Léna
Le problème avec Adrian Blackwood ?
C’est qu’il joue beaucoup trop bien.
Et moi ?
Je perds pied.
Depuis qu’il a lâché cette phrase sous le lampadaire – Vous en êtes un –, je ne pense plus à autre chose.
Un défi.
C’est ce que je suis pour lui.
Et il sait que je ne peux pas résister aux défis.
Mais il y a un problème.
Un gros problème.
Il ne peut pas non plus me résister.
Tête-à-tête sous haute tension
Le matin, nous avons une nouvelle réunion avec les Italiens.
Je suis parfaitement prête.
Ma robe est sobre, élégante, légèrement ajustée – juste ce qu’il faut pour rappeler que je sais exactement ce que je fais.
Quand j’entre dans la salle de réunion, Blackwood est déjà là.
Costume impeccable, posture dominante, regard dangereusement perçant.
Je sens son regard glisser sur moi.
Il ne dit rien.
Mais ses doigts tapent légèrement sur la table.
Un tic nerveux.
Un signe qu’il est… perturbé.
Bon.
Au moins, je ne suis pas la seule à être troublée.
La réunion commence.
Je garde mon masque professionnel, jongle avec les arguments, joue avec les mots, feinte la compréhension tout en lisant entre les lignes.
Et Blackwood…
Il me regarde.
Tout le temps.
Quand je parle, quand je bois une gorgée d’eau, quand je croise les jambes.
C’est presque insoutenable.
Mais il ne fait rien.
Il se contente de m’observer.
Et ça, c’est pire.
La provocation
L’après-midi, nous avons une pause avant un dernier rendez-vous.
Je décide de sortir prendre l’air, histoire de me remettre les idées en place.
Sauf que Blackwood me suit.
Je l’entends derrière moi, ses pas précis et assurés sur le sol en marbre du hall d’hôtel.
— Vous me suivez ?
Il s’arrête juste derrière moi, si près que je peux sentir son parfum.
— Je vous surveille.
Je fronce les sourcils et me retourne pour lui faire face.
— Pourquoi ?
Un sourire en coin.
— Parce que vous êtes une menteuse, Léna. Et les menteuses sont imprévisibles.
J’éclate de rire.
— Vous avez peur que je m’enfuie avec votre entreprise sous le bras ?
— Non.
Son regard glisse sur moi.
— J’ai peur que vous me fassiez perdre le contrôle.
Oh.
D’accord.
On en est là.
Je pourrais jouer la carte de l’innocence.
Ou au contraire, pousser le jeu plus loin.
Bien sûr, je choisis la deuxième option.
— Vous perdez souvent le contrôle, Blackwood ?
Il serre la mâchoire.
— Jamais.
— Oh, vraiment ?
Je me penche légèrement vers lui, un sourire au coin des lèvres.
— Et si je faisais ça ?
Ma main frôle innocemment son bras.
Il ne bouge pas.
Mais je vois ses doigts se crisper légèrement.
— Léna.
Sa voix est rauque.
Presque un avertissement.
— Oui ?
Son regard est brûlant.
— Vous êtes en train de jouer à un jeu dangereux.
Je souris.
— J’adore le danger.
Dîner sous tension
Le soir, nous devons assister à un dîner avec les investisseurs.
Blackwood m’attend dans le hall.
Quand je le vois, je ressens un choc électrique.
Son costume noir parfaitement taillé, sa chemise légèrement ouverte…
Il est une tentation vivante.
Et le pire ?
C’est qu’il sait exactement l’effet qu’il me fait.
— Vous êtes en retard, Mademoiselle Morel.
— Ou peut-être que vous êtes en avance.
Il sourit légèrement.
— Ou peut-être que j’avais hâte de vous voir.
Mon cœur rate un battement.
Okay.
Donc maintenant, il flirte ouvertement.
Très bien.
Deux peuvent jouer à ce jeu.
Je m’approche, lentement.
— Et si c’était moi qui avais hâte de vous voir ?
Il arque un sourcil.
— Dans ce cas, on a un problème.
— Pourquoi ?
Son regard s’assombrit.
— Parce que j’ai du mal à me concentrer quand vous êtes trop près.
Ma respiration se bloque.
Il plaisante ou quoi ?
