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Comme chaque matin, Alessia se réveilla dans la chambre de Jun. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle resta longtemps à observer le plafond. Les yeux fatigués et le regard vide, elle se leva machinalement. La petite dormait encore dans son berceau. Elle s'avança près du lit et déposa ses lèvres sur sa tempe, puis posa son front contre le sien un moment, en demandant mentalement qu'elle soit toujours en bonne santé. Elle s'éloigna d'elle et, avant de rejoindre la salle de bain, remit en place la couette qui avait glissé de son corps. Puis, lorsqu'elle fut dans la salle de bain, elle resta un moment à regarder son reflet. Après ça, elle prit la boîte d'inhibiteurs qui se trouvait dans la petite armoire au-dessus du lavabo. Elle avala un comprimé et attendit un instant avant de prendre sa douche. Elle s'habilla avec les vêtements qu'elle avait eu le temps de prendre la veille en rentrant, alors qu'Ethan se trouvait encore dans son bureau. Après avoir fini, elle prépara les vêtements de Jun pour ce soir et fit de même pour son alpha. Cette étape terminée, elle rejoignit la cuisine. Là, elle vit Emma déjà réveillée. Elle la salua et toutes deux préparèrent le petit déjeuner. — Emma, l'appela Alessia. La bêta se retourna. — Oui, madame ? — Peux-tu dire à Luna que les affaires de Jun se trouvent sur le petit meuble sous le berceau ? J'ai déjà tout préparé. Elle retira son tablier tout en lui expliquant ce qu'elle devait transmettre. — Je ne manquerai pas de lui dire, madame, répondit la jeune femme. Alessia se tritura ensuite les doigts, un peu gênée. Elle voulait donner encore plus de consignes, mais avait l'impression qu'elle allait vomir à tout moment. Pourtant, elle devait le faire. Alors, elle prit une grande bouffée d'air, puis se plaça dos à elle, près de l'évier, ses mains déjà plongées dans l'eau froide. — Bien, euh... Elle se tourna et prit une serviette pour s'essuyer les mains. Peux-tu dire à Ethan que j'ai déjà préparé ses vêtements et qu'il peut déjeuner sans moi ? J'ai un cours ce matin. Emma acquiesça, et Alessia lui sourit avant de monter à l'étage prendre ses affaires. Puis elle sortit. La maison était encore silencieuse, seuls quelques employés étaient réveillés. Elle salua le gardien, qui lui rendit son salut, les sourcils froncés. C'était la première fois qu'il voyait sa jeune maîtresse sortir sans escorte. ✩ Alessia arriva à la fac alors qu'il n'était encore que sept heures, son premier cours étant à huit heures. Si elle était là ce matin et qu'elle avait menti à Emma, c'était parce qu'elle devait rencontrer quelqu'un. — Alessia Blackwood ! Son nom fut prononcé d'une voix calme qui la fit se retourner. Devant elle se tenait un jeune homme, aux yeux foncés, la peau claire et des fossettes visibles lorsqu'il sourit. — Liam Sterling, répondit-elle en se levant. — Merci d'avoir répondu à mon annonce. Alessia resta un moment à le regarder. Elle pouvait sentir ses phéromones d'alpha, faibles mais bien présentes. Elle ne pouvait pas travailler avec lui. — Je ne peux plus le faire. Le jeune homme en face d'elle fixa ses lèvres, essayant de comprendre ses mots. — Pourquoi ? Pourtant vous étiez prête à m'aider, demanda Liam en levant les yeux. — Je suis une oméga, je ne peux pas travailler seule avec un alpha, lui expliqua-t-elle. Liam dut lire sur ses lèvres pour comprendre. — Mais nous ne serons pas seules. Kaëlle ! Et Alessia vit une petite tête brune apparaître. Elle n'avait même pas remarqué qu'il y avait quelqu'un caché derrière Liam. — Tu n'as plus à t'en faire, Kaëlle est aussi une oméga et c'est ma meilleure amie. — Salut, fit la