LOGINLa robe qu’on m’a imposée me colle à la peau. Trop moulante, trop chère, trop… étrangère à moi.
Je jette un dernier regard à mon reflet dans la vitre fumée de la voiture. Mes mains tremblent légèrement. C’est ridicule, j’ai répété ma présentation toute la semaine, je connais mes chiffres par cœur, mais mon cœur bat à tout rompre. À ma droite, Noah est assis, silencieux mais très confiant. Son profil est coupé au couteau, froid, parfait, presque irritant. Je déteste ce silence. — Vous allez continuer à trembler comme ça toute la soirée ? demande-t-il sans me regarder. Je sursaute. — Je… non, monsieur. Il soupire. — Alors respirez, Mademoiselle Mballa. Vous êtes ici pour convaincre des investisseurs, pas pour vous évanouir. Je serre les dents. Il n’a pas idée à quel point sa présence seule me déstabilise. Quand nous arrivons devant l’hôtel, les flashs des journalistes illuminent la façade. Des voitures de luxe se succèdent, les invités s’échangent des sourires polis. J’ai l’impression d’entrer dans un autre monde. Le sien. À l’intérieur, tout brille : les lustres, les regards, les ambitions. Noah avance, imposant, la main dans la poche, distribuant des salutations mesurées. Moi, je suis à deux pas derrière, invisible. Enfin, jusqu’à ce qu’il m’annonce. — Voici Nadège Mballa, notre stagiaire marketing. Sa voix résonne. Je sens les regards se tourner vers moi. Un frisson me parcourt. Certains sourient, d’autres ricanent à peine. Il ajoute, d’un ton qu’il veut sans doute neutre : — Elle va vous présenter notre nouvelle campagne d’image pour la marque. J’ai un blanc. Il ne m’avait pas dit que ce serait maintenant. Je croise son regard. Il m’observe, impassible, les bras croisés, attendant ma chute. Très bien. Qu’il regarde. Je m’avance. Les projecteurs m’éblouissent, mais les mots sortent tout seuls. Les chiffres, les visuels, la stratégie. Je parle de perception, d’émotion, de jeunesse. Je décris une marque humaine, accessible, connectée au Cameroun moderne. Et, peu à peu, les regards changent. Les investisseurs, d’abord distraits, se redressent. Des murmures approbateurs s’élèvent. Même les plus sceptiques hochent la tête. Je termine ma présentation sur une phrase qui me vient instinctivement : — Parce que vendre un produit, c’est facile. Mais créer un lien, c’est ce qui rend une marque immortelle. Un court silence, puis des applaudissements. Pas timides. Réels. Mon cœur cogne si fort que j’ai du mal à respirer. Je cherche instinctivement Noah. Il reste assis, impassible, mais ses doigts tapent sur le verre de son verre de vin, nerveusement. Ses yeux croisent les miens. Il ne sourit pas. Pourtant, quelque chose se passe. Une lueur, brève. De la surprise, peut-être. Je me rassieds, tremblante. Sandra, l’assistante, se penche vers moi. — Tu viens de faire tauter la salle, chuchote-t-elle. Je souris faiblement. Mais avant que je puisse savourer quoi que ce soit, Noah se lève. — Une présentation... correcte, dit-il, la voix tranchante. Correcte. Le mot me gifle. — Vous voyez, messieurs, même nos stagiaires ont de bonnes idées quand on les pousse assez. Les rires feutrés fusent autour de lui. Je ravale la boule dans ma gorge. Pendant le reste du dîner, il parle affaires, impassible, comme si je n’existais plus. Mais je sens son regard sur moi, souvent. Trop souvent. Quand la soirée s’achève, il me rejoint près de la sortie. — Vous avez surpris tout le monde, dit-il calmement. — Même vous ? Un sourire presque imperceptible étire ses lèvres. — Ne me prêtez pas tant d’importance, Mademoiselle Mballa. Il tourne les talons, me laissant seule dans le hall étincelant. Je souffle enfin. La victoire a un goût amer. Alors que je récupère mon sac, un homme que je n’ai jamais vu s’approche. Costume trois pièces, regard scrutateur. — Belle prestation, mademoiselle, dit-il doucement. Vous travaillez directement sous les ordres de Noah Ewane ? — Oui… enfin, je suis en stage dans son département. Son sourire s’étire. — Intéressant. Très intéressant. Il me tend sa carte, puis s’éloigne avant que je puisse répondre. Quand je baisse les yeux, mon estomac se noue. Sur la carte, le logo d’une entreprise concurrente. Et, au dos, une phrase griffonnée à la main : « On dirait que vous valez plus que ce qu’il pense. » Je relève la tête. Noah me fixe à travers la foule, les yeux sombres. Et soudain, j’ai froid. Très froid.Le couloir paraît soudain plus étroit en quittant le bureau du PDG. L’air semble se comprimer autour de moi, comme si ce qu’il vient de se passer ne voulait pas me laisser filer. Je marche vite, presque trop. Si quelqu’un me croise en cet instant, il verrait une fille qui tient debout uniquement parce que ses jambes ont décidé d’avancer toutes seules. Mon cœur, lui, s’est décroché depuis longtemps. “Beau travail. Continuez comme ça.” Sa voix trotte encore dans ma tête. Personne ne m’a jamais dit ça avec ce poids-là. Avec cette chaleur froide capable de caresser et de couper en même temps. Je regagne mon petit bureau, ce cube de verre coincé entre les services qu’on oublie toujours. Dès que je m’assois, mes mains tremblent légèrement. Pas de peur. Juste… l’effet Noah Ewane. Et je déteste ça. Car je sais que ce genre d’effet n’a rien à faire dans l’histoire que j’essaie de me construire. La matinée défile sans respiration. Mails, dossiers, tableaux, corrections, rapports
