Mag-log inAlyss
Le "terrier" de Lorenzo est un entrepôt frigorifique abandonné en bordure des docks. L'air y est glacial, saturé d'une odeur de rouille et de poisson pourri. Alyss s'y est infiltrée par une bouche d'aération, silencieuse et invisible, un spectre dans la nuit.
Accroupie dans l'ombre sur une coursive métallique surplombant l'espace principal, elle observe la scène. Lorenzo est là, entouré de quatre hommes lourdement armés. Il parle fort, d'une voix aiguë et nerveuse, plein de l'importance de sa mission.
— Elle va sortir de la réception, la voiture l'emmènera par le chemin habituel. Vous l'interceptez au carrefour de la 12ème rue. Vous la prenez vivante. Mon père veut s'en occuper personnellement.
Vivante. Le mot résonne dans le crâne d'Alyss. Clara avait raison. Marco veut le plaisir de la tuer lui-même. Une erreur. On ne laisse pas une proie comme Clara en vie.
Elle sort son pistolet, le silencieux déjà vissé au canon. Sa mission est de capturer Lorenzo. Mais les hommes autour de lui sont un problème. Des problèmes qu'il faut régler. Rapidement. Silencieusement.
Elle vise le premier garde, le plus éloigné.
Phut.
L'homme s'effondre,une tache rouge apparaissant sur son front.
La confusion est instantanée. Les trois autres hommes braquent leurs armes, cherchant une cible dans l'obscurité.
Phut. Un deuxième.
Lorenzo hurle, se cachant derrière un conteneur.
—C'est elle ! C'est la tueuse à gages ! Trouvez-la !
Alyss sourit dans l'ombre. La tueuse à gages. Elle aime bien le titre. Elle change de position, se déplaçant le long de la coursive avec une agilité de félin.
Le troisième garde l'aperçoit, lève son arme. Trop tard. Phut.
Il ne reste plus que le dernier, plaquant Lorenzo au sol pour le protéger. Alyss saute de la coursive, atterrissant en silence à quelques mètres d'eux. Le dernier garde se retourne, les yeux écarquillés par la terreur. Il n'a même pas le temps de crier.
Phut.
Le silence retombe, plus lourd que le bruit des coups de feu. Seul le souffle haletant de Lorenzo trouble le calme mortuaire.
Alyss s'avance, son pistolet braqué sur lui.
—Debout.
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Clara
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La limousine roule vers la résidence de Clara. Elle est assise à l'arrière, immobile, les mains posées sur ses genoux. Son téléphone est silencieux. L'attente est un supplice. Chaque minute qui passe sans nouvelle est une éternité. A-t-elle surestimé Alyss ? Lorenzo l'a-t-il prise en embuscade ?
Soudain, son téléphone vibre. Un message.
—Le paquet est en route. Destination : la maison.
Le soulagement est si violent qu'elle en a le vertige. Elle ferme les yeux, s'autorisant une profonde inspiration. C'est fait.
Quand la voiture s'arrête dans le sous-sol de son immeuble, elle descend d'un pas ferme. La porte de l'ascenseur privé s'ouvre directement dans l'entrée de son penthouse.
Alyss est déjà là. Debout au milieu du salon, une tache sombre et sauvage dans le décor épuré. À ses pieds, Lorenzo, bâillonné et menotté, les yeux exorbités de terreur. Une fine traînée de sang coule de sa tempe.
— Il a un peu résisté, commente Alyss avec un haussement d'épaules. J'ai dû le convaincre.
Clara s'approche, son regard balayant le visage tuméfié de son cousin. Elle ne ressent rien. Pas de pitié. Pas de colère. Juste une satisfaction froide et calculée.
— Où et quand ? demande-t-elle simplement.
Alyss lui tend le téléphone de Lorenzo.
—Demain matin. Au marché de gros. Marco veut y être pour… "négocier" ta reddition. Il pense que nous y amènerons Clara en échange de Lorenzo.
Clara hoche la tête, un sourire cruel aux lèvres.
—Parfait.
Elle se penche, arrachant le bâillon de la bouche de Lorenzo.
