LOGINAsharLa maison est silencieuse quand j’y rentre, bien après minuit. L’odeur de la confrontation y flotte encore, mêlée au parfum entêtant de June et au souvenir de la douleur de Serena. Deux parfums de femme, deux poisons distincts qui coulent désormais dans les mêmes veines, les miennes.Je monte l’escalier, chaque marche un coup de marteau dans le silence. Mon corps est lourd de fatigue, de sueur séchée et de la sauvagerie de la nuit. Mais mon esprit est plus clair qu’il ne l’a été depuis des semaines. La confusion s’est dissipée, remplacée par une résolution froide, implacable.Je pousse d’abord la porte de la chambre d’amis. June dort, nue entre les draps. La lueur de la lune caresse la courbe de son épaule, la ligne sensuelle de sa hanche. Elle a l’air paisible, victorieuse. Elle croit avoir gagné. Elle se réveille en sursaut quand je la soulève, un petit cri étouffé.— Ashar ? Qu’est-ce que tu… ?— Chut, je lui intime l’ordre, ma voix basse et sans réplique.Elle se blottit con
SerenaLe souffle nous revient lentement, en lambeaux. Le poids de son corps contre le mien est une ancre dans le chaos. La brique froide me transperce le dos, une douleur réelle, tangible, qui me rattache à ce moment de folie. La pluie a lessivé mes larmes, mais pas la brûlure de sa trahison. Ni celle de ma propre capitulation.Je le hais. Je le hais plus que tout au monde. Et pourtant, mes jambes sont toujours enlacées autour de sa taille, mes doigts agrippés à ses épaules comme à une bouée. Le goût de sa bouche, de sa peau, est un poison familier dont je ne peux plus me passer.Il relève la tête. Ses yeux, dans la pénombre, sont deux braises noires, consumées par la même tempête intérieure que la mienne. Il ne dit rien. Il n'a pas besoin de parler. Le silence entre nous est plus éloquent que mille mots. C'est un aveu, un constat d'échec, un pacte renouvelé dans la boue et le sang.Très lentement, il se redresse, me permettant de glisser le long du mur jusqu'à ce que mes pieds touch
AsharLa porte claque. Le son est un coup de feu dans le silence de la maison. Les mots de Serena résonnent encore, des lames empoisonnées plantées dans ma chair.« Garde ta putain. »« Une blessure qui ne guérira jamais. »June ricane derrière moi, un son de victoire gluant.—Eh bien, elle a du tempérament, la petite.Sa voix est une mouche vrombissante sur l'immense plaie ouverte. Je la vois, allongée, offerte, satisfaite. L'odeur de notre sexe flotte encore, mêlée à celle du verre brisé et de la haine. Cette pièce, cette maison, tout est souillé. Par moi. Par nous.Le visage de Serena. Sa douleur transformée en cette froideur mortelle. Son mépris. C'était pire que ses larmes. Bien pire.Quelque chose se rompt en moi.Un grognement sourd s'échappe de ma gorge. Je ne pense plus. Je n'analyse plus. Je suis un animal acculé, un homme qui voit l'abîme et choisit d'y sauter plutôt que de reculer.— Tais-toi, je gronde en direction de June sans même la regarder.Je traverse la pièce d'un
SerenaLa rue est un flou gris. Mes pas frappent le trottoir, saccadés, désordonnés. La pluie commence à tomber, fine et glacée, collant mes cheveux à mon front, mes vêtements à ma peau. Je ne la sens pas. Je ne sens que la brûlure. Celle de la gifle que j'ai donnée, et celle, mille fois plus vive, qui dévore mes entrailles.Monstre. Chien. Les mots résonnent dans mon crâne, creux. Ils sont insuffisants. Aucun mot ne pourrait contenir l'océan de poison qui me submerge. J'ai vu. J'ai vu leurs corps enlacés sous le jet, une seule entité ruisselante et haletante. J'ai vu ses mains sur elle. J'ai vu son abandon total. Notre intimité, nos promesses, réduites à un spectacle sordide dans la vapeur d'une salle de bains.Je marche sans but, aveuglée par les larmes qui se mêlent à la pluie. Chaque image est un coup de couteau. Le sourire de triomphe de June. Le dos musclé d'Ashar, tendu sous ses doigts à elle. Leurs gémissements, étouffés par l'eau, mais si clairs à mes oreilles.Puis, une autr
JuneLa porte claque derrière lui. Le son résonne dans la maison vide, un point final brutal à notre scène. Je reste immobile, adossée au chambranle, la serviette humide collée à ma peau qui frémit encore. Le parfum d'Ashar flotte dans l'air mêlé à celui de notre transpiration, un mélange enivrant de sel, de peau chaude et de trahison.Mon rire s'éteint dans ma gorge.Le silence qui suit est plus lourd, plus dense que tout ce qui a précédé. Il est à moi. Seulement à moi.Je laisse glisser la serviette.Le tissu éponge tombe en un tas mou sur le carrelage encore humide. L'air frais caresse ma peau nue, fait dresser les poils sur mes bras, mes cuisses. Je frissonne, non de froid, mais d'excitation. La vision d'Ashar, paniqué, courant comme un chien battu après cette petite chose larmoyante... C'était délicieux. Mais ce n'était qu'un apéritif.Mon regard se pose sur la grande glace au-dessus des lavabos. La buée commence à se dissiper, révelant par plaques mon reflet. Une femme aux cheve
AsharLe silence qui suit est une chose vivante, épaisse et laiteuse. Il se coule dans l'espace entre nos corps, dans le léger espace où sa peau se détache de la mienne. L'eau n'est plus qu'une pluie tiède, un pleur sur nos épaules. Je garde les yeux fermés, un instant de plus, à mémoriser le poids d'elle contre moi, la courbe parfaite de ses hanches sous mes mains, le souffle précipité qui chauffe mon cou. C'est un leurre. Je le sais. Une bombe à retardement dont nous venons de couper le fil, sans savoir qu'il était relié à une autre.— Enfin.Le mot de June est un souffle, une exhalaison de victoire. Sa joue frotte contre mon pectoral, un geste de possession féline. Ses doigts tracent des cercles lents, hypnotiques, sur ma peau mouillée, comme pour sceller un pacte écrit dans l'eau et la vapeur.— Enfin, nous sommes seuls.Je n'ouvre pas les yeux. Si je les ouvre, le charme se brisera. Si je les ouvre, je verrai les murs, la réalité, l'ombre de l'autre qui plane déjà, même ici, surt






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