— Adrian…
Je murmure son prénom sans réfléchir.
Il semble figer une seconde.
Puis il soupire.
— Monte en voiture, Léna.
Je souris, victorieuse.
Je l’ai touché.
Et ce n’est que le début.
Le jeu continue
Pendant le dîner, je suis impeccable.
Je discute avec les Italiens, je ris à leurs blagues, je manipule les mots avec aisance.
Et Blackwood…
Il m’observe.
Encore.
Mais cette fois, son regard n’est plus seulement curieux.
Il est affamé.
Quand nos yeux se croisent, une décharge me traverse.
Je sais ce qu’il pense.
Et il sait ce que je ressens.
À la fin du dîner, il me retient par le poignet.
— Vous jouez avec moi, Léna.
Je frissonne.
— Et vous adorez ça.
Il me fixe un long moment.
Puis il murmure, tout près de mon oreille :
— Trop.
Et là, je sais.
Je suis en train de tomber.
Et cette fois…
Ce n’est pas un mensonge.
J’ai un problème.
Un gros problème.
Adrian Blackwood sait jouer.
Et il est en train de me battre à mon propre jeu.
Je pensais pouvoir le manipuler, le déstabiliser, le forcer à sortir de sa tour d’acier.
Mais voilà le souci : je suis en train de me brûler.
Ce n’est pas normal.
Je ne suis pas censée ressentir ça.
Cet étrange frisson quand il me frôle.
Ce maudit coup d’adrénaline quand nos regards se croisent.
Cette chaleur diffuse qui me serre la poitrine quand il me parle à voix basse.
C’est dangereux.
Me laissant là, complètement bouleversée.
Bon.
Je crois que je suis foutue.
AlejandroLe silence s’étend dans la pièce comme une brume lourde, étouffante.Il me saisit, il me colle à la peau.Je le sens sur mes épaules, comme un fardeau invisible, un poids que je ne peux pas rejeter.Les murs semblent s’approcher.Je n’arrive pas à respirer.Je fixe le feu éteint dans la cheminée, où seules des braises mortes restent.J’aurais dû partir plus tôt.Je suis censé lui laisser son espace.Lui donner un peu de répit, de tranquillité.Un peu de fausse liberté.Mais je n’y arrive pas.Je suis resté là, immobile.À regarder cette maison que j’ai construite, cette prison dorée.Je la vois à travers chaque détail.Les rideaux qui pendent comme des draps immaculés, presque trop parfaits.Les meubles que j’ai choisis avec soin, chaque objet placé pour plaire à ses yeux.Elle pense que c’est chez elle.Elle pense qu’elle peut m’échapper.Mais je sais.Elle est chez moi.Elle a toujours été chez moi.Je me lève d’un coup, brisant le silence comme un éclat de verre.La chais
LénaLe vent s'engouffre dans l'atelier.Il fait vibrer les rideaux blancs contre les murs.Il emporte un peu de cette odeur de peinture fraîche, de ce parfum chimique qui colle à la gorge.Et pour la première fois depuis longtemps, je respire vraiment.Je reste là, debout.Face à la verrière.Face au monde.Ou à ce qu’il en reste.En bas, la rue est presque vide.Un homme marche en traînant les pieds, son visage invisible sous la visière de sa casquette.Une femme pousse une poussette d'un pas rapide, jetant des regards nerveux autour d'elle.Un chien aboie derrière un portail rouillé.Des bribes de vie, arrachées au silence.La ville semble étrangère.Comme si je l'observais à travers une vitre épaisse.Comme si je n’en faisais plus partie.Je passe mes doigts sur le rebord de la fenêtre.Le bois est lisse.Froid.Trop parfait, encore.Chaque détail est pensé.Prémédité.Comme si tout ici devait m'empêcher de partir.Me convaincre que je suis à ma place.Je recule.Je referme doucem