— Clara ! Par pitié, c'est mon père, je…
—Tais-toi, Lorenzo, l'interrompt-elle d'une voix douce et mortelle. Tu as parlé. Maintenant, tu vas te taire.
Elle se redresse et se tourne vers Alyss. Leurs regards se rencontrent, et l'air devient électrique. L'adrénaline de la chasse, le succès de la mission, la proximité du danger… c'est un mélange enivrant.
— Tu as réussi, dit Clara, sa voix un peu rauque.
— Je t'avais dit que tu pouvais me faire confiance, répond Alyss sans ciller.
Il n'y a plus de Lorenzo. Il n'y a plus de Marco. Il n'y a que les deux femmes, face à face, unies par le sang versé et la victoire. Le désir est là, palpable, plus fort que tout. Un besoin primal de célébrer cette victoire dans la chair, de marquer cette alliance d'une empreinte ardente.
Clara fait un pas. Puis un autre. Elle est si proche qu'elle sent la chaleur qui émane du corps d'Alyss, l'odeur de la sueur et du métal.
— La nuit n'est pas finie, murmure-t-elle.
Sa main se pose sur la nuque d'Alyss, l'attirant vers elle. Le baiser qui suit n'a rien de doux. C'est une conquête. Une revendication. Une promesse de violence et de passion mêlées.
Quand elles se séparent, le souffle court, Clara a les joues empourprées et les yeux brillants d'une lueur sauvage.
— Emmène-le dans la chambre forte. Ensuite… reviens.
L'ordre est donné. La nuit, et la guerre, sont loin d'être terminées. Demain, le marché de gros. Mais pour l'instant, il y a ce feu à entretenir. Ce pacte de sang et de désir à sceller, encore et encore.
ClaraLa victoire sur Kovac et Bianchi a un goût de cendres. Un goût de solitude. Le pouvoir est consolidé, les frontières de son empire redessinées à l'encre de sang et de peur. Pourtant, une nervosité nouvelle habite Clara. Une faille qu'elle ne peut colmater.Alyss. Toujours Alyss.La désobéissance de la tueuse a été un coup de couteau, aussi précis qu'une opération chirurgicale. Elle lui a rappelé une vérité fondamentale : la bête qu'elle a lâchée dans son jardin n'est pas domestiquée. Elle est partenaire, oui. Mais une partenaire qui possède son propre code, sa propre morale tordue, et le pouvoir de la défier.Ce soir, une réception. Une célébration de sa "victoire" contre les corbeaux. Le grand salon de son penthouse fourmille de visages souriants, de rires forcés, de louanges hypocrites. Elle serre des mains, échange des bises, joue son rôle de reine magnanime et invulnérable.Mais ses yeux, sans cesse, cherchent une silhouette dans l'ombre. Une présence qu'elle sait pourtant i
ClaraL'aube trouve Clara de retour dans son penthouse, le corps encore imprégné du parfum d'Alyss, un mélange de cuir, de nuit et de sueur. La rencontre dans l'atelier a été une tempête nécessaire, un rééquilibrage de son âme. Mais à la lumière froide du jour, la réalité se rappelle à elle, plus menaçante que jamais.Sur son bureau, une nouvelle pile de rapports l'attend. Le dernier en date est marqué "URGENT". Elle l'ouvre, et un froid mortel lui parcourt l'échine. Les familles Bianchi et Kovac, deux clans mineurs mais ambitieux, ont scellé une alliance. Ils profitent de la prétendue "traque" d'Alyss et de la prétendue "vulnérabilité" de Clara pour grignoter son territoire. Des livraisons interceptées. Des hommes intimidés. Un message clair : le trône de Clara est vacant, et les corbeaux se rassemblent pour le festin.Sa main se serre sur le papier, le froissant. La fureur est une lame blanche en elle. Elle avait prévu une période de consolidation, pas une guerre ouverte sur plusieu
