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Chapitre 7

Author: Élodie Doré
La voix froide d'Alain a résonné dans le couloir, froide et tranchante.

Sylvie s'est retournée et a croisé son regard noir, glacial, dénué d'émotion.

Comme toujours, il a pris le parti d'Héloïse et de Thayer sans chercher à comprendre, convaincu que Sylvie et sa fille étaient en tort.

Sans lui laisser le temps de répondre, il s'est tourné vers Héloïse, sa voix s'adoucissant légèrement.

« Entrez manger le petit-déjeuner. »

Il n'a même pas jeté un regard à Émilie et est entré dans la chambre avec eux et a fermé la porte.

Sylvie a fixé la porte close, ses poings serrés, les ongles s'enfonçant presque dans sa chair.

Face à l'indifférence d'Alain, son regard s'est durci encore davantage.

Comment avait-elle pu supporter cette attitude méprisante pendant tant d'années ?

À y penser, c'était risible.

Si elle n'avait pas tant cherché à obtenir l'attention d'Alain, si elle avait emmené sa fille loin de lui plus tôt, peut-être que, dans sa vie précédente, Émilie n'aurait pas connu une fin aussi tragique.

« Maman, je me sens beaucoup mieux maintenant. » a dit Émilie, « On peut sortir de l'hôpital aujourd'hui, non ? »

Sylvie a baissé les yeux sur sa fille, si sage et compréhensive, le cœur lourd.

« À l'avenir, peu importe qui t'embête, ne te laisse pas faire, d'accord ? »

Émilie a hoché la tête avec sérieux :

« J'ai compris. »

-

Après avoir réglé les formalités de sortie d'Émilie, Sylvie l'a emmenée chez sa mère, Aceline Beaufour.

Aceline et le père de Sylvie étaient en plein divorce, mais ce dernier refusait toujours de signer. Aceline avait donc choisi de vivre seule.

Elle s'était installée dans une villa en périphérie, loin du centre-ville, mais l'air y était pur et le cadre agréable.

Sylvie aimait venir ici avec Émilie pour discuter à cœur ouvert avec sa mère.

En voyant sa grand-mère, Émilie s'est précipitée dans ses bras, radieuse : « Mamie ! »

Aceline l'a soulevée en riant.

« Oh, ma petite-fille chérie, tu as encore grandi ! Qu'est-ce que tu veux manger aujourd'hui ? Mamie te le préparera. »

« Du bœuf bourguignon ! »

« Très bien, mamie va te le faire. »

Après avoir cajolé Émilie, Aceline l'a envoyée regarder la télévision à l'étage.

Puis s'est tournée vers Sylvie.

« On est mercredi, comment as-tu le temps de passer ? »

Sylvie s'est assise.

« Les affaires vont bien ? »

Aceline gérait sa propre entreprise, mais depuis quelque temps, les choses allaient mal. Les revenus chutaient, et elle enchaînait les pertes.

C'était à cause de cette entreprise que Gervais Potier, son mari, refusait le divorce. Après des années de mariage, leurs intérêts financiers étaient trop imbriqués, et la répartition des biens s'avérait compliquée.

Gervais avait depuis longtemps une maîtresse, qui lui avait donné un fils et une fille.

Il n'avait jamais apprécié Sylvie mais, lorsqu'elle avait épousé Alain, il avait essayé de se rapprocher d'elle pour profiter des relations d'Alain dans les affaires.

Mais Alain, qui ne l'aimait pas, n'avait jamais prêté attention à sa famille.

Furieux, Gervais avait même insulté Aceline d'avoir donné naissance à une « bonne à rien ».

« Toujours pareil. » a répondu Aceline avec un soupir.

Sylvie a baissé les yeux. Ces dernières années, elle avait envoyé de l'argent à sa mère dès qu'elle le pouvait, mais elle n'avait jamais vraiment suivi les détails de son entreprise.

Dans sa vie précédente, deux jours avant la mort d'Émilie, l'entreprise d'Aceline avait fait faillite.

« Dans quelque temps, je t'enverrai une autre somme, » a dit Sylvie.

« Tu pourras revoir le modèle de gestion de l'entreprise. L'ancien est trop dépassé, il ne suit plus l'époque. Tu pourrais aussi investir dans des secteurs émergents, comme les énergies renouvelables. Et les dirigeants aux idées trop rigides, il faut les remplacer. »

Aceline a froncé les sourcils.

« D'où vas-tu sortir cet argent ? C'est Alain qui… »

« Non. » Sylvie l'a coupée net.

« Je vais divorcer. »

En toutes ces années de mariage, Alain n'avait jamais aidé la famille Potier, même quand leur entreprise était au bord de la faillite.

Pourtant, quand Héloïse manquait d'argent pour ses études à l'étranger, il lui avait envoyé des millions sans sourciller.

À l'époque, sans l'aide de son frère Gérard Beaufour, Aceline aurait croulé sous des dettes colossales.

