mais mon cœur hurle.Car ce soir, Léna n’est plus un fantôme.Elle est là.Présente.Magnifique.Dangereuse.Et elle ne me regarde même pas.---LénaJe le sens dès que j’entre.Pas Alejandro.L’autre.Adrian.Je ne l’ai pas cherché du regard. Je m’y suis refusée.Mais il est là, accroch
AlejandroJe déteste les réceptions.Je déteste les verres qui s’entrechoquent, les sourires faux, les promesses murmurées entre deux coupes de champagne.Je déteste les jeux de pouvoir déguisés en civilité, les regards qui jaugent, les mains qui se tendent pour mieux poignarder.Je déteste les costumes trop bien taillés, les rires forcés, les cigares qui empestent l’arrogance.Je déteste les femmes peintes comme des trophées, les hommes qui parlent trop fort pour cacher leurs faiblesses.Je déteste cette mise en scène grotesque qu’on appelle diplomatie dans mon monde.Mais ce soir…Je les tolère.Parce qu’elle est là.Et que tout ce cirque n’a qu’un but : l’encercler sans la blesser.La montrer sans l’offrir.La hisser au sommet sans qu’on ose l’atteindre.Faire comprendre à tous qu’elle m’appartient — même si je ne la tiens plus.Même si je n’ai plus aucun contrôle.Même si un seul de ses regards pourrait me crucifier sur place.Je suis immobile au centre de la pièce.Statuaire. Gla