petite voix de cette dernière, et Alessia sentit ses joues rougir de gêne. Alessia crut d'abord voir une lycéenne, tant elle la trouvait petite et mignonne. Elle baissa la tête, cachant un sourire devant ce visage angélique. — Je rêve, ou tu te moques de moi ? protesta la jeune oméga, faisant sursauter Liam. Regarde , elle se moque de moi ! Kaëlle avait articulé de façon à ce que son ami comprenne ses paroles. Ce dernier soupira simplement, connaissant son amie. Il savait qu'elle n'allait pas s'arrêter là. Il s'assit sur le banc qu'Alessia avait quitté. — Alessia, maintenant que nous avons éclairci les choses, pouvons-nous passer au programme ? Alessia hocha la tête et délassa la "petite naine", comme elle aimait maintenant l'appeler. Elle s'installa à son tour, attentive. — En fait, comme tu peux le voir, j'ai un problème auditif, pour appuyer ses mots Liam posa sa main sur son appareil qui grésillait. J'ai besoin d'aide en ce moment, car c'est difficile de suivre les cours. Et mon amie ici présente ne sait pas prendre des notes correctement. Ledit amie détourna le regard, les joues rouges de gêne. — Mouais, seule moi comprends ce qui est écrit, rétorqua-t-elle. — C'est bien ce que je disais, sourit Liam, dévoilant ses fossettes, avant que son amie ne lui donne un coup de coude. Donc, tu veux commencer quand ? — Tu as cours tout à l'heure ? demanda Alessia. — Pas avant 10 heures. J'ai un cours de commerce aujourd'hui. — Ah, ça tombe bien, j'ai aussi cours de commerce après. ✩ Le claquement de ses mocassins à chacun de ses pas était le seul bruit qui brisait le silence. Son téléphone collé à l'oreille, Ethan arriva rapidement dans la salle à manger, où il vit sa petite fille en train de déjeuner. Un sourire lui vint. Il tira une chaise et, une fois installé, constata l'absence de son épouse. Ses sourcils se froncèrent. Mais la jeune femme debout au bout de la table s'avança vers lui. — Madame a dit de vous dire qu'elle ne déjeunerait pas. Elle a un cours tôt ce matin, l'informa-t-elle en s'inclinant respectueusement. Il hocha simplement la tête, puis lui fit signe de le servir. Elle retira la cloche devant lui, révélant son repas déjà préparé par Alessia avant son départ. D'un geste de la main, il lui indiqua qu'elle pouvait partir, ce qu'elle fit. Il commença son repas tout en répondant à quelques mails qu'il n'avait pas consultés la veille. Luna quitta la table la première, emportant la petite avec elle. Ethan se leva après avoir terminé. Il reçut un message de son frère, lui annonçant son arrivée, et un sourire lui vint. Ça faisait tellement longtemps qu'il ne les avait pas vus. Après ce qu'il avait vécu ces deux dernières années, il avait besoin de souffler un peu. Les yeux toujours rivés sur son téléphone, ses doigts s'activèrent pour répondre à son frère, lorsqu'il vit "Martin". Ses sourcils se froncèrent d'incompréhension. Il rangea son téléphone dans sa poche après avoir envoyé sa réponse. Ses pas s'arrêtèrent devant la balustrade. Une main enfoncée dans la poche de son pantalon à pinces, il observa longuement son employé. Il essayait de comprendre... ou plutôt, il avait déjà compris la raison de sa présence, mais refusait de se l'avouer. — Martin, que fais-tu là ? Sa voix était calme et posée, mais néanmoins, Martin, en tant que bêta, pouvait ressentir la colère de son patron. — Je suis là pour récupérer madame, expliqua-t-il calmement. Ethan eut un mouvement de recul. Ses yeux étaient déjà rouges, et ses phéromones alertèrent son garde, qui l'attendait près de la voiture. — Emma ! Sa voix dure tonna si fort que même Luna, à l'étage, descendit pour voir ce qui n'allait pas. — Monsieur, me voici. — Tu m'as