Budapest.Angela dormait à poings fermés lorsqu’on frappa à sa porte. Elle se réveilla instantanément, sur le qui-vive, une onde de peur la parcourant. Elle se leva et s’approcha de la porte, une boule au ventre.– Qui est là ?– C’est Noa ! Ouvrez !Soulagée, elle déverrouilla la porte, laissant le journaliste se faufiler à l’intérieur. Il claqua la porte derrière lui et la prit dans ses bras.– On a réussi !– Quoi ?!– Ö… Il nous a entendus !Ils étaient assis sur le lit et discutaient dans la pénombre, la seule source de lumière étant la faible clarté nocturne de la ville filtrant par les rideaux.– Je n’arrivais pas à dormir et je suis descendu dans le hall pour me connecter sur le Web par l’ordinateur de l’hôtel.– Que dit le message ? demanda Angela.– Guettez la venue de Ö.– C’est tout ?– C’est tout.– Mon Dieu, il va venir ! C’est incroyable !
Londres…Bien qu’il fût l’heure du déjeuner, la salle de rédaction du Guardian bruissait de l’habituelle effervescence des grands quotidiens. Comme aimait à le répéter Harold Ramis, le rédacteur en chef, l’information ne mangeait pas, ne dormait pas, ne prenait jamais la moindre pause-café. Il se passait toujours quelque chose sur la planète Terre, et ce qui valait la peine d’être rapporté devait l’être sans délai. Être un bon journaliste ne consistait pas à pondre un bon papier ; il fallait l’écrire avant les autres. Ce métier était un sacerdoce qui devait s’affranchir des habituelles contraintes temporelles humaines.Ce qui pouvait devenir usant à la longue, en convenait Ramis. Mais après plus de vingt ans passés dans le métier, il ne l’aurait lâché pour rien au monde. Ce boulot était une drogue, une putain de drogue ! À vrai dire, il ne vivait que pour ça.Prévenu de l’arrivée du dernier message de Ö quelques minutes à peine après sa
Budapest…Angela et Noa avaient décidé de téléphoner dans des lieux publics éloignés de leur hôtel par mesure de sécurité. Une fois fait, ils se rejoignirent dans un café du quartier piéton de Vaci, dont la terrasse s’ouvrait sur une charmante place arborée. Ils commandèrent du thé, des sandwichs et des pâtisseries locales, puis firent le point.Chacun avait appelé son journal respectif, ainsi que tous les contacts qu’il connaissait dans les autres rédactions ; Angela avait même pu discuter avec Philipp Dexter, le rédacteur en chef du New York Times que lui avait présenté William, mais la réponse était invariablement la même : leur information était du vent. Personne ne publierait rien là-dessus, c’était trop casse-gueule.– Retour à la case départ, nous devons trouver autre chose, dit Noa.– Il y a peut-être une solution, renchérit Angela. Faire circuler l’info sur le web.– On y voit passer tellement de trucs délirants qu
Washington DC, deux jours plus tard…Les bureaux des sénateurs ne se trouvent pas au Capitole même, mais dans trois bâtiments à proximité, sur Constitution Avenue, de sorte qu’ils doivent se déplacer lorsqu’une séance est prévue au sein de l’hémicycle. Quand il pleut, la plupart le font en limousine, mais aujourd’hui, malgré le temps, Frank Urban avait choisi d’y aller à pied ; il avait besoin de s’oxygéner, les dernières vingt-quatre heures ayant été plus qu’éprouvantes. Marchant à grands pas sans prendre la peine d’éviter les flaques qui noyaient la chaussée, bien abrité sous son parapluie malgré le déluge, il traversa Constitution Avenue pour s’engager sur la voie piétonne longeant Northeast Drive, son garde du corps le suivant à courte distance.Urban était d’humeur aussi sombre que les lourds nuages noirs qui roulaient au ras des toits et grondaient en déversant leurs trombes d’eau sur la ville. Le dernier message de Ö était un sérieux problème. La
