LE COLLIER

J'entends la sonnette et un frisson me parcourt l'échine.

Marcus lève les yeux de son ordinateur portable, la mâchoire crispée comme lorsqu'il pressent un mauvais présage. Sans un mot, il se lève et se dirige vers la porte. Je reste figée sur le canapé, ma tasse de café à mi-chemin de mes lèvres.

À son retour, il tient une boîte. Grande. Blanche. Emballée d'un ruban argenté qui coûte probablement plus cher que les courses de la plupart des gens.

« Ne fais pas ça. »

C'est tout ce que dit Marcus. Un seul mot. Mais j'entends tout le reste… l'avertissement, la colère, la peur de l'ouvrir.

Je prends la boîte malgré tout.

Mes doigts tremblent tandis que je la pose sur la table basse. Je sais déjà de qui elle vient. Il n'y a qu'une seule personne au monde capable d'envoyer une chose pareille. Une seule personne qui croit encore pouvoir me reconquérir avec de jolis cadeaux et des promesses en l'air.

« Amara. »

La voix de Marcus est plus douce maintenant. Presque suppliante.

« Je dois voir. »

« Non. »

Mais si. Je dois savoir ce qu'Adrian considère comme plus précieux que la vérité, cette fois-ci. Quel prix il a fixé à mon pardon.

« Il ne s'arrêtera jamais si tu continues à ouvrir ces choses. »

« Alors peut-être que je dois le voir une dernière fois. Peut-être que je dois me souvenir pourquoi je suis partie. »

Le visage de Marcus se transforme. Une lueur passe dans ses yeux… de la peine, peut-être, ou la peur que je n'aie pas autant tourné la page avec Adrian que je le prétends.

« Très bien. »

Il sort de la pièce. J'entends la porte de la chambre se refermer et je me retrouve seule avec la boîte.

J'attends minuit pour l'ouvrir.

L'appartement est plongé dans l'obscurité, à l'exception de la lampe à côté de moi. Mes mains tremblent tandis que je tire sur le ruban. Le couvercle s'ouvre facilement, comme s'il avait été conçu pour me tenter. À l'intérieur, enveloppé dans un papier de soie si délicat qu'on croirait toucher un nuage, se trouve le plus beau collier que j'aie jamais vu.

Des diamants. Des saphirs. De l'or blanc qui capte la lumière même dans l'obscurité.

Je l'ai reconnu immédiatement. Je l'avais aperçu une fois dans un magazine, au cou d'une duchesse lors d'un gala à Londres. C'est le genre de bijou qui fait parler de lui. Le genre de bijou qui a un nom et une histoire.

Soixante-quinze mille euros au moins. Peut-être plus.

Ma gorge se serre.

Il y a une carte glissée en dessous.

« Tu as toujours mérité d'être traitée comme une reine. Laisse-moi te prouver que je m'en souviens. Pourrais-tu rentrer à la maison, s'il te plaît ? S'il te plaît, Amara. Je suis désolé. »

Ma poitrine se serre si fort que je ne peux plus respirer.

Désolé.

Il est désolé.

Comme si ce mot avait le moindre sens venant de lui. Comme si ça pouvait effacer la nuit où je l'ai surpris avec elle, ses mains dans ses cheveux, son rouge à lèvres étalé sur son col. Comme si ça pouvait défaire des mois de mensonges, de manipulation, la façon dont il m'a fait me sentir folle de le questionner alors que mon intuition savait la vérité depuis le début.

Je me souviens de ce moment où j'étais debout sur le seuil de cette chambre d'hôtel. Je me souviens de son regard… non pas avec culpabilité, mais avec agacement. Comme si je le dérangeais.

« Ce n'est pas ce que tu crois. »

Voilà ce qu'il a dit. Comme si j'étais stupide. Comme si je ne voyais pas l'évidence.

Je devrais jeter ce collier par la fenêtre. Je devrais y mettre le feu. Je devrais le lui renvoyer en morceaux.

Au lieu de ça, je reste assise là, à le fixer, à me détester pour cette part de moi qui se souvient encore de l'époque où ses cadeaux avaient une signification. Quand ils étaient empreints d'amour et non de culpabilité.

Un bruit dehors me fait lever les yeux.

Le balcon.

Je me lève lentement, le collier toujours à la main, et me dirige vers la porte vitrée. J'entrouvre le rideau.

Et le voilà.

Adrian.

Debout dans la rue, il fixe mon immeuble comme un fantôme. Ses mains sont enfoncées dans les poches de son manteau. Ses cheveux sont en désordre, comme s'il les avait passés à les tripoter toute la nuit. Même d'ici, je vois le désespoir sur son visage. La folie dans ses yeux.

Depuis combien de temps est-il dehors ?

J'ai la nausée. Mon cœur bat la chamade.

Il a l'air amaigri. Brisé. Comme s'il n'avait pas dormi depuis des semaines.

Bien.

« Amara.»

La voix de Marcus derrière moi me fait sursauter. Je ne l'ai pas entendu revenir.

Il est debout dans l'embrasure de la porte, les bras croisés, le visage impassible. Ses poings sont serrés.

« Il est dehors. »

« Je sais. »

« Combien de temps ? »

« Je ne sais pas. Quelques heures, peut-être. »

Marcus s'approche et me prend le collier des mains. Il ne dit rien, le regarde un instant avant de le remettre dans la boîte et de refermer le couvercle. Ses gestes sont trop contrôlés, trop prudents.

« Il ne peut pas continuer comme ça. »

« Je ne lui ai rien demandé. »

« Je sais. Mais il se fiche de ce que tu lui demandes. Il s'en est toujours fichu. »

La vérité me frappe de plein fouet.

« Marcus… »

« Je vais juste m'assurer qu'il parte. »

« Non. »

Mais il se dirige déjà vers la porte-fenêtre. Il y a quelque chose dans sa démarche qui m'effraie. Quelque chose d'irrévocable.

« Marcus, s'il te plaît. »

Il s'arrête, la main sur la poignée.

« Je ne lui ferai pas de mal, Amara. Je veux juste qu'il comprenne que tu ne lui appartiens plus. Que tu ne lui appartiendras plus jamais. »

« Tu ne sais pas de quoi il est capable. »

« Lui non plus. »

Avant même que je puisse dire un mot…