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Alessia avait longtemps discuté avec son nouvel employeur, elle le trouvait drôle et la petite pile à ses côtés ne faisait pas exception. Elle était taquine et toujours souriante, pour la première fois elle se sentait bien. Elle n'avait plus l'impression d'être quelqu'un d'autre, ou de vivre la vie de sa sœur, celle-ci était la vrai elle, celle qui ne se soucie de rien et sourit joyeusement. Elle pouvait dire qu'elle s'était faite une connaissance, et pourquoi pas des potentielles amies. Après s'être saluée, elle avait rejoint l'amphi pour son premier cours. Durant celui-ci, elle avait senti son téléphone vibrer longtemps et cela à plusieurs reprises. Elle ne savait pas qui pouvait l'appeler, et elle ne pouvait pas répondre. Elle pensait qu'elle le rappellerait peut-être après son cours. Lorsque celui-ci fut enfin terminé, elle s'était levée et avait commencé à ranger ses affaires. Elle sortit ensuite son téléphone et découvrit la tonne d'appels en absence de son garde-du-corps. C'était la première fois que Martin l'appelait, et Alessia se demanda ce qui pouvait bien se passer. Mais son fil de réflexion fut coupé lorsqu'elle aperçut son garde-du-corps, posé comme à son habitude : le corps droit, les épaules tendues, mais sa mine était dure. Elle déglutit en arrivant à sa hauteur, mais celui-ci la dépassa sans un mot. Elle sentit son cœur se serrer et le suivit pour son deuxième cours. Alessia ne comprenait plus rien, elle avait l'impression d'avoir fait quelque chose de mal et pourtant elle ne savait pas quoi. Elle resta longtemps à réfléchir, et ce, même lorsqu'elle avait rejoint Liam en cours de commerce. Ce dernier l'avait regardée prendre des notes sans aucune expression, cela l'inquiétait. Lorsqu'elle vit leur prof écrire sur le grand tableau, elle profita de ce moment pour le questionner. — Un truc te tracasse, s'exclama-t-il d'un ton calme. — Je sais pas trop, répondit Alessia dans un soupire. Puis un long silence s'installa, et Alessia ne comprit pas pourquoi son nouvel ami n'enchaînait pas. Elle tourna la tête vers lui, et Liam la regardait toujours fixement. C'est là qu'elle comprit qu'elle ne l'avait pas entendue. Elle s'excusa en se mettant bien face à lui, les mains jointes. — Désolée, je... Vraiment, j'ai pas voulu t'offenser, s'excusa Alessia. — Oh, ne t'excuse pas, c'est moi. Il posa à nouveau sa main sur son oreille. Mon appareil fait des siennes et je dois encore attendre un peu pour avoir des nouvelles, expliqua Liam. Alessia hocha la tête. Bon, tu me dis ce qui te tracasse. Un soupir. — Mon garde-du-corps, commença-t-elle, mais elle se fit couper par Kaëlle qui venait de les rejoindre. — T'as un garde-du-corps ? — Kaëlle, laisse-la parler. Liam lui avait fait signe de se taire, et elle avait hoché la tête. — Bien, je disais que mon garde-du-corps me fait la tête et je ne sais pas pourquoi. J'ai dû certes m'éclipser sans lui ce matin, et je ne sais pas si mon mari... — Non, t'as un mari ? Il ne manquerait plus que tu nous dises que t'as un enfant et ce serait le comble, plaisanta Kaëlle en faisant de grands gestes. — Mais j'ai une fille de bientôt trois ans. — Quoi, non ! Elle lança un regard à son ami. Liam, tu peux la croire, elle a un enfant et pas moi, pleurnicha Kaëlle en venant se vautrer dans les bras de son ami. — Mais c'est pas une compétition, Kaëlle. Il posa sa main sur la tête de son amie et la berça. Excuse-la, Alessia, Kaëlle est... comment dire... jalouse comme oméga. Cette dernière lui pinça les côtés avant de se retirer des bras de Liam, qui se mit à rire discrètement, emportant Kaëlle dans son euphorie. Elle se sentait bien. — Mais je pense que si tu t'es éclipsée ce matin sans lui, pour moi, tu devrais lui présenter des excuses. Tu sais que son travail