ClaraLes semaines qui suivent sont un ballet macabre et exquis. Clara orchestre la comédie avec une maestria diabolique. Les funérailles de Marco sont un événement public, un spectacle de deuil et de détermination. Vêtue de noir, le visage voilé d'une résolution de marbre, elle serre des mains, accepte les condoléances, et jure devant tous de venger son oncle bien-aimé.— Je ne connaîtrai pas le repos tant que cette vermine, Alyss, n'aura pas payé pour son crime, prononce-t-elle d'une voix claire et porteuse, devant une foule de dignitaires et de caïds.Le mensonge est un poison doux sur sa langue. Chaque mot est un clou planté dans le cercueil de son ancienne vie, scellant sa nouvelle autorité. En privé, dans le sanctuaire de son bureau, elle règne. Les affaires de la famille n'ont jamais été aussi florissantes. La peur qu'inspire la mort de Marco, combinée à la détermination affichée de Clara, a consolidé son pouvoir d'une main de fer.Mais le pouvoir est un fauteuil solitaire. La
ClaraLe silence qui tombe sur le hangar est plus assourdissant que les coups de feu. Une fumée âcre flotte, mêlée à l'odeur de poudre et de sang. Les corps des hommes de Marco gisent, immobiles, dans des poses grotesques. Au centre, Marco se tord de douleur, geignant, une main pressée sur son épaule déchiquetée.Clara respire à grands coups, les poumons brûlants, les oreilles bourdonnantes. Son cœur bat à tout rompre, mais son esprit est d'un calme glaçial. Elle baisse son arme, le canon encore fumant, et se tourne vers Alyss.Sans un mot, elle traverse la distance qui les sépare. Ses doigts se referment sur le col du sweat-shirt d'Alyss, serrant le tissu, attirant son visage tout près du sien. La fureur et l'adrénaline forment un cocktail explosif dans ses veines.— Tu as osé, souffle-t-elle, sa voix rauque, chargée d'une colère qui pourrait réduire l'acier en poussière. Tu as osé me trahir. Même pour une fraction de seconde.Son autre main se lève, non pas pour gifler, mais pour sa
ClaraL'aube point à peine lorsque Clara se réveille,le corps encore vibrant du souvenir des heures passées. Le lit est vide à côté d'elle, mais la chaleur d'Alyss imprègne encore les draps. Elle se lève, enveloppée dans sa soie, et se dirige vers la fenêtre. La ville s'étire, paisible, ignorant le tremblement de terre qui se prépare dans l'antre de sa reine.Son téléphone vibre. Marco. Elle laisse sonner, comptant les secondes, savourant son angoisse. À la quatrième sonnerie, elle répond, d'une voix traînante, feignant la fatigue.—Allô, oncle ? À cette heure ?La voix de Marco est un râle, déchiré entre la fureur et la panique.—Où est mon fils, Clara ? Où est Lorenzo ?— Lorenzo ? Je l'ai quitté à la réception. Il semblait… pressé. Un problème ?Un silence à l'autre bout du fil, chargé de haine.—Je sais que c'est toi. Rends-le-moi. Et je te promets une mort rapide.Clara ricane, un son bas et dangereux.—Tu n'es plus en position d'exiger quoi que ce soit, Marco. Tu veux ton fils ?
AlyssLe "terrier" de Lorenzo est un entrepôt frigorifique abandonné en bordure des docks. L'air y est glacial, saturé d'une odeur de rouille et de poisson pourri. Alyss s'y est infiltrée par une bouche d'aération, silencieuse et invisible, un spectre dans la nuit.Accroupie dans l'ombre sur une coursive métallique surplombant l'espace principal, elle observe la scène. Lorenzo est là, entouré de quatre hommes lourdement armés. Il parle fort, d'une voix aiguë et nerveuse, plein de l'importance de sa mission.— Elle va sortir de la réception, la voiture l'emmènera par le chemin habituel. Vous l'interceptez au carrefour de la 12ème rue. Vous la prenez vivante. Mon père veut s'en occuper personnellement.Vivante. Le mot résonne dans le crâne d'Alyss. Clara avait raison. Marco veut le plaisir de la tuer lui-même. Une erreur. On ne laisse pas une proie comme Clara en vie.Elle sort son pistolet, le silencieux déjà vissé au canon. Sa mission est de capturer Lorenzo. Mais les hommes autour de