dit que ma femme avait un cours ce matin, c'est ça ? Il avait prononcé ces mots sans même se retourner. — C'est bien ça, monsieur. — Bien. Il reporta son regard sur la balustrade, et sa main libre se referma sur le cou de Martin. Tu m'expliques pourquoi tu n'es pas avec elle ? Quelle était ta mission ? — La pro... protéger, réussit-il à dire avec difficulté, alors qu'Ethan serrait de plus en plus fort. — Alors pourquoi es-tu encore là ? Tu es censé connaître son emploi du temps par cœur, être toujours là si elle a besoin de quelque chose, et surtout la protéger ! Il le repoussa, et Martin se mit à tousser, une main sur son cou. — Maintenant, va la retrouver. Et j'espère pour toi qu'elle n'est pas en danger. Sa voix froide claqua durement, et le garde du corps acquiesça avant de s'incliner en signe de respect et de partir. Ethan resta là, tandis que les employés se retiraient. Ses mains se serrèrent en poings. Tout cela le rendait fou de rage. Il avait l'impression de se noyer dans sa colère. Comment avait-il pu ne pas remarquer qu'Alessia était sortie sans son garde ? Cette dernière lui envoyait toujours un message à son arrivée à la fac ou à son retour à la maison, mais cette fois, il n'avait rien reçu... et il n'avait pas fait le lien. Sa main se posa sur son visage. Sa colère refusait de s'apaiser. . . . « Eleanor, ta sœur ne me rend pas la vie facile. »ʚĭɞ L'obscurité habituelle n'était plus. La prairie verdoyante, remplie de ses magnifiques fleurs, de sa colline, du vent frais et rafraîchissant, n'était plus. Seul un blanc immaculé à perte de vue subsistait. C'était froid, d'un froid absolu et stérile, et silencieux, trop silencieux, un silence de cathédrale engloutie.Elle ne savait pas où elle se trouvait. Debout, elle se mit à pivoter sur elle-même, mais rien, pas une âme qui vive, aucun point de repère dans ce néant laiteux. Désespérée, elle s'affaissa, ne sachant pas si la surface qui la soutenait était le sol, le ciel, ou l'entrecroisement des deux. Aucune frontière ne délimitait cet espace hors du monde.Alors qu'une panique glaciale menaçait de submerger son être tout entier, une voix, qu'elle aurait reconnue entre un milliard, s'éleva dans le brouillard. Une petite silhouette se dressa devant elle, son visage flouté, indistinct, comme protégé par un voile d'énergie pure.« Pourquoi tu ne t'es pas battue ? » Sa voix calme
❈Une voix grave, striée de cette neutralité clinique propre aux annonces tragiques, fendit l’air étouffant de la salle d’attente via le système de hauts-parleurs. « Code rouge. Arrêt cardiorespiratoire en salle de réveil, chambre 4. Équipe de réanimation, stat. »Le cœur d’Ethan Blackwood se bloqua net, comme sidéré, avant de repartir dans un martèlement chaotique qui lui monta à la gorge. Avant même que son cortex cérébral n’ait achevé de traiter l’information, son corps d’alpha avait réagi. Un instinct primal plus fort que la raison. Il fut debout dans un mouvement fluide et violent, enjambant presque le banc où il était assis avec son frère, propulsé par une vague d’adrénaline pure.Il fonça, visant le couloir, ce boyau aseptisé qui menait à l’unique chose qui importait. Damien était à ses trousses, tentant de rattraper son élan désespéré. À peine arrivé devant la porte numérotée 4, une infirmière – un bloc infranchissable en tunique bleue – le repoussa fermement d’une poussée sèc