est de veiller sur ta sécurité, après tout. Alessia hocha la tête, d'accord avec lui. Elle vit ensuite Kaëlle se retirer des bras de son ami, un sourire timide sur les lèvres, sourire qu'elle lui rendit. Elles avaient ensuite recopié ce que le professeur avait écrit sur le tableau. — N'oublie pas de t'excuser, lui rappela Liam en tapotant son dos. . . . — C'est lui là-bas. Kaëlle avait pointé son doigt devant elle, et Liam l'avait baissé d'un geste de la main. — Kaëlle, ce n'est pas bien de pointer les gens du doigt. Il se tourna vers Alessia. Excuse-la encore une fois. Alessia secoua les mains cette fois-ci. Elle écouta ses deux amis se chamailler avant de les saluer et de s'en aller. Elle n'avait plus cours pour la journée, et Liam non plus. Elle devait se rendre chez sa belle-famille, mais elle voulait d'abord arranger les choses avec son garde-du-corps. Elle s'était avancée comme ce matin, mais cette fois, sa tête était baissée. Martin l'avait vue faire, et toute sa colère s'était dissipée lorsqu'il avait vu les larmes remplir le visage de sa protégée. — Martin, je suis désolée d'être partie sans toi. il était venue poser ses mains sur ses épaules. — Je ne suis pas fâché, mais j'étais inquiet, et je pense que monsieur aussi l'était. Les sourcils d'Alessia s'étaient froncés d'incompréhension. Elle rêvait, parce que là, elle n'aurait pas pu entendre quelque chose de ce genre. C'était impossible. — Tu parles de qui ? Ethan ? Ce dernier se mit à acquiescer. N'importe quoi, comme s'il pouvait avoir ne serait-ce que de l'empathie pour moi. Ses paroles étaient froides. Martin comprit alors que sa jeune maîtresse avait trop de ressentiment caché en elle, et il voulait bien l'aider, mais il ne savait pas comment. Après ça, elle avait senti son humeur se détériorer. Elle avait donc demandé si elle pouvait partir, et Martin avait accepté. ✩ — Alessia, pose-le là. Alessia était venue poser la grande assiette remplie de curry là où sa belle-mère lui avait indiqué. — Merci beaucoup. Maintenant, tu peux aller prendre un bain, ils ne vont plus tarder. Alessia hocha la tête et suivit la direction que lui avait montrée sa belle-mère. C'était l'ancienne chambre d'Ethan. Lorsqu'elle posa un pied, elle pouvait encore sentir ses phéromones. Elles étaient faibles, mais bien présentes : une odeur de bois de cannelle mélangé à de la terre mouillée, et elle adorait ça. Elle s'allongea sur le lit et inspira l'odeur. Elle aurait voulu toujours la sentir, mais c'était précis si Ethan libérait les siennes en sa présence. Elle soupira. Pris de colère, elle se leva et s'enferma dans la salle de bain. Cette chambre était plus petite que celle qu'elle partageait avec Ethan, où le visage de sa sœur l'épiait toujours au moindre de ses mouvements. Voilà pourquoi elle n'arrivait pas à dormir dans cette chambre. Après sa douche prise et après avoir enfilé les vêtements que lui avait préparés sa belle-mère, Alessia avait rejoint le salon. Au même moment, Ethan faisait son apparition, la petite dans ses bras derrière lui étant luna. Elle les avait donc rejoints. — T'es bien en retard, fils, dit sa belle-mère en arrivant à leur hauteur. — J'avais quelques dossiers à finir, mais le plus important, c'est que nous soyons là, avait répondu Ethan, ses yeux lançant des éclairs à Alessia. Cette dernière pâlit. — Bien, moi, j'ai simplement envie de revoir mes deux garnement, dit-elle tout en replaçant un couvert mal placé. — Alors, je savais que je t'avais manquée, mais pas à ce point, fit une voix derrière eux. Lorsque la belle-mère d'Alessia s'était retournée, son sourire avait rempli son visage, ainsi que ses larmes qu'elle n'avait pas pu contenir. — Maman, fit de nouveau cette voix. — Nathaniel, mon bébé, tu as tellement manqué à ta mère. Elle le serra dans ses bras, ne voulant plus