LOGINLa maison blanche sur la falaise est devenue un laboratoire. Les plans de vols et les cartes ont été remplacés par des livres achetés dans une librairie poussiéreuse d'Athènes. Philosophie stoïcienne. Traités sur l'esprit guerrier. Poésie persane. Ils cherchent, avec la même intensité qu'ils mettaient à élaborer un coup, une nouvelle forme de combat.Leur ennemi n'a plus de visage. C'est l'ennui. Le vide. Et eux-mêmes.Ce soir, la mer est d'huile, reflétant un ciel criblé d'étoiles. Alyss est assise en tailleur sur le sol de la terrasse, la dague Tchétchène posée devant elle. Elle ne la regarde pas comme une arme, mais comme un objet de méditation. Un concentré de mort qui doit lui apprendre quelque chose sur la vie.Clara l'observe depuis la porte-fenêtre. Elle voit la tension dans le dos d'Alyss, la frustration de ne pas trouver la réponse dans le silence. Clara, elle, a trouvé une piste différente. Plus dangereuse, peut-être.Elle s'avance, tenant deux verres et une bouteille d'ouz
L'île grecque était censée être une pause. Une parenthèse de bleu et de blanc après le gris sibérien. Ils avaient loué une petite maison cubiste accrochée à la falaise, face à une mer Égée d'un calme trompeur.Mais le silence, ici, est différent. Ce n'est pas le silence complice des nuits sur la route, chargé de promesses et de projets. C'est un silence lourd, vide. Il n'y a personne à traquer, rien à voler, aucun système à déjouer. Il n'y a que le bruit des vagues, monotone, et le soleil, implacable.Clara est assise sur la terrasse, un livre ouvert sur les genoux qu'elle ne lit pas. Ses doigts tambourinent nerveusement sur la couverture. Elle observe Alyss, allongée sur un transat, les yeux fermés. Son corps est immobile, trop immobile. Clara connaît chaque tension, chaque micro-mouvement de ce corps. Elle sait qu'Alyss ne dort pas. Elle simule. Comme elle simule, elle, de lire.La dague Tchétchène est posée sur la table entre elles, un rappel incongru de leur autre vie. Elle semble
Le désert de l'Arizona est un four à micro-ondes géant. L'air vibre de chaleur, déformant l'horizon. La moto, couverte de poussière, est garée à l'ombre précaire d'un rocher. Clara, assise sur une couverture, trace des lignes dans le sable avec un bâton. Des lignes de supply, des points de pression, des failles dans des systèmes qu'elles n'attaqueront peut-être jamais. C'est une habitude. Son esprit, celui d'un stratège, ne sait pas s'arrêter.Alyss observe une fourmi traîner un cadavre de scorpion dix fois plus gros qu'elle. Elle suit son parcours obstiné, fascinée par cette économie de mouvement, cette violence pure et fonctionnelle.— On pourrait aller à Tokyo, dit soudain Clara, sans lever les yeux de ses schémas. Vider les coffres de la pègre locale. Juste pour voir s'ils peuvent nous attraper.— Trop de caméras, répond Alyss, écrasant doucement la fourmi et son fardeau du bout de son couteau. Trop prévisible.Clara lève enfin les yeux, un sourcil levé.—Tu as une meilleure idée
Le briquet en or de Clara claque dans le silence de la grande salle. La petite flamme dansante se reflète dans ses yeux, devenant un incendie à elle seule. Elle ne regarde pas les tableaux de maître, les meubles rares, les preuves tangibles de sa victoire. Elle regarde Alyss, debout de l'autre côté de la pièce, un bidon d'essence à la main.— Tu es sûre ? demande Alyss, sa voix calme, presque tendre.C'est la dernière formalité. La dernière porte avant le saut.— Je n'ai jamais été aussi sûre de rien, répond Clara, et c'est la vérité.Le liquide clapote en se répandant sur les soieries, le parquet ciré, les tapis persans. L'odeur âcre et sucrée de l'essence emplit l'air, effaçant le parfum discret du pouvoir. C'est une odeur de commencement. De fin.Clara marche vers Alyss, laissant derrière elle une traînée de combustible. Leurs mains se rejoignent au milieu de la pièce, doigts entrelacés, serrés. Le briquet est toujours là, dans la paume libre de Clara.— Pour nous, dit-elle.Elle l
La victoire a un goût de cendre.Le consortium est digéré, ses membres restants pliant le genou ou disparaissant dans d'étranges accidents. Les flux d'argent sont maintenant un fleuve tranquille coulant vers leurs coffres. La ville, leur ville, respire une peur nouvelle, une peur respectueuse. Clara Morano n'est plus une héritière ; elle est un phénomène naturel. Une loi.Pourtant, dans le silence de la nouvelle résidence fortifiée , un bunker de luxe aux murs blancs et aux lignes épurées , Clara erre comme une âme en peine. Les écrans muraux affichent des graphiques de puissance, des rapports de loyauté, des preuves tangibles de leur domination absolue. Ils sont vides de sens.Alyss la observe depuis le sofa, immobile, un fauve au repos. Elle voit le vide dans les yeux de Clara, ce même vide qu'elle a toujours connu en elle-même. Elle le reconnaît. C'est le prix de la toute-puissance. L'ennui.— Tu devrais dormir, dit Alyss, sa voix plus douce que d'habitude, brisant le silence oppre
Le repaire n'est plus un motel sordide, mais le sous-sol d'un entrepôt réquisitionné. Les murs de béton brut sont tapissés d'écrans, de tableaux de connections et d'armes soigneusement alignées. C'est le cœur battant de leur contre-attaque, une ruche d'acier et de lumière bleutée au milieu des ténèbres. Clara, au centre, est un généralissime orchestrant une guerre invisible.Silas Thorne est à genoux. Littéralement. L'homme qui régnait sur un empire de respectabilité et de capitaux est réduit à l'état d'épave tremblante, ses vêtements de lin froissés, son regard vide fixé sur le pistolet que Alyss fait nonchalamment tourner autour de son doigt.— Vous avez… vous avez ruiné mon fils, hoquette-t-il, sa voix n'étant plus qu'un filet rauque. Sa carrière… sa vie…— Nous lui avons offert une vérité, le corrige Clara, sans même le regarder, ses yeux scannant les flux financiers sur l'écran principal. La vérité de votre héritage. Du sang et de la boue.Elle tourne enfin son regard vers lui, e