LénaL’atelier sent le neuf.Et un peu la peinture fraîche.Une grande verrière laisse entrer la lumière du matin.Un parquet brut.Des murs blancs.Un silence presque trop pur.Je fais un pas.Puis un autre.Je suis seule.Enfin… presque.Le garde est resté dehors.Assis dans une voiture banalisée.Il m’a saluée d’un signe de tête.Pas un mot.Pas un sourire.Ça me va.Je n’ai pas besoin de plus.Ou peut-être que si.Mais je refuse de l’admettre.J’avance vers la grande table centrale.Dessus, un carnet vierge.Du bon papier.Épais.Un stylo-plume posé avec soin.Je caresse la couverture.C’est lui.Forcément lui.Il me connaît.Trop bien.C’est presque une malédiction.Je n’ai rien dit.Et il a su ce qu’il fallait.Ce que j’aimais.Ce que je pourrais être ici.Mais ce n’est pas ça qui m’agace.Ce n’est pas cette générosité silencieuse.C’est cette sensation.Qu’il est là.Partout.Même dans mon refuge.Je fais le tour.J’ouvre les placards.Des toiles.Des fournitures.Tout ce dont
LénaIl n’a rien dit pendant deux jours.Pas un reproche.Pas une menace.Pas même une remarque acerbe.Juste le silence.Son silence.Lourd.Calculé.Presque clinique.Il m’a regardée comme une équation qu’il n’arrivait plus à résoudre.Il m’a frôlée sans me toucher.Il a dormi à côté sans me frôler.Et moi, j’ai attendu.Pas comme une femme soumise.Mais comme une joueuse.Parce que je savais qu’il finirait par revenir.Il revient toujours.Mais il revient avec une décision.Pas avec des excuses.Ce soir-là, il entre dans le salon.Costume sombre.Cravate défait.Les manches roulées.Les veines de ses avant-bras battent comme une promesse.Ou une menace.Il s’assoit.Calme.Sûr.Comme un roi sur son trône.Mais ses yeux me cherchent.Me percent.Me lisent.— J’ai pensé à ton refus.Je croise les bras.Je me prépare au duel.Pas à la conciliation.Je ne réponds pas.Je le laisse parler.C’est rare, qu’il cherche les mots avant de les dire.D’habitude, il impose.Il ordonne.Il tranch
LénaOu juste un nouveau masque.Encore plus dangereux.Parce qu’il ressemble à l’amour.— Pourquoi ? Parce que je te sers le petit déjeuner au lit ?— Parce que tu n’as jamais été gentil sans raison.Il penche la tête.Ses doigts remontent lentement jusqu’à mon genou.Un frôlement à peine là.Mais il enflamme tout.— Et si je voulais juste te voir sourire ?Je ne réponds pas.Je trempe mes lèvres dans le café.Il est parfait.Évidemment.Chaque détail est calculé.Dosé.Tout est trop parfait.Et moi, je ne suis pas faite pour ça.Je ne crois pas à l’apaisement après l’orage.Avec lui, il n’y a pas de répit.Il y a toujours une tempête qui couve.Il m’observe.Il attend quelque chose.Une réaction.Un mot.Une faille.Il veut savoir jusqu’où il peut aller.Jusqu’où je tiendrai.— Tu m’en veux pour cette nuit ? demande-t-il, trop calmement.Ses doigts ne bougent plus.Ses yeux sont sombres.La douceur n’était qu’un vernis.Je pose le croissant.Je le regarde droit dans les yeux.— Tu m
LénaIl ne s’arrête pas.Il me prend encore.Encore.Encore.Comme si chaque coup de reins devait effacer la mémoire du monde,comme si chaque va-et-vient hurlait une vérité plus ancienne que le silence.Il me baise comme on cherche à survivre.Comme un cri jeté à la nuit.Comme une prière sans dieu pour l’entendre.Ses mains sont féroces.Ses doigts s’enfoncent dans mes hanches, m’obligent à rester là, offerte.Ses bras sont des chaînes qui ne veulent plus me rendre au monde.Je suis prise.Captive.Sacrifiée.Et j’ouvre les bras au sacrifice.Je ne respire plus.Ou peut-être est-ce lui qui respire pour moi.Ma peau brûle.Mes cuisses tremblent.Mon ventre se tord.Je suis à la frontière de moi-même.Dépouillée de toute volonté.Consentie à ma propre dissolution.Il me pénètre avec rage.Avec fièvre.Avec un besoin qui dépasse le corps.Il me baise comme on frappe.Comme on jure fidélité.Comme on tue.Je m’accroche aux draps, à son cou, à sa nuque, à tout ce qui peut encore me raccr