le lâcher. Ne repart plus, mon bébé, maman ne va pas le supporter. C'était une première pour Alessia : voir cette femme dure et autoritaire fondre comme du chewing-gum au soleil l'étonna fortement. La voir pleurer la fit penser à sa mère. Elle lui manquait aussi, elle voulait aussi la voir et la prendre dans ses bras. — Ben, maman, je ne te savais pas aussi émotive, fit une autre voix qu'Alessia ne connaissait pas. — Tu as pris mon bébé aussi longtemps et tu voulais que je sois comment ? Le jeune Nathaniel se sépara des bras de sa mère, et ses yeux n'avaient pas tardé à trouver ceux d'Alessia. Il s'était alors avancé vers elle. — Wow, trop mignonne, s'était extasié ce dernier. — T'as vu, et c'est une oméga, avait répondu sa belle-mère, faisant sourire son fils. Comme toi. Nathaniel n'avait pas hésité à la prendre dans ses bras, ce qui avait valu un hoquet de surprise à cette dernière. — Enfin, je ne serai pas le seule oméga de la famille, répondit ce dernier en se séparant d'elle. Moi, c'est Nathaniel BlackWood, le benjamin de la famille BlackWood. Il s'était présenté en lui adressant un large sourire, et alessia le lui avait rendu. — Moi, c'est Damien BlackWood, le jumeau de ton idiot de mari, avait alors continué ce dernier en se rapprochant d'eux. — Je suis Alessia BlackWood, dit-elle d'une petite voix. Ethan l'avait simplement regardée de son regard dont elle ne pouvait déchiffrer l'expression. — Alors, Alessia, à partir d'aujourd'hui, nous serons ami, lui avait dit Ethan en venant prendre ses mains. Et elle hocha la tête, un sourire rempli de larmes. . . . « Eleanor, maintenant je peux dire que j'ai des amies. »ʚĭɞ L'obscurité habituelle n'était plus. La prairie verdoyante, remplie de ses magnifiques fleurs, de sa colline, du vent frais et rafraîchissant, n'était plus. Seul un blanc immaculé à perte de vue subsistait. C'était froid, d'un froid absolu et stérile, et silencieux, trop silencieux, un silence de cathédrale engloutie.Elle ne savait pas où elle se trouvait. Debout, elle se mit à pivoter sur elle-même, mais rien, pas une âme qui vive, aucun point de repère dans ce néant laiteux. Désespérée, elle s'affaissa, ne sachant pas si la surface qui la soutenait était le sol, le ciel, ou l'entrecroisement des deux. Aucune frontière ne délimitait cet espace hors du monde.Alors qu'une panique glaciale menaçait de submerger son être tout entier, une voix, qu'elle aurait reconnue entre un milliard, s'éleva dans le brouillard. Une petite silhouette se dressa devant elle, son visage flouté, indistinct, comme protégé par un voile d'énergie pure.« Pourquoi tu ne t'es pas battue ? » Sa voix calme
❈Une voix grave, striée de cette neutralité clinique propre aux annonces tragiques, fendit l’air étouffant de la salle d’attente via le système de hauts-parleurs. « Code rouge. Arrêt cardiorespiratoire en salle de réveil, chambre 4. Équipe de réanimation, stat. »Le cœur d’Ethan Blackwood se bloqua net, comme sidéré, avant de repartir dans un martèlement chaotique qui lui monta à la gorge. Avant même que son cortex cérébral n’ait achevé de traiter l’information, son corps d’alpha avait réagi. Un instinct primal plus fort que la raison. Il fut debout dans un mouvement fluide et violent, enjambant presque le banc où il était assis avec son frère, propulsé par une vague d’adrénaline pure.Il fonça, visant le couloir, ce boyau aseptisé qui menait à l’unique chose qui importait. Damien était à ses trousses, tentant de rattraper son élan désespéré. À peine arrivé devant la porte numérotée 4, une infirmière – un bloc infranchissable en tunique bleue – le repoussa fermement d’une poussée sèc