On dit souvent que la réussite laisse un goût sucré dans la bouche. Moi, je ne ressens qu’un mélange étrange de vertige et de fatigue. Je n’ai dormi que trois heures de temps. Le réveil sonne, mais je suis déjà éveillée. Le reflet dans le miroir me renvoie l’image d’une fille encore maquillée de la veille, les cils collés et le rouge à lèvres à moitié effacé. J'étais très fatiguée à mon retour pour me démaquiller. La robe que j’ai portée hier soir pend sur la chaise, témoin muet de ce que je viens de vivre : ma première soirée d’investisseurs. Et contre toute attente, je n’ai pas échoué. J’ai parlé devant eux. J’ai soutenu mon projet avec assurance. Et j’ai vu leurs regards changer. Même celui de Noah Ewane. L’espace d’un instant, juste avant qu’il détourne le regard, j’ai cru lire de la fierté dans ses yeux. Puis, bien sûr, son masque est revenu. Ce visage impassible, maîtrisé, presque inhumain. — Tu ne pars pas aujourd’hui ? La voix de ma mère me tire de mes
La robe qu’on m’a imposée me colle à la peau. Trop moulante, trop chère, trop… étrangère à moi. Je jette un dernier regard à mon reflet dans la vitre fumée de la voiture. Mes mains tremblent légèrement. C’est ridicule, j’ai répété ma présentation toute la semaine, je connais mes chiffres par cœur, mais mon cœur bat à tout rompre. À ma droite, Noah est assis, silencieux mais très confiant. Son profil est coupé au couteau, froid, parfait, presque irritant. Je déteste ce silence. — Vous allez continuer à trembler comme ça toute la soirée ? demande-t-il sans me regarder. Je sursaute. — Je… non, monsieur. Il soupire. — Alors respirez, Mademoiselle Mballa. Vous êtes ici pour convaincre des investisseurs, pas pour vous évanouir. Je serre les dents. Il n’a pas idée à quel point sa présence seule me déstabilise. Quand nous arrivons devant l’hôtel, les flashs des journalistes illuminent la façade. Des voitures de luxe se succèdent, les invités s’échangent des sourires polis. J’ai l’i
Je n’aurais jamais imaginé qu’une simple invitation puisse me nouer autant l’estomac. Une soirée d’investisseurs, voilà comment Monsieur Ewane avait formulé ça. Et au ton qu’il avait employé, je savais que “refuser” n’était pas une option. — Vous représenterez la société, Mademoiselle Mballa. Sa voix, grave et coupante, ne laissait aucune place à la discussion. — Assurez-vous d’être… présentable. Présentable. Le mot m’avait giflée. Je n’avais rien à me mettre de “présentable” pour une réception de ce niveau. J’étais une stagiaire, pas une mannequin de gala. J’ai tenté de faire comme si de rien n’était, mais mes mains tremblaient sur le clavier. Il faillait que je rentre afin de me reposer et mettre tous les troubles de mon esprit au calme. Je me retourne dans mon lit à la recherche d'un sommeil paisible. Mais rien n'y fait je demeure tourmentée. Qu’allais-je bien pouvoir porter ? Et surtout… pourquoi moi ? Noah Ewane,Trente-cinq ans, PDG d’Ewane Group, une e
Cela fait un mois déjà que je suis dans cette entreprise, comme le temps passe si vite, je pensais être un peu plus rodée. Erreur. Noah a une mémoire d’acier et une précision chirurgicale pour utiliser mes erreurs comme des aiguilles. Il m’appelle à son bureau à dix heures. J’ai passé la moitié de la matinée à préparer un rapport qu’il m’a demandé la veille. J’ai dormi à trois heures, mais je suis là, prête, stylo serré, la tête pleine de calculs. Je veux prouver que je mérite d’être là. Pas pour lui, pour moi. Il lit le document deux fois, lentement, sans lever les yeux. Puis il pose la feuille, comme s’il rejetait quelque chose de sale. — C’est une version brouillonne, dit-il. On dirait que vous avez fait ça à la va-vite. — J’ai corrigé tous les points que vous aviez indiqués, réponds-je. J’ai vérifié les chiffres. — Les chiffres sont justes. Le style est mauvais. Le fond est confus. Vous manquez de méthode. Sa voix est froide, sans appel. Je sens la chaleur me monter
— Vous êtes franche. C’est rare. Je devrais vous sanctionner pour votre comportement de ce matin. — Et vous allez le faire ? — Je ne sais pas encore. Son ton est indéchiffrable, oscillant entre menace et amusement. — Vous commencez lundi, dit-il enfin. Je veux voir jusqu’où va votre “franchise”, mademoiselle Mballa. Je reste figée, incapable de savoir s’il me provoque ou s’il me teste. Quand je me lève pour partir, il ajoute d’une voix plus basse : — Et la prochaine fois que vous traversez sans regarder… ne comptez pas sur moi pour freiner. Je me retourne, le cœur battant, incapable de répondre. Son regard accroche le mien, intense, brûlant. Pendant une fraction de seconde, le temps s’arrête. Je quitte son bureau, les jambes tremblantes, mais un sourire au coin des lèvres. Je ne sais pas ce qui vient de se passer, mais une chose est sûre je venais d'apprendre la leçon de ma vie. Le week-end etant passé à une vitesse éclair laissant place enfin à ce lundi, celu







