Rome, place Saint-Pierre...Le pape s’apprêtait à réciter la prière pour l’Angélus de midi depuis la terrasse surélevée placée devant la basilique. La foule, plus dense que d’habitude, se pressait derrière les barrières, impatiente et frémissante à l’idée que le Saint-Père allait peut-être commenter les derniers évènements et donner des réponses aux multiples interrogations que le monde se posait.L’Ange Révélateur était-il un messager de Dieu ? Telle était la question qui tournait en boucle dans les esprits surchauffés. Pour beaucoup, cela ne faisait plus aucun doute. Cependant, chacun savait que le Vatican était très prudent avec les miracles. Nul doute qu’il n’y aurait pas de confirmation papale, néanmoins, chaque mot concernant Ö serait bu comme parole divine par les pèlerins, quelle qu’en soit la signification.De l’autre côté de la place Saint-Pierre, là où les colonnes du Bernin s’ouvraient sur la ville en une large entrée
Budapest...Angela et Noa avaient parlé sans discontinuer durant des heures.Ils s’étaient d’abord présentés l’un à l’autre, presque pudiquement. Puis, la confiance s’installant, ils s’étaient livrés à un échange d’informations à bâtons rompus, n’omettant aucun détail sur leurs découvertes mutuelles des derniers jours.Au fil de leur discussion, ce qu’avait pressenti le professeur Emmerich prenait corps ; leurs deux enquêtes étaient liées.Bien sûr, il y avait l’Ange. Ou peut-être, des Anges. Car rien ne prouvait que les apparitions africaines, indiennes et péruviennes fussent l’œuvre de la même entité que Ö. D’après le théologien, la confrérie angélique était nombreuse et bien organisée. Quoi qu’il en soit, une énergie divine était descendue sur Terre pour mettre en garde les hommes contre quelque chose de terrible.Angela avait ensuite rallumé la télévision pour voir si les choses avaient évolué suite à la divulgation du cinqui
New York, plateau de Fox News…Le révérend Robert Taggert fit son entrée sous les applaudissements d’un public soigneusement sélectionné pour la circonstance. Vêtu d’un costume sombre qui affinait sa haute silhouette tout en faisant resplendir ses cheveux blancs coupés courts, il portait ses soixante quinze ans avec une rare élégance. Un sourire éclatant de star hollywoodienne placardé sur son visage lifté, il serra chaleureusement la main de Will Connoly, le journaliste vedette qui l’avait invité dans son émission. Ce dernier le convia à s’asseoir dans l’un des deux larges fauteuils placés au centre du plateau. L’émission se déroulant en direct, toute la technique – éclairage, son, régie - était réglée au millimètre et Connoly attaqua sans préambule.– Révérent Taggert, merci d’être venu aussi vite ! Je sais que vous êtes très pris par vos ouailles dans votre fief de Virginie.– L’actualité ne peut pas attendre Will, vous le savez mieux que moi,
Budapest.Le jour se levait.Angela était accoudée à la rambarde du pont Elisabeth et laissait son regard vagabonder au gré des flots. Vingt mètres plus bas, les eaux grises du Danube s’écoulaient avec une lenteur apaisante, indifférentes au tumulte qui gagnait peu à peu la planète, mais cela ne calma en rien son esprit.À l’espoir messianique suscité par les révélations de Ö, succédaient dorénavant des rumeurs de guerre.Le monde basculait. Et il n’avait suffi que de quelques heures pour cela. Comment pouvait-on passer d’un extrême à l’autre en si peu de temps ?Les gens sont versatiles, voilà tout. Cela fait partie de la nature humaine, se dit-elle.Mais qu’allaient-ils faire maintenant ? Comment renverser la situation ? Comment empêcher cette guerre dont le spectre se matérialisait un peu plus à chaque heure qui passait ?À ses côtés, la présence de Noa la rassura. Elle n’était plus seule dans sa quête. Une onde
