Chapitre 2

J'ai forcé une expression de faiblesse et d'impuissance.

« Je pensais à Guillaume. » Ma voix a tremblé, juste ce qu'il fallait. « Il est toujours dans ce cachot et je ne peux rien faire. »

La méfiance de Bernard s'est apaisée. Il s'est approché de moi, avec ce regard familier et affectueux sur son beau visage.

« Chérie, je sais que c'est difficile. » Il a tendu la main pour toucher ma joue. « Mais tu dois me faire confiance. J'y travaille. »

Il y travaillait ?

Il travaillait sur un moyen pour que mon frère meure dans cette cellule ?

Je n'ai pas reculé devant son contact, même si ses doigts sur ma peau me donnaient des fourmis dans l'estomac.

« Bernard, dis-moi la vérité. » J'ai levé les yeux vers lui, les yeux pleins d'un faux désespoir. « C'était vraiment un accident ? Adrienne a-t-elle vraiment perdu le contrôle ? »

Ses yeux ont vacillé. C'était minuscule, mais je l'ai vu.

« Bien sûr que c'était un accident. » Sa main s'est glissée dans ma nuque, sa voix s'est adoucie. « Sandrine, tu ne peux pas laisser ton chagrin obscurcir ton jugement. Adrienne est ta meilleure amie. Pourquoi aurait-elle délibérément... »

« Alors pourquoi les anciens la protègent-ils ? » Je l'ai interrompu. « Pourquoi n'enquêtent-ils pas ? »

Bernard a soupiré, son visage était empreint d'une responsabilité douloureuse.

« Parce que le soutien de sa famille est trop fort. Son grand-père est le Roi Alpha du Nord. » Il m'a prise dans ses bras. « Si je fais un geste contre elle maintenant, toute l'Alliance du Nord se retournera contre nous. La Meute de Bois Noir sera isolée. Nous pourrions faire face à une guerre. »

Un mensonge si parfait.

Une performance si convaincante.

Si je ne connaissais pas la vérité, j'aurais pu tomber dans le panneau.

« Alors tu veux que je lui pardonne ? » Ma voix a tremblé, cachant ma rage. « Pardonner à la femme qui a tué notre enfant ? »

« Chérie ! »

« Elle a tué ton héritier ! » Je l'ai repoussé, ma voix s'est élevée. « C'était notre petit, Bernard ! Ton héritier ! Ta chair et ton sang ! »

Son visage est devenu blanc. Ses yeux dorés se sont brisés de douleur.

« Tu crois que je ne le ressens pas ? » Sa voix était crue. Il a saisi ma main, ses doigts s'enfonçant dans ma peau jusqu'à ce que je grimace.

« C'était mon sang ! Mon héritier ! Je veux follement la déchirer en lambeaux ! Mais mon devoir... Je suis l'Alpha. Je ne peux pas. »

L'émotion brute a brisé son sang-froid, mais il l'a refoulée, l'a enfermée à l'écart. Le masque de l'Alpha en deuil s'est remis en place.

« La meute passe avant tout, toujours. » a-t-il déclaré. « Et parfois... cela signifie que nous nous sacrifions. »

Des sacrifices.

Il l'a dit si facilement.

« Sacrifier quoi ? » Je l'ai regardé fixement. « Notre enfant ? La liberté de mon frère ? Ma dignité en tant que Luna ? »

« Pour l'avenir de la meute », a-t-il dit, la voix empreinte du commandement d'un Alpha, « Sandrine, tu es ma compagne. J'ai besoin de toi à mes côtés. »

De son côté.

Comme je l'avais été ces trois dernières années.

En lui faisant confiance, en le soutenant, en lui donnant tout.

Et pour quoi ?

« Et si je refuse ? » ai-je demandé. « Si j'insiste pour que justice soit rendue à notre enfant ? »

L'expression de Bernard s'est alourdie. Il a lâché mes mains et s'est dirigé vers la fenêtre.

« La situation de ta mère pourrait alors devenir... difficile. » a-t-il dit, toujours dos à moi. « Les livraisons de Pétales de Lune n'ont pas été fiables ces derniers temps. Il serait dommage qu'elles s'arrêtent complètement. »

Mon sang s'est glacé.

Il l'avait vraiment dit.

Il me menaçait de mettre en danger la vie de ma mère.

« Tu me menaces. » ai-je grogné, la voix basse.

« Je te protège », a-t-il dit en se retournant vers moi, cette même fausse sympathie sur son visage, « je nous protège tous. Lors de la cérémonie de la Lune de Sang, pardonne Adrienne publiquement, et tout rentrera dans l'ordre. Nous pourrons recommencer à zéro. Nous pourrons même avoir un autre enfant. »

Un autre enfant.

Il aurait donc un autre otage pour me contrôler ?

Les yeux fermés, j'ai respiré profondément.

Quand je les ai rouverts, mon visage était empreint de défaite.

« Très bien. » ai-je dit. « Je lui pardonnerai lors de la cérémonie. »

La tension s'est enfin dissipée des épaules de Bernard. Il a fermé les yeux, fatigué, et son souffle s'est échappé dans un élan de pur soulagement.

« Bon... Sandrine. Merci de ta compréhension. »

Il s'est dirigé vers moi, les bras tendus pour m'enlacer.

« Je sais que c'est l'enfer pour toi. » a-t-il dit, la voix basse et tendue. « Crois-moi, quand ce sera fini, je me rattraperai. Je me rattraperai pour... »

« Mais j'ai une condition. » J'ai reculé, évitant son étreinte.

Il a froncé les sourcils.

« Quelle condition ? »

J'ai lentement passé une main sur mon ventre plat, là où notre enfant avait autrefois été conçu.

La petite vie qui n'a jamais pu voir le monde.

« J'ai besoin de sept jours. » ai-je dit d'une voix d'acier. « Je vais organiser une cérémonie de deuil pour notre enfant, une cérémonie appropriée. »