Israël, Mont Thabor…Les premières lueurs de l’aube dessinaient une longue chevelure flamboyante dans l’éther. Poussés par un vent d’altitude, des nuages sombres prenaient peu à peu possession du ciel, se parant d’une teinte mauve du côté du levant.Angela s’extirpa de sa couverture ; le petit tertre sur lequel ils s’étaient installés le soir précédent était situé presque au pied de la montagne. Il n’était pas très élevé, mais cependant suffisamment pour qu’elle puisse observer les environs. Depuis la veille, des milliers de pèlerins s’étaient amassés dans la longue plaine déserte au pied du mont, formant à perte de vue, une véritable marée humaine. La foule répandait doucement, dans le silence du désert, les bruits inhérents aux gens qui se réveillent, mais étrangement, les sons lui parvenaient étouffés comme au travers d’un filtre, comme s’ils frémissaient sur un plan vibratoire légèrement déphasé du sien. Peut-être était-ce la densité plus lourde
.Paris…Les cloches de Notre-Dame sonnèrent douze fois, telle une lugubre sentence annonçant le milieu d’une nuit terrible. Noa écarta discrètement les rideaux pour observer dehors. Les pavés luisants d’humidité brillaient doucement sous la lueur des réverbères. Pas un chat ne hantait la rue ; c’était à croire que toute vie avait quitté le quartier. Les tueurs qui les pistaient avaient apparemment perdu leurs traces. Combien de temps durerait le répit ? Noa n’en avait pas la moindre idée. Quelques heures, quelques jours, peut-être une semaine ?Mais ce n’était pas leur plus gros problème.Ils avaient décidé de passer par Paris afin de leurrer ceux qui les recherchaient, mais leur but était de rentrer aux États-Unis car Angela voulait retrouver Zed au plus vite. Après cinq heures d’un vol sans histoire et la cohue de l’aéroport Charles-de-Gaulle, ils avaient trouvé refuge dans un petit hôtel deux étoiles du Marais. Mais la joie qui les avait ét
Yersinia pestis…Le fléau de Dieu qui décima le monde au milieu du quatorzième siècle, tuant la moitié de la population européenne, était revenu d’entre les morts, tel le fantôme d’une horrible Némésis s’incarnant pour une autre guerre contre les hommes.Bien sûr, de nos jours, les moyens de le combattre existaient et la pandémie serait vite stoppée. Mais ce n’était pas ça le plus important, pensait Robert Taggert tandis que la maquilleuse achevait de le préparer. Le plus important était d’y voir un signe de Dieu.– Nous serons à l’antenne dans trois minutes révérend ! lança un assistant par la porte entrebâillée.Taggert se leva, s’admira un instant dans la glace, puis, sans un regard en arrière, quitta la loge.Depuis sa dernière apparition télévisée, sa côte avait amplement monté auprès du public américain, ses propos ayant trouvé un écho bien au-delà de l’habituel cercle des radicaux et autres intégristes qui le suivaient religieusem
Marine One, l’hélicoptère dévolu au transport du président des États-Unis d’Amérique, se posa délicatement sur la grande pelouse sud de la Maison-Blanche. L’échelle de bord fut descendue tandis que l’équipage coupait les moteurs, puis un Marine en grande tenue sortit et vint se placer au garde-à-vous juste à côté de la porte d’embarquement.À deux cents mètres de là, l’agent du Secret Services Japhet Negron s’arrêta un instant pour consulter sa montre ; il disposait de quinze minutes avant l’arrivée du président - que l’hélicoptère devait emmener sur la base aérienne d’Andrews où l’attendait Air Force One pour un voyage sur la côte ouest des États-Unis.Negron se dirigea vers le Marine, à qui il montra son badge, puis grimpa à bord de l’appareil.– Agent Negron, Secret Service, inspection de routine, lança-t-il au steward qui mettait une dernière touche à la cabine.Negron se présenta ensuite aux pilotes avant de poursuivre son examen des lieux