New York…Se cacher parmi huit millions de personnes était le meilleur moyen de passer inaperçu, se répétait Zed tel un mantra afin de combattre son aversion pour les villes. Après le départ d’Angela, il avait pris la décision d’aller se noyer dans la plus grande masse populaire des États-Unis : New York City. Densité : sept mille habitants au kilomètre carré. Néanmoins, même dans ces conditions, la NSA le repèrerait aussi facilement qu’un mouton noir dans un troupeau s’il faisait le moindre faux-pas. Il changeait donc d’hôtel tous les jours, donnait des faux noms, payait systématiquement en liquide, et surtout, se connectait sous des IP différents en ayant pris soin de pirater des réseaux wi-fi aussi loin que possible de sa position.Présentement, il était dans le Queens, quartier populaire multi-ethnique qui offrait un terrain de jeu parfait pour rester incognito. Malgré tout, la situation n’était pas enviable. Être un fugitif ne permettait pas d
Budapest.Angela dormait à poings fermés lorsqu’on frappa à sa porte. Elle se réveilla instantanément, sur le qui-vive, une onde de peur la parcourant. Elle se leva et s’approcha de la porte, une boule au ventre.– Qui est là ?– C’est Noa ! Ouvrez !Soulagée, elle déverrouilla la porte, laissant le journaliste se faufiler à l’intérieur. Il claqua la porte derrière lui et la prit dans ses bras.– On a réussi !– Quoi ?!– Ö… Il nous a entendus !Ils étaient assis sur le lit et discutaient dans la pénombre, la seule source de lumière étant la faible clarté nocturne de la ville filtrant par les rideaux.– Je n’arrivais pas à dormir et je suis descendu dans le hall pour me connecter sur le Web par l’ordinateur de l’hôtel.– Que dit le message ? demanda Angela.– Guettez la venue de Ö.– C’est tout ?– C’est tout.– Mon Dieu, il va venir ! C’est incroyable !
Londres…Bien qu’il fût l’heure du déjeuner, la salle de rédaction du Guardian bruissait de l’habituelle effervescence des grands quotidiens. Comme aimait à le répéter Harold Ramis, le rédacteur en chef, l’information ne mangeait pas, ne dormait pas, ne prenait jamais la moindre pause-café. Il se passait toujours quelque chose sur la planète Terre, et ce qui valait la peine d’être rapporté devait l’être sans délai. Être un bon journaliste ne consistait pas à pondre un bon papier ; il fallait l’écrire avant les autres. Ce métier était un sacerdoce qui devait s’affranchir des habituelles contraintes temporelles humaines.Ce qui pouvait devenir usant à la longue, en convenait Ramis. Mais après plus de vingt ans passés dans le métier, il ne l’aurait lâché pour rien au monde. Ce boulot était une drogue, une putain de drogue ! À vrai dire, il ne vivait que pour ça.Prévenu de l’arrivée du dernier message de Ö quelques minutes à peine après sa
Budapest…Angela et Noa avaient décidé de téléphoner dans des lieux publics éloignés de leur hôtel par mesure de sécurité. Une fois fait, ils se rejoignirent dans un café du quartier piéton de Vaci, dont la terrasse s’ouvrait sur une charmante place arborée. Ils commandèrent du thé, des sandwichs et des pâtisseries locales, puis firent le point.Chacun avait appelé son journal respectif, ainsi que tous les contacts qu’il connaissait dans les autres rédactions ; Angela avait même pu discuter avec Philipp Dexter, le rédacteur en chef du New York Times que lui avait présenté William, mais la réponse était invariablement la même : leur information était du vent. Personne ne publierait rien là-dessus, c’était trop casse-gueule.– Retour à la case départ, nous devons trouver autre chose, dit Noa.– Il y a peut-être une solution, renchérit Angela. Faire circuler l’info sur le web.– On y voit passer tellement de trucs délirants qu