❍Ethan Blackwood avait passé la nuit à veiller sur Alessia. « Veiller » était un bien grand mot. Il n’avait été autorisé à rester à son chevet que cinq courtes minutes, le temps de serrer sa main inerte dans les siennes, avant qu’une infirmière ne le prie respectueusement de sortir. Trop de présence, avait-elle expliqué d’une voix douce mais ferme, pourrait nuire à son réveil.Il avait alors rejoint la salle d’attente où Nathaniel l’attendait, immobile et silencieux. Un faible sourire, l’ombre de lui-même, avait étiré les lèvres d’Ethan en l’apercevant. Ils étaient restés là, côte à côte, sans un mot, à observer le ballet silencieux du personnel médical et les angoisses des autres familles en attente. Des heures s’étaient écoulées, rythmées seulement par le tic-tac implacable de l’horloge murale et le bourdonnement étouffé des néons. Lorsque les premières lueurs de l’aube avaient teinté le ciel d’un gris laiteux et que la neige avait commencé à recouvrir la ville d’un linceul immacul
~ ʚĭɞ ~Ses doigts défilèrent sur son dos nu avec une lenteur délibérée, telle une mélodie de caresses silencieuses. Chaque parcelle de peau, chaque courbe et chaque cicatrice invisible était honorée sous ce toucher possessif et apaisant. Après leur étreinte, Damien s’était retiré, et ce simple geste les fit soupirer en parfaite synchronie, un son lourd de bien-être et de complicité. Puis, sans un mot, il l’avait soulevée dans ses bras, comme si Kaëlle ne pesait pas plus qu’une plume, et l’avait emportée vers la salle de bain.Là, sous la lueur tamisée, il fit couler l’eau de la baignoire, y versant les huiles essentielles que son oméga lui avait tendues. Un parfum envoûtant de vanille et de santal embauma instantanément la pièce, créant un cocon vaporeux. Ils s’installèrent ensemble, l’eau chaude enveloppant leurs corps fatigués. Le dos de Kaëlle vint se coller contre le torse musclé de Damien, et ce dernier enroula fermement ses bras autour de sa taille, l’enserrant dans une bulle d
~ ʚĭɞ ~Le soleil filtrait ses rayons d’or pâle à travers les voilages, inondant la chambre d’une lumière laiteuse et chaude. Des particules de poussière dansaient comme des paillettes dans l’air, portées par les souffles du vent qui faisaient onduler les rideaux d’un blanc éclatant. Allongée sur le lit immense, Kaëlle avait le bras replié sur son visage, bouclier fragile contre l’assaut de la lumière. Trop épuisée pour se lever, trop vidée pour même fermer complètement les paupières. Depuis son retour de l’hôpital, le sommeil fuyait son corps tendu, son esprit emprisonné dans les mots énigmatiques de Nathaniel, son beau-frère. Une lubie pour le sang… Que cachait cette phrase sibylline ? Un frisson lui parcourut l’échine.Un soupir las, lourd de fatigue et d’interrogations, s’échappa de ses lèvres pulpeuses. Elle se redressa avec une lenteur sensuelle, sculptant son dos cambré contre la tête de lit en acajou massif. Elle glissa un coussin de soie entre ses jambes, un faible réconfort,
~ ʚĭɞ ~Sur le chemin sinueux qui serpentait vers l’hôpital, Ethan Blackwood sentait son cœur battre à tout rompre contre sa cage thoracique, comme un oiseau affolé pris au piège. Maintenant que l’adrénaline de la crise retombait, une marée noire d’angoisse l’envahissait, lui serrant la gorge et le ventre. Son téléphone vibrait sans relâche contre le cuir de son siège. Il jeta un regard fiévreux à l’écran où le nom de Nathaniel dansait, les lettres semblant flotter dans l’air épais de l’habitacle, telles des lucioles hypnotiques et menaçantes.Il brûlait de répondre, mais une peur viscérale, primitive, lui tordait les entrailles. La perspective d’entendre une mauvaise nouvelle, déformée par la froideur d’un appareil, lui était insupportable. Il devait être là. Il devait voir, entendre, toucher la réalité. Son véhicule, une BMW noire aux lignes agressives, s’immobilisa dans un crissement à peine audible devant l’entrée glaciale des urgences. La portière s’ouvrit avant même que le moteu