Aceline a regardé sa fille, le cœur lourd.

« C'est ma faute, je n'ai pas su t'offrir une famille solide pour te soutenir. Sinon, tu n'aurais pas tant souffert chez les Chéron… »

Elle a détourné les yeux, les larmes aux paupières.

« Tu as tenu jusqu'à maintenant pour parler de divorce. »

« C'est du passé. » a répondu Sylvie.

Elle n'aurait jamais dû s'obstiner à épouser Alain.

Une femme amoureuse pense toujours qu'en se consacrant à son foyer, elle gagnera l'amour de son mari.

-

Sylvie a laissé Émilie chez Aceline.

Sa démission avait été acceptée, et elle devait se rendre au Groupe Chéron pour finaliser les formalités.

Dans le hall de l'entreprise, elle a croisé Alain de face.

Vêtu d'un costume noir, il marchait à grands pas, visiblement pressé.

Sylvie s'est écartée pour le laisser passer, le regard neutre.

Comme toujours, Alain l'a ignorée, habitué à faire comme si elle n'existait pas.

Peu importait ses salutations ou ses efforts pour se faire remarquer, il restait indifférent.

« Alain, par ici ! » a lancé Héloïse depuis l'entrée, lui faisant un signe joyeux.

« Tu n'avais pas besoin de descendre me chercher, je serais montée toute seule ! »

Sylvie s'est soudain rappelée qu'en toutes ces années, qu'il pleuve ou qu'il vente, Alain n'avait jamais eu pour elle cette attention.

Les gens différaient, et ses manières envers elles différaient tout autant.

Elle a détourné le regard, ne souhaitant plus se préoccuper de ce qu'ils pouvaient bien faire ensemble.

Elle s'est dirigée vers l'ascenseur pour rejoindre le cinquième étage, au service des ressources humaines, afin de déposer sa demande de démission.

Celina, la responsable RH, a paru surprise :

« Tu veux vraiment partir ? Je croyais que tu plaisantais. »

Tout le monde a su que Sylvie n'était qu'une simple assistante, sans tâches complexes à gérer. Elle s'est contentée de servir le café ou de préparer les salles de réunion, car elle a dû rentrer tôt pour s'occuper des enfants.

Même si le président Chéron ne lui prêtait aucune attention, elle s'évertuait à le suivre dans ses affaires.

Une démission soudaine ? C'était à peine croyable.

Sylvie n'a pas voulu s'expliquer, se contentant d'un froid : « Oui. »

Face à son attitude, Celina a ravalé ses pensées. Une petite assistante, quelle arrogance ! Tout le monde parlait de la petite amie du président, arrivée ce matin même.

Dans les groupes de discussion, on ne tarissait pas d'éloges : une femme brillante, élégante, diplômée de deux doctorats – en finance et en ingénierie aérospatiale – et de retour d'études à l'étranger.

Avec le président Chéron, ils formaient un couple parfait, une alliance de talents.

Celina s'est dit que Sylvie, consciente de ne pas faire le poids face à cette femme, devait se sentir inférieure et quitter son poste par dépit.

« C'est réglé. » a déclaré Céline en lui tendant les documents signés, avant d'ajouter d'un ton étranger :

« Sylvie, je te donne un conseil : où que tu ailles travailler, ne t'attache pas à des gens qui ne sont pas pour toi. »

En entendant ces mots, Sylvie a ressenti une douleur sourde.

Ainsi donc, tout ce qu'elle a pris pour de l'amour, tous ces efforts qu'elle a déployés… n'ont été vus, pour les autres, ce n'était qu'une obsession unilatérale, un rêve insensé.

Tout le monde l'avait compris, et elle, elle ne s'était réveillée que maintenant. Dans sa vie précédente, c'était peut-être une punition du ciel.

Elle a inspiré profondément, a jeté un regard froid à Celina : « Merci de ton intérêt, mais ma carrière n'a pas besoin de tes conseils. »

En quittant le service RH, Sylvie est descendue dans le hall.

Alain et Héloïse y étaient encore.

Autrefois, elle a cherché mille prétextes pour croiser Alain, mais aujourd'hui, elle n'a ressenti plus que du dégoût à sa vue.

Elle a accéléré le pas pour s'éloigner, mais Alain l'a interpellée d'un ton posé.

« Sylvie, apporte un café à Héloïse dans mon bureau. »

Héloïse a aussitôt renchéri, le sourire mielleux :

« Alain m'a dit que tu faisais un excellent café, que tu es faite pour ces tâches domestiques. Quelle épouse modèle ! Moi, je ne saurais pas faire ces choses délicates. Oh, et je veux un café moulu à la main, je n'aime pas le soluble. »

Sylvie s'est arrêtée, s'est tournée vers elle et a répondu d'une voix calme :

« Dans son bureau, il y a un allumeur aussi. Ça vient du même endroit que toi, tu devrais savoir t'en servir, non ? »
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