❍Ethan Blackwood avait passé la nuit à veiller sur Alessia. « Veiller » était un bien grand mot. Il n’avait été autorisé à rester à son chevet que cinq courtes minutes, le temps de serrer sa main inerte dans les siennes, avant qu’une infirmière ne le prie respectueusement de sortir. Trop de présence, avait-elle expliqué d’une voix douce mais ferme, pourrait nuire à son réveil.Il avait alors rejoint la salle d’attente où Nathaniel l’attendait, immobile et silencieux. Un faible sourire, l’ombre de lui-même, avait étiré les lèvres d’Ethan en l’apercevant. Ils étaient restés là, côte à côte, sans un mot, à observer le ballet silencieux du personnel médical et les angoisses des autres familles en attente. Des heures s’étaient écoulées, rythmées seulement par le tic-tac implacable de l’horloge murale et le bourdonnement étouffé des néons. Lorsque les premières lueurs de l’aube avaient teinté le ciel d’un gris laiteux et que la neige avait commencé à recouvrir la ville d’un linceul immacul
~ ʚĭɞ ~Ses doigts défilèrent sur son dos nu avec une lenteur délibérée, telle une mélodie de caresses silencieuses. Chaque parcelle de peau, chaque courbe et chaque cicatrice invisible était honorée sous ce toucher possessif et apaisant. Après leur étreinte, Damien s’était retiré, et ce simple geste les fit soupirer en parfaite synchronie, un son lourd de bien-être et de complicité. Puis, sans un mot, il l’avait soulevée dans ses bras, comme si Kaëlle ne pesait pas plus qu’une plume, et l’avait emportée vers la salle de bain.Là, sous la lueur tamisée, il fit couler l’eau de la baignoire, y versant les huiles essentielles que son oméga lui avait tendues. Un parfum envoûtant de vanille et de santal embauma instantanément la pièce, créant un cocon vaporeux. Ils s’installèrent ensemble, l’eau chaude enveloppant leurs corps fatigués. Le dos de Kaëlle vint se coller contre le torse musclé de Damien, et ce dernier enroula fermement ses bras autour de sa taille, l’enserrant dans une bulle d
~ ʚĭɞ ~Le soleil filtrait ses rayons d’or pâle à travers les voilages, inondant la chambre d’une lumière laiteuse et chaude. Des particules de poussière dansaient comme des paillettes dans l’air, portées par les souffles du vent qui faisaient onduler les rideaux d’un blanc éclatant. Allongée sur le lit immense, Kaëlle avait le bras replié sur son visage, bouclier fragile contre l’assaut de la lumière. Trop épuisée pour se lever, trop vidée pour même fermer complètement les paupières. Depuis son retour de l’hôpital, le sommeil fuyait son corps tendu, son esprit emprisonné dans les mots énigmatiques de Nathaniel, son beau-frère. Une lubie pour le sang… Que cachait cette phrase sibylline ? Un frisson lui parcourut l’échine.Un soupir las, lourd de fatigue et d’interrogations, s’échappa de ses lèvres pulpeuses. Elle se redressa avec une lenteur sensuelle, sculptant son dos cambré contre la tête de lit en acajou massif. Elle glissa un coussin de soie entre ses jambes, un faible réconfort,
~ ʚĭɞ ~Sur le chemin sinueux qui serpentait vers l’hôpital, Ethan Blackwood sentait son cœur battre à tout rompre contre sa cage thoracique, comme un oiseau affolé pris au piège. Maintenant que l’adrénaline de la crise retombait, une marée noire d’angoisse l’envahissait, lui serrant la gorge et le ventre. Son téléphone vibrait sans relâche contre le cuir de son siège. Il jeta un regard fiévreux à l’écran où le nom de Nathaniel dansait, les lettres semblant flotter dans l’air épais de l’habitacle, telles des lucioles hypnotiques et menaçantes.Il brûlait de répondre, mais une peur viscérale, primitive, lui tordait les entrailles. La perspective d’entendre une mauvaise nouvelle, déformée par la froideur d’un appareil, lui était insupportable. Il devait être là. Il devait voir, entendre, toucher la réalité. Son véhicule, une BMW noire aux lignes agressives, s’immobilisa dans un crissement à peine audible devant l’entrée glaciale des urgences. La portière s’ouvrit avant même que le moteu